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 PRINCE OF BLOOD

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kanameforever
AprentiFiction
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kanameforever

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PRINCE OF BLOOD Vide
MessageSujet: PRINCE OF BLOOD   PRINCE OF BLOOD Icon_minitimeMar 27 Avr - 13:54

PRINCE OF BLOOD


CHAPITRE PREMIER


LA LAME DU DESTIN

Musique lascive, vampires décadents adeptes des jeux de rôle, des rires qui sonnaient faux au milieu du tintement de verres de la société de la nuit. C'était tout ce qu'il détestait ... N'importe où mais pas ici. Tous les "Kaname-sama" et autres faux semblants l'écoeuraient , mais il ne le montrait pas cependant . Tous ces parents qui se collaient à lui dans le seul but qu'il accorde ses faveurs à leurs filles, il ne pouvait plus les supporter. Donnant congé à ceux qui le suivaient partout commme leur ombre , il sortit prendre l'air sur le balcon. Eloigné de la foule, l'air embaumé de l'odeur du jasmin lui apporta un soupçon de paix.
"Ils sont tous pareils", se dit-il , "ces femmes qui m'admirent ne sont que des êtres vides et superficiels camouflés sous des traits flatteurs , tous les autres ne sont que des chiens affamés, seul mon sang les intéresse, mais la crainte les rend ridiculement soumis" .
Etre aussi entouré mais se sentir si seul, c'était là ce que à quoi il avait droit. Il se retourna pour les observer, ces vampires bouffons sans consistance. Une ombre passa devant ses yeux.
Son corps se raidit lorsque l'ombre stoppa sa marche et se tourna brusquement vers lui. Il lui sembla découvrir le monde pour la première fois à travers ces prunelles sombres qui le dévisageaient.
Qui était-il? se demanda t-elle . L'être magnifique la scrutait d'un regard si électrisant qu'elle en oublia presque où elle se trouvait. Elle se perdait, se perdait, se perdait encore, malgré les mètres qui les séparaient, elle pouvait sentir l'aura incroyable qui se dégageait de cet homme.
"Homme?" Elle sursauta. "Ce n'est pas un homme" se dit elle , "un vampire... cependant je n'ai jamais vu un vampire aussi..."

- Yui .

Une voix. Quelqu'un l'appelait.

- Yui!! fit la voix d'un ton sans appel . Elle sursauta.

Le regard furieux de son père la ramena sur terre.

- Arrête de révasser tu veux? J'ai des personnes à voir et... Huh!

Il s'arrêta net en apercevant l'homme qui se tenait sur le balcon et leur faisait face. Après quelques secondes, il fronça les sourcils et attrapa violemment le bras de sa fille pour l'attirer plus loin. Yui n'avait jamais vu son père se comporter de la sorte. Il connaissait cet homme, et pour une raison inconnue, il ne souhaitait pas s'y attarder.

L'ange disparut du champ de vision de Kaname. Cette femme était mortelle et l'homme qui l'accompagnait n'était autre que le Président du Conseil des chasseurs de vampires. Il soupira. Il n'avait jamais entendu parler d'elle auparavant. Ses longs cheveux bruns dansaient autour de son visage délicat, ses yeux formaient un lit d'étoiles merveilleuses et il avait pû y déceler une grande intelligence, sa peau légèrement rosée étincelait, il aurait souhaité la caresser du bout des doigts pour en savourer toute la douceur.
"Cest une mortelle, une humaine" se dit il alors, comme s'il se rappelait à l'ordre. Il se détourna, s'efforçant d'oublier cette apparition.

- Kaname, j'aimerais te présenter quelqu'un.

Il n'entendit pas Takuma qui était venu le chercher.

- Kaname? Takuma soupira. La terre appelle Kaname!

Kaname se retourna.Takuma souriait , amusé, mais il s'arrêta net en apercevant l'air plus froid qu'à l'accoutumée de son ami.

- Heu.... excuse moi... je ne voulais pas te déranger.

- C'est bon. Je te suis , puisqu'il le faut, répliqua t-il d'une voix blanche.

Yui s'ennuyait, son père ne faisait que saluer des gens, gens qui l'observaient avec une avidité qui la mettait mal à l'aise. Elle se savait pourtant en sécurité avec son père, rien ne pourrait lui arriver ici. Pourtant... elle était entourée de vampires, civilisés, de la haute société, mais vampires malgré tout. Les yeux perdus dans le fond de son verre, ses pensées revinrent encore vers lui. Il l'obsédait. Ces magnifiques cheveux bruns, ces yeux pénétrants, et cet aura... cette puissance qui se dégageait de lui. Soudain elle l'aperçut, son coeur s'arrêta. Il se tenait à quelques pas, discutant avec un homme sans âge. Elle ne put détacher ses yeux de lui, elle était plus proche à présent et pouvait presque sentir tout le magnétisme de son corps. Prenant subitement conscience qu'elle l'avait observé un temps qui aurait pû commencer à éveiller des soupçons, elle se détourna et s'éloigna rapidement .
"Il faut que je m'éloigne de lui" se dit elle, la gorge nouée, "pourquoi cet homme me fait-il cet effet?"

- Où allez-vous d'un pas si vigoureux très chère ?

Surprise, elle se retourna.

Le blond vampire aux yeux verts qui se tenait en face d'elle était grand , jeune, et affichait un sourire avenant. " Un vrai aristocrate avec un noeud papillon parfait " pensa t-elle , ironique.

- Votre père m'a accordé le privilège de danser avec vous, continua t-il de sa voix mielleuse.

"Il n'a pas pris la peine de me consulter" pensa t-elle . En d'autres circonstances, elle aurait parlé à voix haute, mais elle se retint, trop perturbée pour entrer dans une jouxte verbale.

- Faites donc, lâcha t-elle d'un ton pourtant trop sec. Le blond vampire eut un éclair de surprise , puis la prit par le bras et l'entraîna sur la piste de danse .

Ils entamèrent une valse entraînante .

- Vous appréciez cette soirée ma chère? lui susurra t-il à l'oreille.

- Oui, mentit elle , elle est très réussie. Elle ne put s'empêcher de le chercher du regard, mais il n'était plus là. Le coeur lourd, elle laissa échapper un soupir résigné.

- Pardonnez moi , mais j'ai pourtant l'impression que quelque chose vous trouble. Elle sursauta.

Il resserra son étreinte.

- Mais...j'ose espèrer que c'est ma présence qui vous met dans ce trouble. Je me sentirais honoré.

L'atmosphère avait changé, son ton avait changé. Un frisson d'effroi la parcourut lorsqu'il s'approcha plus près et vint respirer le creux de sa gorge. Pourtant, elle croyait qu'elle ne risquait rien en cet endroit. Oserait il la mordre ici?

- Monsieur... Pourriez-vous garder vos distances s'il vous plaît? fit elle d'une voix mal assurée, je ne tiens pas à faire honte à mon père, les rumeurs peuvent faire beaucoup de mal ...

- Ma chère enfant... souffla t-il , comment le pourrais-je? Vous êtes si... appétissante. Je pourrais vous entraîner loin de cette piste de danse et nous pourrions avoir un charmant tête à tête.

Son coeur s'affola. La peur s'empara définitivement d'elle. Il allait mettre ses menaces à éxécution, elle le sentait. Elle allait peut être mourir ce soir. Il commençait déjà à l'entraîner tout en continuant à danser. Fermant les yeux, elle avait déjà accepté son sort. Personne n'avait remarqué ce qui se passait, personne ne viendrait l'aider.

- Monsieur ?

Une main ferme se posa sur l'épaule du vampire qui arrêta net sa course.
Yui ouvrit les yeux. Il se tenait là , juste devant elle...
Son dangereux cavalier arborait à présent une mine terrorisée. Un seul regard de cet homme pouvait-il le tétaniser à ce point?

- Je pense que la danse est terminée, dit-il d'une voix si calme qu'elle n'en était que plus effrayante.

- Heu... heu ... Oui, bégaya l'autre . Je... je ne voulais pas... je voulais juste....

- Juste quoi? l'arrêta t-il . Juste satisfaire vos envies salaces ? Misérable vermine.

Yui vit les yeux de l'homme devenir d'un rouge incandescent . Il avait l'air d'un vampire, un vampire féroce, prêt à tuer... Le sang de la jeune femme se glaça. Le blond vampire, secoué de peur, prit la fuite si rapidement qu'elle ne le vit plus. Sans un mot, l'homme la prit par la taille et l'entraîna dans la danse. Au contact de ses mains, sa peau prit feu, une chaleur sans égale s'empara de son corps , et elle se demandait si il s'en était aperçu... Elle n'osait pas lever les yeux vers lui.

- Comment pourrais-je vous remercier? murmura t-elle.

- En me regardant lorsque vous me parlez, répondit-il d'un ton toujours aussi calme. Cependant sa voix chaude n'avait plus cette rage de quelques instants plus tôt.

Elle sursauta.

- Mon regard vous insupporte donc à ce point?

Insupporter? Comment cela pouvait-il être? Elle ne pouvait pas le regarder, simplement parce qu'elle ne pouvait soutenir ce regard de braise sans être consumée à son tour. Combien de temps resta t-elle ainsi? Cette danse avec cette créature divine était le paradis et un tel supplice à la fois. Elle ne sentait plus le sol, elle flottait , enivrée par son odeur boisée, le corps torturé par la sensation de ses mains qui la tenaient.
Elle rouvrit enfin les yeux , et laissa échapper un cri. Ils n'étaient plus sur la piste de danse. Ils se trouvaient sur le balcon où elle l'avait aperçu pour la première fois. Toute à ses sensations qui s'entremêlaient dans sa tête, elle ne s'était pas rendue compte qu'il l'avait entraînée ailleurs. Ils ne dansaient plus. Il était immobile devant elle , à l'une des extrémités du balcon, là où personne ne pouvait les voir. Elle frissonna lorsqu'elle sentit ses doigts sur son menton. Il lui releva la tête et l'obligea à le regarder. Faire face à ses yeux c'était courir à sa perte. Ses yeux qui étaient si pénétrants qu'ils semblaient sonder son âme. Le feu se propogea de nouveau.

- Est-ce que tu as peur? demanda t-il .

Kaname ne savait pas pourquoi il l'avait entraînée là. S'étant fait violence, il s'était juré de se tenir loin d'elle, car il savait où cela mènerait. Cependant... la voir dans les bras de ce vampire insignifiant lui avait fait oublier toute réserve. Après tout, elle n'était rien pour lui. Ce vampire l'aurait tuée, il n'avait pas à s'en mêler. Combien de mortels subissaient ce sort jour après jour? Elle n'aurait été qu'un nom de plus ajouté sur une liste déjà trop longue. Mais il n'avait pû se contenir et l'envie de meurtre qui s'était emparée de lui face à ce vampire avait atteint son paroxysme. A présent, il l'avait amenée là, loin des regards. Il était lui aussi un vampire, et l'odeur de cette mortelle était plus obsédante que tout ce qu'il avait humé jusque là. Il la voulait. Il voulait la goûter. Son parfum était un appel auquel nul vampire ne pouvait résister. Qu'allait-il faire d'elle ? Il était un vampire avec des instincts de vampire, il le savait, et à voir ses yeux effrayés, elle le savait aussi. Il parvint à se ressaisir.

- Pardonne moi , fit il en lui souriant avec douceur , je ne voulais pas t'effrayer.

- Effrayer? répondit-elle surprise.

- Oui, fit-il en libérant ses doigts de son menton. Je vois dans ton regard que tu as peur de moi.

Il s'éloigna jusque la rembarde du balcon et lui tourna le dos. Le costume noir qu'il portait épousait son corps à la perfection. Un vent léger vint flirter avec ses cheveux.
"Comment peut-il penser une telle chose?" se demanda t-elle , "il m'a sauvée, il est... il est ce que je désire , pourquoi serais-je effrayée?"

- Non! laissa t-elle échapper dans un cri . Surpris , il se retourna. Les rayons de la lune dansaient sur son visage d'albâtre.

- Heu... pardonnez-moi, fit-elle confuse, je voulais dire, non, je n'ai pas peur de vous.

- Pourquoi ça? demanda t-il.

Sa voix sensuelle faisait trembler chaque particule de son être. Elle s'appuya d'une main contre le mur pour ne pas défaillir.

- Je... je ne sais pas, avoua t-elle en baissant les yeux . Peut-être parce que vous m'avez sauvée d'une mort certaine ...

- Je vois, répondit-il .

- Et je dois dire... pour une raison que j'ignore, j'ai confiance en vous.

Elle releva la tête et soutint son regard.

Kaname l'observait . Il avait pensé que laisser quelques mètres de distance entre eux l'aurait aidé à se retenir. Mais il était vain de penser cela, une telle aberration était absurde. Lui, le vampire connu pour sa droiture, sa maîtrise de soi, l'être de la nuit le plus respecté, ne maîtrisait plus rien. Un seul regard de cette femme avait détruit tout ce qu'il avait érigé. Il était redevenu un homme, un homme affamé, un vampire assoiffé.
Sa gorge était à présent douloureusement sèche alors qu'elle le regardait, indécemment belle dans ce fourreau blanc qui moulait ses formes parfaites. Il fut près d'elle en un instant.

De ses bras puissants, il la plaqua contre le mur. Elle ne cria pas. Etait-ce un tort? Allait-il la mordre pour la tuer ensuite? Qu'importait la réponse, il lui était impossible de détacher son regard du sien. Elle était comme aspirée par ces prunelles redevenues rouge incandescent, happée par la soif de ce vampire, envoûtée par son parfum. Si la mort l'attendait , alors elle l'acceptait avec joie, être tuée par lui était un destin qu'elle embrassait, elle était prête.
Il respira longuement ses cheveux, son geste était empli de dévotion . Puis il la fixa de nouveau de ses yeux de fauve , et le moment béni arriva enfin. Ses lèvres prirent les siennes avec autorité alors que sa langue caressait la sienne avec une infinie douceur. Est-ce que le temps s'était arrêté? La musique avait-elle cessé? Elle n'entendait ni ne sentait rien d'autre que lui . Elle s'aggripa à son cou instinctivement et glissa ses doigts dans ses cheveux. Elle se sentait brûler de l'intérieur et fut prise de vertiges lorsqu'il lâcha ses lèvres et descendit plus bas....
Il ne pouvait plus se détacher d'elle , il savait que c'était mal. Mais que faire face à une telle chose? Il voulait explorer chaque centimètre de son corps, la posséder toute entière, cette passion qu'il n'avait jamais connue l'avait terrassé et terrassé toutes ses belles résolutions. Il enleva le haut de sa robe et découvrit sa poitrine offerte. Fou de désir il prit possession de ses seins déjà durs qui se durcirent encore plus sous la pression de sa bouche. Elle gémissait. Cela le rendait encore plus téméraire. Il sentait les mains de la jeune femme qui s'aggripaient avec violence à ses cheveux tandis que sa langue affamée se promenait sur sa poitrine. Il l'entraîna avec lui sur le sol. Il n'avait plus de barrières. Sa main glissa sous sa robe , remonta lentement le long de sa jambe et arriva entre ses cuisses. Il la regarda alors. Il garda son regard plongé dans le sien pendant que ses doigts exploraient habilement la partie la plus intime de son corps. Il la regardait, l'admirait, alors qu'elle gémissait sous ses caresses audacieuses. Cette femme était sienne à cet instant.

- Je veux être le seul qui ai le droit de te caresser ainsi... souffla t-il en faisant pénétrer ses doigts en elle .

Elle était à bout. Elle ne pouvait retenir ses gémissements de plaisir, était-ce mal? Elle se faisait caresser par cet inconnu sur ce balcon. Quelqu'un pouvait arriver à tout moment. Mais plus rien n'importait. Nulle place pour la honte , il n'y avait de place que pour lui.

- Oui, s'entendit elle lui répondre entre deux gémissements d'une voix qu'elle ne connaissait pas, je ne serai qu'à toi... juste à toi...

A ces mots, il redoubla la pression de ses doigts en elle. La sentir aussi pleine de désir, aussi humide, le rendait fou. Lorsqu'elle glissa sa main le long de son torse pour arriver plus bas, il émit un souffle rauque.
Elle voulait le sentir plus fort elle aussi, lui rendre les caresses qu'il lui offrait. Elle commençait déjà à défaire le bouton de son pantalon, c'en était trop pour lui . Il mit sa bouche près de sa gorge, sortit ses crocs, prêt à se nourrir d'elle, prêt à prendre ce qui pour lui était un supplice, maintenant plus que jamais: son sang.

Il se raidit . "Que diable suis-je en train de faire?" se demanda t-il soudain, "je vais la tuer si je fais ça, je n'ai pas le droit, je ne veux pas!" .
Il s'écarta d'elle. Retirant ses doigts, il l'arrêta de sorte qu'elle n'aille pas plus loin.

Pourquoi arrêtait-il? Elle ne comprit pas la raison de ce revirement soudain. Le désir la tiraillait de toutes parts, elle ne voulait pas que ça s'arrête. Alors qu'il remontait les bretelles de sa robe, très doucement, comme s'il avait peur de la blesser, elle ne put retenir une larme. Il eut un mouvement de surprise.

- Pourquoi pleures tu? lui demanda t-il , un brin d'inquiètude perçait dans sa voix.

- Je ... Pardon... Je ... , balbutia t-elle.

Elle avait l'air si désemparée, ça le tuait de la voir ainsi. Il la prit tendrement dans ses bras et la tint enlacée pendant de longues minutes.

- Je te demande pardon, murmura t-il. Je n'aurais jamais dû faire ce que j'ai fait. C'est impardonnable.

Elle fut transpercée de lames douloureuses. Ces instants magiques, intenses, qu'ils venaient de partager, tout cela était une erreur? Pourquoi s'excusait-il?

- Je n'ai que faire de ton pardon, répondit elle . Il la regarda, hébété, il ne s'attendait visiblement pas à cette réponse.

- Ces moments n'ont été rien pour toi, n'est-ce pas? Tu me fais ressentir ce que jamais je n'ai ressenti auparavant, et tu t'excuses? Je ne suis pas assez bien c'est ça? Je sais bien que je ne suis rien, une simple humaine, insignifiante à côté de toi , mais... j'avais espéré avoir droit à autre chose qu'à des excuses.

Elle baissa les yeux, résignée. Il dessina le contour de ses lèvres avec son doigt.

- N'as tu donc rien remarqué?

Elle releva la tête.

- Hein?

Il sourit.

- Tu n'as rien remarqué , conclut il . J'ai failli te tuer .

Elle se raidit, resta sans voix.

- Oui, continua t-il tout en la relevant du sol, j'ai failli te mordre, ce qui pour toi, aurait été synonyme de mort. Je t'aurais vidée de ton sang, ou si tu avais eu le malheur de survivre, tu serais devenue un vampire. Ne penses tu pas à présent que j'ai des raisons de m'excuser?
Il soupira.
- Comprends bien cela, je suis une bête. Ton odeur, ton corps, ta bouche, tes yeux, tout ton être m'a rendu fou. Je ne pourrais pas me le pardonner. Je te promets que je me tiendrai à distance respectable de toi, je ne te verrai plus, je ne veux plus risquer de commettre un crime.
Il prit son visage entre ses mains.
- Surtout à toi... murmura t-il avec tendresse.
Son regard était à présent empreint de tristesse.

Sous le choc, elle ne sut d'abord comment réagir. Il s'éloignait déjà.

- Attends! Il s'arrêta sans se retouner.

- Ne me laisse pas, lâcha t-elle d'une voix tremblante.

Un long silence s'installa.
"Que devrais-je lui répondre?" se demandait-il , "je ne peux pas me retourner, j'aurais envie de la serrer fort dans mes bras pour ne plus jamais la laisser partir, je n'en ai pas le droit".

- Je suis désolé, répliqua t-il d'une voix séche, une voix si sèche qu'elle sentit son coeur se briser. Je ne peux pas. En vérité, nous n'avons rien à faire ensemble.

La terre s'écroula. Elle savait qu'ils n'étaient pas du même monde. Mais l'entendre le dire de cette façon était plus douloureux que la mort. Qu'avait-elle donc espèré? Que cet être magnifique hors du temps pouvait s'intéresser à elle ? Il pouvait avoir toutes les femmes qu'il désirait, des femmes vampires, de superbes créatures à côté desquelles elle faisait pâle figure. Parfois la réalité nous rattrape avec une cruauté sans nom, entachant nos rêves pour finir par les briser en miettes.

- Dis ... dis moi au moins ton nom, fit-elle d'une voix à peine audible. Je m'appelle Yui, Yui Tsuruga.

- Je suis Kaname Kuran.

Il partit.

Son absence emplit son coeur. Sa poitrine était si lourde qu'elle s'appuya contre le mur pour tenter de retrouver une respiration normale. Des larmes roulaient sur ses joues, les lames acérées continuaient à lui transpercer le corps et le coeur sans ménagement et lui arrachaient des sanglots convulsifs. C'est ainsi que son père la trouva. Sans lui poser de questions, il l'emmena et ils quittèrent la réception.

Kaname la vit s'en aller aux bras de son père. Il ne put s'empêcher de les fixer jusqu'à ce qu'ils disparurent complètement de son champ de vision.

- Kaname?

Il se retourna vers Takuma.

- Ce sont les Tsuruga qui sont partis à l'instant?

- Oui, Taka Tsuruga et sa fille.

Takuma fut surpris par la tristesse qui perçait de sa voix mais n'en laissa rien paraître.

- Quand je pense qu'ils étaient les seuls humains à cette soirée, continua son ami, je suis surpris qu'aucun vampire n'ait tenté quoique ce soit contre sa fille. Elle est très belle, ne trouves tu pas ?

- Je n'ai que faire des humains Takuma, et cette femme est quelconque, rétorqua t-il avec rudesse.

Il s'éloigna.

- Hé Kaname! Attends!

Il ne l'entendit pas .

"Pardonne moi Yui... Ma princesse..."


Dernière édition par kanameforever le Mer 28 Avr - 5:14, édité 7 fois
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MessageSujet: Re: PRINCE OF BLOOD   PRINCE OF BLOOD Icon_minitimeMar 27 Avr - 13:55

CHAPITRE DEUXIEME

LE SCEAU DU SILENCE

Le soleil était encore haut dans le ciel, il faisait une chaleur suffoquante et elle avait voulu profiter de l'air extérieur. Son père avait aménagé un superbe kiosque au fond du jardin tout près de la fontaine et elle en avait fait son endroit privilégié, sa bulle. C'était étrange, c'était toujours à cet endroit que les souvenirs de Kyra, sa mère, lui revenaient de façon plus vivace. Sans doute, cela était dû au fait que Kyra vouait une passion aux fleurs, elle qui avait entretenu ce jardin où se côtoyaient roses, magnolias, myosotis et jasmin , année après année. Sa mère venait toujours dans sa chambre le soir, un bouquet à la main, et lui expliquait les vertus des fleurs.
"Elle était malheureuse" pensa Yui, "ce n'est pas ce qu'elle souhaitait pour moi".
Toute à ses élans nostalgiques, son image lui apparut de nouveau. Cela faisait un mois maintenant depuis le bal et elle ne parvenait pas à l'éradiquer de sa mémoire. Non, en vérité, plus les jours passaient, plus intense se faisait la douleur. On avait planté une lame dans son coeur, et seconde après seconde, cette lame s'enfonçait plus profondément, lentement, imperceptiblement, et alors qu'elle croyait entrevoir le mirage d'une accalmie dans les ténèbres de son esprit, la lame se remettait à la torturer de plus belle, ravageant son âme, la poursuivant même jusqu'aux tréfonds de ses rêves. Elle n'était pas comme ces fleurs qui scintillaient autour d'elle, épanouies, elle n'était qu'une fleur desséchée.

- C'était une belle soirée en définitive, n'est-ce pas? avait-il demandé alors qu'ils descendaient de voiture devant le porche.

- Oui, très, lui avait-elle répondu d'une voix étouffée.

C'était là les seules paroles qu'ils avaient échangées concernant le bal. Le ton sans chaleur de son père...N'avait il donc rien remarqué? Impossible... Il ne pouvait ne pas avoir vu sa détresse lorsqu'il l'avait trouvée sur le balcon, alors pourquoi était-il resté si indifférent?

- Mademoiselle?

Elle leva les yeux .

- Qu'y a t-il Chidori?

- Votre père vous demande Mademoiselle.

Elle soupira.

- J'arrive tout de suite, merci Chidori.

Passant le vestibule, elle poussa la porte du bureau de son père.

- Vous m'avez faite demander Père?

Il lui sourit . Elle s'était habituée aux changements d'humeur de son père, pourtant, "s'habituer" ne signifiait pas "comprendre". Quoiqu'il disait, qu'importe ce qu'il faisait , le grand Taka semblait n'être qu'une coquille vide. Le détachement dont il faisait preuve à l'égard de toutes choses la glaçait. Néanmoins, il n'en avait pas toujours été ainsi. Elle l'avait souvent observé avec Kyra, avec elle, son visage s'éclairait , il redevenait un être humain capable de sentiments.

- Ma chérie, je vais rendre visite à Kaien tout à l'heure, j'aimerais assez que tu m'accompagnes.

Elle ne répondit pas de suite.

- Enfin, si tu le souhaites bien sûr. Tu n'es pas obligée, continua t-il en se balançant sur sa chaise. J'ai juste pensé que ça vous ferait plaisir à tous les deux, tu sais à quel point il t'apprécie.

Elle sourit, pour elle même. Son absence de réponse n'avait pas été un refus, bien au contraire. Elle aimait tant la compagnie de Kaien, et cela faisait des mois qu'elle ne l'avait pas vu. Le vieil ami de son père était directeur d'une école réputée et pour le moins singulière, puisque humains et vampires y étudiaient. Mais il était également l'ancien chasseur de vampires le plus respecté et le plus craint du monde de la nuit. Il avait aspiré à des instants de paix en choisissant de renoncer à la vie sanglante de chasseur.

- Père, finit-elle par répondre d'un ton léger, je suis heureuse... Bien sûr que je vais vous accompagner!

La lame avait soudain stoppé sa course, l'idée de le revoir l'emplissait d'une joie inespérée.

- Je vais me préparer!

Tournant les talons, elle se précipita à sa chambre.

- J'en étais sûr, fit Taka , affichant un sourire triomphant.

Elle entreprit de se faire présentable pour son ami, et avait choisi une robe jaune pâle qui lui descendait jusqu'aux genoux, seyant particulièrement à son teint. " Et puis, le jaune c'est la couleur du soleil" pensa t-elle amusée, " ça tombe sous le sens". Depuis combien de temps ne s'était-elle pas prélassée dans un bain moussant merveilleusement parfumé?
Elle s'allongea dans la baignoire et ferma les yeux, sereine.
"Un moment béni", se dit-elle. "J'ai tellement hâte de le voir". "Lui seul a toujours sû comment me rendre le sourire". Elle sursauta. Kaien faisait-il office de bouée de sauvetage à son mal être? Etait-ce pour cette raison qu'elle était si pressée de le revoir?
Sa joie s'évanouit.
- Kaname... Kuran, murmura t-elle.
Les images de la plus belle nuit de sa vie l'assaillirent de nouveau. Elle se repassait le film de ces moments de bonheur, revoyait ses yeux de braise, entendait sa voix chaude et veloutée, sentait ses mains se promenant sur son corps. Cette nuit-là, le désir l'avait consumée, à présent il était réapparu, aussi dense, aussi brûlant. Elle le sentait la caresser, elle sentait son corps sur le sien. Elle ne s'était pas rendue compte que ses mains glissaient sur sa peau. Le souvenir de ses doigts enflammait sa chair, ce n'était pas elle qui explorait ainsi les recoins de son corps recouvert de l'oncteuse mousse, c'était lui... Elle l'imaginait dans ce bain, avec elle, lui prodiguant ses soins les plus audacieux, honorant ses seins, redessinant ses courbes, elle voyait son corps nu et magnifique s'étendant sur elle, pour enfin ne faire plus qu'un avec le sien.

- Oh.. Kaname... gémit-elle, pourquoi? Pourquoi me fais-tu ressentir ça? J'ai tellement envie que tu sois près de moi, je vendrais mon âme ne serait-ce que pour effleurer ta peau encore une fois... juste une petite fois...
Elle poussa un faible cri.Tremblante, elle resta un long moment étendue dans l'eau tiède. Elle avait atténué le feu, mais il continuait à brûler.

La visite chez Kaien fut une bénédiction. Taka et lui conversèrent autour de leurs activités respectives. Le directeur paraissait en pleine forme, comme toujours il arborait cet indéfectible sourire, sa jovialité suffisait à elle seule à bannir les idées noires les plus coriaces. Avec lui, elle rit de bon coeur. Elle avait écouté , amusée, les dernières anecdotes croustillantes concernant les élèves de l'académie, elle lui avait parlé de ses activités quotidiennes, et il fut heureux de constater que ses travaux d'écriture avaient bien avancés. Le temps avait coulé bien trop vite, ils s'apprêtaient à rentrer.

- Dis moi mon ami, tu es certain de ne pas regretter ton ancienne vie?

Son ton moqueur fit sourire Kaien qui soupira, amusé.

- Il n'y a pas de regret quand il n'y a rien à regretter, répondit-il avec douceur, cette vie n'était pas la mienne, j'ai trouvé ma place .

Taka fronça les sourcils tout en continuant à le fixer étrangement.

- Tu te leurres si tu crois pouvoir renier ta véritable nature.

Choquée, Yui se tourna vers son père. Ce dernier partit alors d'un rire bruyant.

- Ah! Mon vieil ami! Tu connais mon sens de l'humour.

- Je ne l'avais pas mal pris, ne t'en fais surtout pas, répliqua Kaien sans se départir de son ton tranquille.

"Pourtant , il n'avait pas l'air de plaisanter", pensa Yui, "cette façon de le dire...."

- Aurevoir mon ami, fit Taka. Ca m'a fait du bien de te revoir.

- De même pour moi, répondit-il.

Il se tourna vers la jeune fille.

- A bientôt Yui, prends soin de toi . Son regard noisette était teinté d'un mystérieux voile, comme s'il cherchait à découvrir ce qu'elle tentait de cacher.

- Les solutions peuvent parfois s'avèrer plus proches qu'on ne le croit.

Elle retint de justesse un mouvement de surprise. Non, avait-il deviné son chagrin? Elle avait pourtant ri , elle en avait presque oublié... du moins le croyait-elle. Mais cela ne devait pas l'étonner, après tout Kaien avait toujours sû lire en elle comme personne. Il savait qu'il se passait quelque chose, même s'il en ignorait sans doute la nature.

- A bientôt Kaien. J'aimerais vous voir plus souvent.

L'espace d'une seconde, elle crut voir ses yeux prendre un étrange éclat, mais son visage recouvra bien vite son habituelle tranquillité. Il inclina la tête, souriant.

On frappa à la porte.

- Oh! fit Taka, tu en as de la visite aujourd'hui. Toujours aussi populaire à ce que je vois. Bon on ne va pas te déranger plus longtemps. Viens Yui.

Son père ouvrit la porte. Il s'arrêta. Son corps eut un léger tremblement. Derrière lui, Yui dut se pencher pour voir l'identité du visiteur. La fortune avait-elle décidé de lui sourire? Elle dut se faire violence pour ne pas tomber. Il était là, seulement à quelques pas d'elle, ses sublimes yeux fixant son père. C'est alors qu'il l'aperçut à son tour. Son corps tout entier se raidit.
"L'implacable roue du destin me poursuit-elle?" se demanda t-il, "ce visage... son visage... Pourquoi dois-je faire face à ça?". Il ne sut comment, mais il trouva la force de se détourner des yeux de la jeune femme et se concentra de nouveau sur son sombre père.

- Bonsoir, fit-il en s'inclinant respecteusement.

Yui frissonna. Cette voix, cette mélodie unique, combien de nuits avait-elle prié pour avoir la chance de réentendre son vibrato, ne serait-ce qu'une seconde. Elle fut prise de vertiges, elle allait tomber si elle ne se raccrochait pas à quelque chose. C'est alors que la main réconfortante de Kaien se posa sur son épaule. Elle leva les yeux vers lui et il y avait tant d'affection dans le sourire qu'il lui offrit alors.

- Monsieur Kuran... Bonsoir, entendit-elle répondre son père.

"Pourquoi tant d'hostilité dans sa voix?" pensa t-elle, "il le hait... mais pourquoi?" . Une tension pesante avait empli la pièce.

- Ah ! Kaname! fit gaiement Kaien, dont l'intervention pour rompre la glace fut évidente. Je ne t'attendais pas si tôt!

- Oui. Mon rendez-vous précèdent s'est écourté, répliqua t-il calmement. Mais je peux revenir une autre fois.

- Nous allions prendre congé, coupa Taka d'une voix tranchante. Kaien, Monsieur Kuran, dit-il en les saluant d'un signe de tête.

Kaname s'inclina à son tour, et lorsqu'ils passèrent près de lui, il n'accorda aucun regard à Yui.

Elle eut mal. Tant d'indifférence, tant de froideur, comment pouvait-il rester ainsi sans même la regarder? N'avait-elle donc droit à rien? Ne méritait-elle pas même un seul sourire? Pourtant en passant si près de lui, elle perçut ce magnétisme qui la poussait inexorablement vers lui. N'eut été la présence de son père, elle n'aurait pû se contenir.
Derrière eux, la porte se referma. La lame s'enfonça d'un coup sec.


- Sasuke!

- Oui Monsieur, répondit le chauffeur.

- Pouvez-vous me déposer au siège du Conseil je vous prie? Je viens de me rendre compte qu'il y a un travail que je dois absolument terminer.

- Bien sûr Monsieur.

- Vous reconduirez Yui à la maison et vous repasserez me chercher dans une heure.

- Bien Monsieur.

Yui n'avait prononcé un mot depuis leur départ de l'académie. Elle remerciait Dieu que son père n'avait engagé une quelconque discussion, elle n'aurait pas été capable de tenir des propos cohérents. Elle voulait disparaître, s'enfuir loin, tout valait mieux que de vivre dans la même ville que lui et n'avoir aucun droit de le revoir. Le revoir? elle sursauta.
Son père venait de descendre de voiture et lui avait adressé des paroles de convenance qu'elle avait à peine entendues. La voiture reprit la route.

- Sasuke! lâcha t-elle soudain, ramenez-moi à l'académie s'il vous plaît.

- Co..comment Mademoiselle? fit le chauffeur pour le moins hébété.



- Kaname, tu sais que l'Ordre des vampires souhaite t'attribuer un siège, ils finiront par perdre patience si tu continues à les ignorer.

Kaname se leva de sa chaise et alla à la fenêtre. Dans un silence religieux, il contempla le verdoyant jardin de l'académie.

- Vous jouissez vraiment d'une vue superbe, dit-il le regard dans le vague.

Kaien poussa un long soupira, las.

- Kaname, écoutes-tu seulement ce que je dis?

Le jeune homme se tourna brusquement vers lui et le fixa d'un air lugubre.

- J'entends bien tout ce que vous me dîtes, cher Kaien. Mais comprenez bien que je ne serai jamais le toutou de l'Ordre des vampires, je n'ai pas besoin d'un siège chez eux, aussi confortable soit-il. Je laisse volontiers ma place à qui la convoite.

Il appuya ses deux mains sur le bureau de Kaien , visiblement furieux.

- J'avoue que quelque chose m'échappe. Pourquoi tenez-vous tant à ce que je fasse partie de l'Ordre? Etait-ce ce dont vous avez discuté avec Taka Tsuruga tout à l'heure? L'Ordre des vampires et le conseil des chasseurs ont récemment signé un traité de collaboration , le Président Tsuruga... continua t-il froidement, peut-être est-ce lui qui vous a demandé de me faire cet affligeant lavage de cerveau?

Ses doigts sur le bureau se crispèrent.

Kaien sourit.

- Kaname, tu perds le sens des réalités. N'oublie pas à qui tu t'adresses. Depuis combien de temps nous connaissons nous? Je ne veux que ton bien. Pour ta gouverne, personne ne m'a demandé de jouer les intermédiaires. D'ailleurs, dis moi pourquoi Taka Tsuruga voudrait que tu sois dans l'Ordre? Il n'y trouverait aucun intérêt personnel. Cesse de te monter la tête mon jeune ami.

Kaname se calma et retomba sur sa chaise.

- Je pense simplement qu'il serait bon que tu y réfléchisses, continua Kaien, tu as de nombreux détracteurs Kaname, tu n'es pas sans le savoir, si tu rentres dans l'Ordre, le danger perpétuel qui plane au dessus de ta tête disparaîtrait.

- Hum... J'ai grandi avec mon père, Haruka, et comme lui , je ne me plierai pas à cet ordre viellissant et pathétique.

Il eut un petit rire sarcastique.

- En quoi le fait que je sois dans l'Ordre m'apporterait la paix éternelle? Que les détracteurs viennent, je n'ai aucune intention de m'enfuir.

- Pourquoi faut-il que tu sois si entêté Kaname, soupira Kaien, résigné.
Tes parents étaient considérés comme des renégats, vois ce qui leur est arrivé. Tiens tu tellement à ce que l'histoire se répète?

- Mes parents ont été tués par Rido qui était de connivence avec cet Ordre dont vous vantez tant les mérites! s'énerva le vampire. Sa colère emplit l'espace qui le séparait de Kaien.

- Juri et Haruka ont été assassinés par Rido et des vampires rebelles qui ont profité du fait que que tes parents n'avaient aucune protection de l'ordre pour les attaquer sans peur et les exterminer, rétorqua Kaien avec dureté.

- Je ne peux m'empêcher de penser que s'ils avaient agi autrement, continua t-il, ils seraient sûrement en vie aujourd'hui.

- Kaien, moi qui vous croyais pourtant plus éclairé, répondit Kaname après un long silence pesant. Vous ignorez donc que ces vampires étaient à la solde de l'Ordre? Comment pouvez-vous penser que l'Ordre aurait protégé mes vénérés parents?

- Je ne crois pas à ce complot Kaname, je comprends que tu nourrisses ta haine, mais tu fais erreur.

- Sauf votre respect, c'est vous qui faîtes erreur.

Il soupira avec lassitude.

- Mais un jour viendra où vous vous rendrez compte, peut-être... Je vous saurais gré de ne plus aborder ce sujet. Mais au fait, dites-moi, Taka Tsuruga ne me porte pas vraiment en estime. Je ne peux pas croire que c'est juste ma nature de vampire qui le rebute à ce point, il compte de nombreux alliés parmi les vampires et côtoie même des sangs purs, pourriez-vous m'éclairer sur ce point qui me chiffonne?

Kaien sursauta. "Quoi? Est-il possible qu'il l'ignore? Jamais je n'aurais cru..." , se dit-il en son for intérieur.

- Ah.... finit-il par répondre d'un ton léger, je ne te serai pas d'une grande aide à ce sujet mon ami. Je connais ce fossile depuis l'ère préhistorique, mais il ne m'a jamais parlé de toi. Désolé. C'est un homme assez réservé tu sais, il doit te craindre instinctivement. L'esprit des hommes n'est pas toujours évident à sonder. Même Yui, sa fille n'y est jamais arrivée.

Kaname se leva de sa chaise à l'évocation de la jeune femme. S'attachant de nouveau à la contemplation du jardin à travers la baie, il tournait le dos à Kaien. Pour rien au monde il ne voulait que son visage le trahisse.

- Ah? répliqua t-il d'un air détaché. J'ignorais qu'il avait une fille.

- Oh Yui, soupira Kaien, en vérité tu n'es pas le seul, tout le monde à part moi même l'ignorait jusqu'à il y a peu.

Kaname se retourna vers lui.

- Que voulez-vous dire?

- Taka a toujours eu une personnalité bien à part, répondit Kaien les yeux perdus dans le vide. A la naissance de Yui, il a décrété qu'elle serait en sécurité si personne n'était au courant de son existence. Il la garda enfermée pendant de très longues années. Il s'occupa lui-même de son instruction, et elle ne franchit jamais le portail de la demeure Tsuruga. Ce que je vais dire peut paraître étrange, mais il n'est pas aussi cruel que cette histoire laisse transparaître . Taka a traversé de dures épreuves pendant son enfance, je pense que cela l'a un peu déconnecté du monde réel, et l'a poussé dans de telles extrémités. Au fond il ne cherchait qu'à la protéger. Le monde dans lequel nous vivons est cruel, tu n'es pas sans le savoir. Il voulait éviter ça à sa fille. Lorsque Kyra , son épouse, a été assassinée, il a renforcé la prison de Yui. J'ai toujours admiré le courage de cette jeune fille. Elle a fait preuve d'une force d'esprit dont peu de personnes auraient été capables. Mais cependant, il y a un an, alors qu'elle venait de fêter ses 17 ans, sa nature se révèla à son père. Elle menaça de se donner la mort si elle n'était pas libérée de ses chaînes. Evidemment, Taka ne la prit pas au sérieux. Un soir comme un autre, en rentrant chez lui, il la découvrit, étendue sur le sol, gisant dans son sang. Elle avait utilisé l'une des armes de son père et s'était tirée une balle en pleine poitrine. Il l'aurait découverte quelques minutes plus tard, elle n'aurait pas survécu. D'ailleurs... je me demande encore par quel miracle elle a pû survivre. Il lui a fallu trois mois de convalescence. Pendant ce laps de temps, j'avais sous les yeux un Taka Tsuruga dévasté, miné par la culpabilité, il avait fallu ce drame pour qu'il comprenne. Depuis cela, elle a retrouvé sa liberté. Mais comment peut-elle oublier ces 17 ans d'emprisonnement? Pourtant, elle est toujours si pétillante, l'incroyable détermination de cette jeune femme force le respect et l'admiration...

Pendant tout le temps de ce récit, il n'avait pas regardé en direction de Kaname. Il semblait presque avoir oublié sa présence. C'était un peu comme s'il se racontait cette tragédie à lui-même. Pourtant, relevant les yeux vers lui, il découvrit avec effroi le visage défiguré du vampire.
Kaname avait vécu cette histoire avec une douleur sans égale. Il fulminait de rage, terrassé par le chagrin, l'incompréhension, la compassion, tous ces sentiments se mêlaient dans son coeur pour finir par imploser . Comment un être humain, un père de surcroît, était-il capable d'un tel acte? Il n'était pas aussi bon que Kaien, il ne pouvait chercher une excuse ou une explication aux agissements de Taka Tsuruga , en lui, une indescriptible envie de meutre émergea.

- Kaname? fit Kaien, est-ce que ça va ?


Elle s'était assise aux pieds d'un vieux chêne qui se trouvait au bord de l'allée principale menant aux portes de l'académie, et le temps semblait passer au ralenti. Ce n'était pas sans peine qu'elle avait réussi à convaincre Sasuke, mais le jeune homme lui vouait une admiration sans bornes, et elle s'était servie de sa faiblesse à son avantage.
"Je suis une mauvaise personne", pensa t-elle, "il risque de perdre son emploi. Mais je vais endosser la responsabilité, je ne laisserai pas mon terrible père le punir". Elle n'arrivait pas à calmer les battements de son coeur. Il était là, entre ces murs, et bientôt elle allait le revoir. Peut-être refusera t-il de lui parler? Mais elle était prête à courir le risque. Même si survivre à un nouveau rejet lui semblait impensable. Poussant un soupir , elle ferma les yeux.

- Il est peu judicieux de faire une sieste en pareil endroit.

Elle rouvrit les yeux et découvrit un homme qui la fixait à quelques mètres de là . Il lui fallut quelques secondes pour s'apercevoir qu'il n'était pas seul. Quatre autres hommes se tenaient derrière lui. Elle se leva d'un bond. Jaugeant l'homme avec plus d'attention, elle vit la couleur de ses prunelles, la longueur de ses canines comme il souriait la bouche entrouverte. Elle se mit à courir en direction de l'entrée de l'académie, mais les cinq vampires la rattrapèrent. Celui qui l'avait interpelée vint se poster derrière elle et l'aggrippa fermement. Il appuya si violemment sur son cou qu'elle laissa échapper un cri de douleur .

- Nous ne sommes pas venus pour toi ma douce, sussura t-il à son oreille.

Il lécha son cou sans ménagement.

- Mais mes amis et moi même devons l'attendre, continua t-il sous le même ton , et puisque tu as la bonté d'être là, nous allons te faire honneur, tu nous aideras à patienter.

Il inclina violemment sa tête et sortit ses crocs, prêt à mordre.

Elle se croyait perdue , et priait pour que ce soit rapide, mais un éclair passa devant ses yeux. L'un des quatre vampires qui étaient en face d'elle disparut sous ses yeux éberlués dans un nuage de poussière brillante.
Celui qui l'aggrippait la lâcha brusquement et se retourna vers l'origine de l'assault.

- Je vois que vous vous amusez bien mes chers amis, fit Kaname les yeux incandescents et emplis de fureur.

- Vous êtes venus pour moi, si je ne m'abuse? continua t-il . En un éclair, il fut près de Yui et fit rempart entre elle et les ennemis.

- Va t'en Yui, cours te mettre à l'abri à l'académie, lui dit-il avec rudesse, sans la regarder.

- Il n'est pas question que je te laisse ici, répliqua t-elle tremblante.

- Ne discute pas !

- Non!

Il eut un sifflement agaçé, mais l'un des vampires avait déjà lancé une attaque. Tout se passa très vite. Par dessus son épaule , Yui aperçut des éclairs pointés vers lui. Kaname les repoussa d'une main et ils changèrent de cible pour repartir vers celui qui les avait envoyés . Ce dernier disparut à son tour. Les trois qui restèrent donnèrent l'assault en même temps. Yui cria, terrorisée, lorsqu'elle vit le halo de feu qui venait vers eux, tandis qu'une violente tempête s'était levée.

- Non ! Kaname!!! hurla t-elle.

- Allez en enfer! rugit-il en repoussant le halo de ses deux mains . Il le poussa, le poussa, jusqu'à ce qu'il explose. Le halo fit place à un épais nuage de fumée qui finit par s'éclaircir. Il n'y avait plus de vampires . Yui sanglota et s'aggripa au dos de Kaname. Pendant un moment, il ne bougea pas. Il attendit que ses pleurs s'apaisèrent.

- Ne t'avais-je pas dit de t'enfuir Yui?

Sa voix était si froide. Mais en de telles circonstances, ce détail importait peu. Elle ne répondit pas. Ses sanglots s'estompèrent. Il se retourna enfin vers elle.

- Pourquoi as-tu désobéi? Tu aurais pû mourir, en es-tu seulement consciente?

Son visage était fermé, dans sa voix il n'y avait nulle trace de chaleur.
"Et pourtant, je le revois enfin, il me parle enfin! Et j'ai eu si peur, si peur de le perdre", se dit-elle désemparée.

- J'ai eu si peur... Kaname, j'ai eu si peur pour toi!

Kaname fut saisi par la stupeur. "Pour moi?" pensa t-il, "pour moi.. Elle aurait pû mourir ici, sans défense face à des monstres, et elle a eu peur pour moi? " . Des larmes roulaient de plus belles sur ce merveilleux visage qui l'avait envoûté. Elle semblait si fragile et si forte à la fois. Après le récit de Kaien, il avait écourté leur entrevue, bien trop perturbé pour rester dans son sillage. Cette rage qui grondait alors en lui avait été décuplée lorsqu'il l'avait vue , perdue, entre les mains de ces créatures de la nuit. Il avait crû la perdre, il avait crû arriver trop tard. Il l'attira
violemment dans ses bras, la laissant stupéfaite.

- Idiote... murmura t-il avec douceur. De nous deux , lequel crois tu a eu le plus peur? Il respira ses cheveux. S'il t'était arrivé quelque chose, je ne me le serais jamais pardonné.

Cette douceur... Elle la retrouvait enfin après tous ces jours et toutes ces nuits d'errance. Elle se blottit plus fort contre lui.

- Que faisais-tu ici Yui? demanda t-il sans desserrer son étreinte.

- Je... je suis revenue car je voulais te revoir, murmura t-elle timidement.

Soudain, prise d'un désir éperdu, elle vint effleurer sa gorge du bout des lèvres. Il ne la repoussa pas. Elle glissa le long de sa peau , cette peau qui lui avait tellement manqué, huma son odeur, cette odeur qui l'avait tellement marquée. Comment avait-elle pû survivre toutes ces années sans lui? Comment avait-elle pû traverser le temps sans le toucher comme elle le faisait à présent? Son corps réclamait le sien, comme s'il était cette part d'elle même qui avait été endormie depuis sa venue au monde. Elle défit les boutons de sa chemise et se mit à couvrir son torse de baisers. Il la serra plus fort. Ses muscles se tendaient sous les lèvres de Yui, il ne contrôla plus son envie. Il la souleva du sol et elle se retouva en une seconde plaquée contre le chêne sous lequel elle l'avait attendu. Il plongea ses yeux dans les siens. Elle décela dans ce regard un tel désespoir qu'elle en ressentit une violente douleur dans la poitrine. Il prit ses lèvres fièvreusement . Même dans ses prières, même dans ses rêves les plus utopiques, Yui n'avait osé espèrer qu'il l'embrassat de nouveau ainsi... Il désirait cette femme d'une telle force que ce désir incontrôlé et incontrôlable le terrorisait. "Comment survivre encore sans la serrer contre moi? " pensait-il, "comment l'oublier et continuer à vivre? La mort est une souffrance ridicule comparée à ça". Abandonnant ses lèvres, il descendit à sa poitrine. Sans lui enlever sa robe, il couvrit ses seins de baisers avides, il pouvait les sentir sous la fine étoffe. Elle haletait. Un seul de ses doigts posé sur elle suffisait à l'emporter dans cette envie irrépressible qu'elle avait de lui. Elle redécouvrit la douceur de ses cheveux de jais et s'y aggripait plus fort.

- Kaname... Tu m'as tellement manqué... souffla t-elle. J'ai crû ne jamais te revoir... que jamais plus tu ne me toucherais.

Il la retourna soudainement. Docile, elle ne se déroba pas. Après avoir explorer sa nuque de ses lèvres, il descendit jusqu'au sol pour remonter très lentement le long de ses jambes, une main caressant l'une , ses lèvres couvrant l'autre de tendres baisers. Il appréciait la douceur insensée de sa peau, il s'en imprégnait , il voulait en graver chaque particule dans sa chair.

- Ne pars plus jamais Kaname...murmura t-elle, heureuse.

Kaname suspendit son geste. Une fois encore, il était revenu à la réalité, si cruelle était elle. Il se releva lentement et la tint enlacée sans la retourner. Le coeur battant à tout rompre, elle l'entendit pousser un long soupir et sentit sa tête se poser sur son épaule. Ils restèrent ainsi, sans mot dire, pendant de longues minutes. Il avait l'air si las, pensait-elle. Ce qu'elle craignait se produisit alors. Il la tourna vers lui et la relâchant, recula de quelques pas en soutenant son regard . Sa beauté défiait les lois de l'univers, une créature si magnifique, un vampire parmi les vampires, un être surnaturel d'une perfection telle qu'elle en éprouvait de la souffrance rien qu'en le regardant, car comment imaginer un monde où elle avait le droit de l'aimer? Un tel monde ne pouvait être.
Elle était incroyablement belle dans cette robe couleur du soleil qui magnifiait la finesse de ses traits. Kaname admira ses cheveux défaits par leur étreinte, s'attarda sur ses lèvres encore gonflées par ses baisers, sonda ses yeux marrons chocolat dont l'éclat n'avait aucune étoile comparable dans le firmament. "Quelle ironie" pensa t-il, "la cruauté du destin est sans appel avec des monstres tels que moi, pour la première fois depuis ma naissance, une femme a sû me prouver que j'avais un coeur moi aussi". Il sourit, mais son sourire n'était pas le sourire qu'elle attendait.

- Je crois que je t'ai encore trompé Yui.

Elle tressaillit au son de sa voix, redevenue froide , mais d'où perçait une tristesse presque imperceptible.

- Pourquoi dis tu ça? demanda t-elle avec anxièté.

- Je n'ai pas tenu ma promesse.

Elle fit un pas vers lui , il l'empêcha d'aller plus loin. Après un dernier regard, il lui tourna le dos.

- Va trouver Kaien pour qu'il te ramène chez toi, tu ne crains plus rien.

Il s'éloigna.

"Il va encore me laisser", se dit-elle alors que la lame se plantait à nouveau dans son coeur déjà meurtri, "il me laisse... comme la dernière fois... non , tu ne peux pas..."

Elle courut vers lui.

- Kaname !!

Il ne se retourna pas .

- Kaname!! Je t'en prie, écoute moi! Regarde moi! Kaname!

Alors qu'elle était presque arrivée à sa hauteur, une voix stoppa sa course.

- Yui!

Kaname s'était arrêté. Yui n'eut aucune peine à reconnaître cette voix . Elle se retourna. Son père lui faisait face et sa fureur était palpable.
Lorsqu'il prit conscience de la présence de Kaname, la colère qui luisait dans ses yeux s'intensifia. Les deux hommes se jaugèrent et Yui , ébahie, lut sur le visage de Kaname une rage bien supérieure à celle de son père. Il s'était pourtant adressé à lui avec tellement de respect lorsqu'ils s'étaient croisés chez Kaien. "Qu'est-ce qui a bien pû le mettre dans cet état?" se demanda t-elle.

- Yui, fit son père avec un calme trop prononcé pour être mal interprété, on rentre. Dépêche toi.

Yui se retourna vers Kaname. Ce dernier , continuant à fixer Taka, ne la regarda pas. Un vent souffla , il tourna brusquement le dos et s'éloigna. Elle ne pouvait détacher ses yeux de lui, elle voulait courir vers lui, elle voulait le suivre où qu'il aille, elle ne voulait survivre une seconde de plus sans lui.

- Yui, on rentre.

Il la prit par le bras et l'entraîna à la voiture. Ne pouvant retenir ses larmes, elle ne se préoccupait plus de les cacher à son père...

La porte de la demeure Tsuruga se referma. Yui voulut monter directement à sa chambre mais se ravisa. Elle prit une profonde respiration.

- Père, Sasuke n'y est pour rien. Je l'ai presque menacé pour ça... Ne le blâme pas, je suis la seule responsable.

- Menacé hein? railla t-il. Il faut dire que tu as un don plus que certain pour ce genre d'exercice.

Elle fut saisie par la cruauté de ces paroles.

- Je ne peux pas me permettre de perdre Sasuke, c'est un bon chauffeur après tout, même s'il sera puni pour ça. En ce qui concerne ton escapade, je ne t'en tiendrai pas rigueur. Concernant Kaname Kuran, je ne sais pas ce que tu faisais là avec lui, mais tu ne t'approcheras plus jamais de lui. Concernant tes larmes, je vais y remédier. Demain, nous aurons un visiteur. C'est l'homme que je t'ai choisi. Je ne doute pas que tu lui feras un accueil des plus chaleureux.

Il tourna les talons et alla s'enfermer dans son bureau. Elle resta immobile, incapable de bouger, ses larmes n'arrivaient plus à couler. Seule subsistait cette souffrance indescriptible et un sentiment d'horreur. Le glas avait sonné.

Takuma frappa à la porte.

- Entre.

Le jeune homme pénétra la chambre de Kaname et le trouva planté tout près de la fenêtre, les yeux fermés.

- Tu m'as demandé Kaname? Tu reviens de chez Kaien , tout s'est passé comme tu le voulais?

- Je dois me rendre chez Aya, répondit-il sans le regarder.

Ce ton lugubre contenait une rage d'une intensité telle que Takuma en fut terrifié. Jamais encore il n'avait vu son ami dans cet état.

- Conduis moi à elle.



LA SUITE AU PROCHAIN CHAPITRE


Dernière édition par kanameforever le Mer 28 Avr - 5:15, édité 6 fois
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MessageSujet: Re: PRINCE OF BLOOD   PRINCE OF BLOOD Icon_minitimeMer 28 Avr - 3:09

Je viens de finir le premier chapitre, je dois dire que c'est vraiment très prenant. Bravo à toi ! Tu maitrises les descriptions, il n'y à rien à dire. =) Le début est quand même peut être un peu précipité.
Quoiqu'il en soit, je suis vraiment impatiente de lire la suite (là il est tard, je verrais demain).
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MessageSujet: Re: PRINCE OF BLOOD   PRINCE OF BLOOD Icon_minitimeMer 28 Avr - 3:21

Merci beaucoup Smile . Pour le début, c'est sciemment que j'ai précipité les choses entre Kaname et Yui, je voulais vraiment poser de suite les bases de leur relation, et montrer l'intensité de leur désir, car c'est primordial pour la suite . PRINCE OF BLOOD Icon_biggrin
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MessageSujet: Re: PRINCE OF BLOOD   PRINCE OF BLOOD Icon_minitimeJeu 3 Juin - 16:42

Et la suite alors ?! \o/
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MessageSujet: Re: PRINCE OF BLOOD   PRINCE OF BLOOD Icon_minitimeJeu 3 Juin - 16:49

Coucou! J'ai écrit douze chapitres depuis ! lol . Mais comme sur ce site je pensais que personne ne lisait, j'avais arrêté de le publier ici! Je l'ai publié ailleurs, par rapport aux nombre de lecteurs, mais si tu veux me lire, dis moi, je posterai tous les chapitres ici (c'est une histoire très longue, il y aura une trentaine de chapitres en tout xd)
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MessageSujet: Re: PRINCE OF BLOOD   PRINCE OF BLOOD Icon_minitimeJeu 3 Juin - 16:50

Bien sûr que je veux te lire ! x)
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MessageSujet: Re: PRINCE OF BLOOD   PRINCE OF BLOOD Icon_minitimeJeu 3 Juin - 16:52

Ah bah ok! lol

Bon, ca va te faire de la lecture , je te préviens! Et tu vas avoir beaucoup de surprises... Bon je me tais et je poste.
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MessageSujet: Re: PRINCE OF BLOOD   PRINCE OF BLOOD Icon_minitimeJeu 3 Juin - 16:54

CHAPITRE TROISIEME


COEURS CROISES



- Eh bien Takuma, tu n'as pas entendu?

Kaname le fixait à présent, le visage aussi dur que la pierre.

- Heu... non , ce n'est pas ça, répondit son ami visiblement embarassé.

- Alors quoi? Si je ne m'abuse, vous êtes proches. Tu dois bien avoir son adresse, je sais qu'elle s'est installée dans les environs il y a peu.

- Oui, tu as raison. Aya vit non loin d'ici. Mais tu ne la trouveras pas chez elle, elle est à l'étranger pour affaire.

- En ce cas... fit Kaname en se tournant vers la fenêtre, j'aimerais l'appeler. Donne-moi son numéro s'il te plaît.

Takuma se terra dans un étrange silence . Kaname l'observa du coin de l'oeil.

- A moins que cela te pose un problème, finit-il par ajouter avec agacement.

Takuma sursauta.

- Bien sûr que non voyons! s'empressa t-il de rétorquer. Qu'est-ce que tu vas imaginer? Je me demandais juste... Enfin je me disais juste que c'est plutôt étrange, tu n'as jamais souhaité lui parler auparavant, tu ne l'estimes pas particulièrement , je me trompe?

Aucune réponse ne vint. Kaname resta figé, seuls ses yeux exprimaient une profonde irritation .

- Je te demande de m'excuser, fit Takuma en baissant les yeux, ce ne sont pas mes affaires. Je vais de ce pas te chercher son numéro, je ne l'ai pas en tête.

Sur ces paroles, il sortit de la pièce . Kaname ne s'aperçut pas de l'anxiété inhabituelle qui habitait le visage de son ami.


Yui poussa la porte du living-room. Son père portait à ses lèvres une tasse de café encore chaud. De prime abord, elle ne vit que ses cheveux dépassant du sofa. Ils étaient d'un gris argenté . "Ma parole, il ne recule vraiment devant rien" se dit-elle, "aller jusqu'à me présenter à un vieil homme". Taka leva les yeux vers elle.

- Ah Ma chérie! Nous t'attendions.

Il cultivait l'art délicat de se fabriquer une nouvelle identité lorsque la situation l'exigeait. A cet instant, il était un homme prévenant, affichant un sourire chaleureux, s'exprimant d'une voix claire et agréable.

- Je te présente notre invité.

L'homme se leva alors et fit face à la jeune fille.

- Zero Kyriu.

Elle fut sous le choc. Ce n'était pas un vieil homme. Son visage était harmonieux , ses traits fins. Mais ce furent ses yeux qui retinrent son attention. Ils étaient d'un violet étincelant. Jamais encore elle n'avait vu des yeux aussi atypiques. Il était de grande taille et son élégance naturelle était évidente. Cependant, vêtu d'une classique paire de jeans et d'une longue veste noire ouverte sur une chemise blanche, il avait opté pour la décontraction sans pour autant paraître négligé. Un étrange sourire vint illuminer son visage lorsque son regard se posa sur elle. Il s'inclina.

- Mademoiselle Tsuruga, je suis enchanté.

Elle resta silencieuse . Il leva alors les yeux vers elle, et elle aurait juré y apercevoir de l'amusement . Un raclement de gorge paternel la sortit de sa torpeur.

- Oui, répondit-elle en s'inclinant à son tour. Je suis enchantée moi aussi.

Ils prirent congé de son père qui les avaient incités à profiter de l'air extèrieur. Depuis un moment déjà ils arpentaient le jardin du domaine et ni lui ni elle n'avait pris le parti d'engager la discussion. Le silence était pesant, mais il semblait qu'aucun des deux ne souhaitait le rompre. "Si je ne lui parle pas" se dit-elle, "il abandonnera vite l'idée de me faire ce jeu de la séduction forcée". Il interrompit sa marche et se tourna vers elle.

- Vous comptez les secondes jusqu'à ce que vous soyez débarassée de cette corvée n'est-ce pas?

Elle écarquilla les yeux, interloquée. Il la regardait fixement et la gratifiait d'un sourire ouvertement moqueur. Il semblait trouver la situation très drôle.

- Je... Je ne comprends pas, répondit-elle d'une voix qu'elle voulut assurée, mais son trouble était par trop évident pour qu'il ne le remarquat pas.

Il observa une pause sans la quitter des yeux puis porta une main à ses cheveux et soupira longuement avant de reprendre la parole.

- Vous m'avez pourtant l'air d'être tout sauf idiote .

Ses derniers mots lui firent l'effet d'une bombe.

- Comment osez-vous me parler de la sorte? s'emporta t-elle alors. Du reste, je ne suis pas obligée de vous adresser la parole ! Je ne vous connais pas, mon père si. Alors allez donc converser avec lui, vous y trouverez beaucoup de satisfaction personnelle, il est aussi intéressant que vous .

Elle voulut s'éloigner, il la retint par le bras et la contourna pour lui faire face.

- Allons, ne m'en veuillez pas.

Elle libéra son bras avec rudesse.

- Je ne voulais pas vous manquer de respect, continua t-il d'une voix posée , le sourire toujours aux lèvres. Je sais que vous n'avez pas voulu ce "rendez-vous", que votre père a tout orchestré.

- Et vous ? répliqua t-elle froidement, qui tire les ficelles dans votre cas? Je parie que vous êtes le pantin de parents autoritaires qui vous ont dit qu'il était de votre devoir de me rencontrer, parce qu'une union éventuelle avec la fille Tsuruga était une aubaine?

Il rit pour de bon cette fois. Il se moquait d'elle, elle fulminait de rage. Après s'être calmé, il se tourna de nouveau vers elle.

- Pardon, dit-il , je ne me moquais pas de vous.

- Qui l'eut crû... marmonna t-elle

- Personne ne m'a forcé à venir ici, mes parents ont du caractère mais je suis leur digne fils. En fait, un jour que je rentrais au siège du Conseil , votre père m'a invité dans son bureau. Il a été direct, m'a parlé de vous, a vanté mes exploits , m'a fait comprendre que j'étais le parti idéal pour vous et que vous étiez la femme idéale pour moi. Ce type parlait de vous comme s'il s'agissait d'une cotation en bourse, j'ai été poussé par la curiosité.

- Ne me dîtes pas, fit-elle ébahie, vous êtes...un chasseur?

- Hum... vous avez dit "chasseur" , comme s'il s'agissait de quelque chose de répugnant, répondit t-il soudain pensif. Mais vous savez, cet adjectif s'applique mieux aux immondes créatures que je traque chaque nuit . Ses derniers mots avaient été prononcés différemment, avec une sorte de férocité étouffée.

Elle ne répondit pas. Son père lui avait choisi un chasseur... Devait-elle réellement s'en étonner? Il devait avoir de très bonnes motivations. Un chasseur de vampires... A cette évocation, sa poitrine s'alourdit, la douleur atroce reprit ses droits, sa respiration devint difficile. Les évènements de la veille avaient hanté sa nuit, sa voix aimée n'avait cessé de murmurer à ses oreilles cependant qu'elle tentait de trouver un sommeil salvateur, ses baisers et ses caresses s'étaient ancrés plus violemment dans sa chair. La lame ne s'enfonçait plus, étant allée aussi loin que possible, elle avait trouvé sa place , logée au plus profond de son coeur, la gardant en sursis puisque la mort certaine l'attendait. Ses jambes tremblèrent.

- Est-ce que ça va? s'enquit-il en posant une main sur son épaule.

Il fut pris de stupeur lorsqu'il découvrit son regard désemparée alors qu'elle relevait la tête vers lui.
" Des yeux si incroyables , une telle détresse" pensa t-il alors.

- Vous savez, j'avoue que j'ai hésité avant d'accepter de venir dans l'antre du loup, je me demandais si sa fille était aussi lugubre que lui. Mais je suis soulagé, vous êtes vivante.

Il lui sourit , sans ironie cette fois, un sourire empreint d'une douceur qui réchauffait le coeur. Elle ne put s'empêcher de lui rendre son sourire et un éclair de satisfaction passa dans ses étranges yeux violets.
Le reste de l'après-midi se passa agréablement. Ils n'eurent plus à se forcer pour parler, les mots sortaient naturellement et elle découvrit que ce jeune chasseur rebelle et prétentieux pouvait être de compagnie agréable. Ils avaient décidé d'un commun accord de se tutoyer. Elle comme lui n'avaient cure des convenances qui incombaient à une première rencontre. Elle l'avait conduit jusqu'à sa bulle. Assis sous le kiosque, ils discutaient tranquillement.

- Ton père m'a dit que tu avais passé la plupart du temps à l'étranger pour y étudier. Ca a dû t'apporter beaucoup, te forger.

La tristesse l'envahit. "Ainsi , lui aussi il prête foi à cette fable ridicule née de l'esprit dérangé de mon père".

- Oui, répondit-elle en lui adressant un large sourire, je suis parée pour l'avenir... C'est ta vocation de chasser les vampires?

- Ce n'est pas si simple, dit-il après l'avoir observée un court instant. On ne choisit pas d'être chasseur parce qu'on trouve sa vocation, on NAÎT chasseur. Je suis fils de chasseurs, je descends d'une lignée de chasseurs, mon destin était scellé bien avant ma venue au monde.

"Est-il vraiment heureux?" pensa t-elle alors. Elle chercha la réponse, en vain. Ses yeux savaient de toute évidence dissimuler les sentiments les plus profonds.

Zero soupira.

- Je ne suis pas malheureux.

Avait-elle pensé à haute voix?

- J'aime ce que je fais, parce que je me dis que je suis utile. Des innocents trouvent la mort chaque jour par ces immondes buveurs de sang . Ca va te paraître un peu cavalier, mais je me bats pour un monde débarrassé de ces parasites.

- Mais le Conseil des chasseurs travaille depuis lontemps aux côtés de l'Ordre des vampires, et maintenant avec ce traité, les liens sont d'autant plus resserrés, répliqua la jeune femme.

- Oui, et je fais avec. Ces vampires de haut rang qui prétendent ne pas se nourrir de sang humain et qui ont adopté l'alternative blood tablet, c'est une imposture. Sans parler des Sangs Purs...

- Les Sangs Purs?

Il parut étonné.

- Ne me dis pas que tu ne sais rien d'eux ? railla t-il. Tu n'es pas une humaine ordinaire qui ignore l'existence du monde de la nuit, tu es la progéniture de notre vénéré Président . Et tu ne sais rien à ce sujet? Hum... Tu es revenue il y a un an, mais tu n'avais pas accès au téléphone là où tu étais? Tu n'échangeais pas de lettres avec lui? Ou alors te cache t-il volontairement tout ce qui concerne les vampires?

Constatant son absence de réponse, il continua. Son ton redevint sérieux.

- Les Sangs Purs sont les vampires qui se trouvent au sommet de la hiérarchie. Leurs pouvoirs sont mille fois supérieurs à ceux de vampires ordinaires, c'est pourquoi tous les vampires les craignent et leur vouent une totale soumission, c'est la loi de la peur si tu veux. Arrivés à l'âge adulte, leur jeunesse perdure, et cela, pour l'éternité. Pour faire plus simple, ils ne vieillissent jamais. Jamais ils ne meurent, à part s'ils se font assassinés, ce qui arrive plus fréquemment qu'on ne veut bien le dire, parce qu'ils attisent trop de convoitises. La preuve en est, comparé au nombre croissant de vampires dans le monde, il ne reste qu'une poignée de Sangs Purs. Mais derrière tout ce tableau, il y a le détail le plus terrible.

Il se tourna vers elle et planta ses yeux dans les siens.

- Seuls les Sang Purs ont le pouvoir de transformer un mortel en vampire. Un humain mordu par un de ces monstres , s'il survit, devient automatiquement un vampire Level E , autrement dit une de ces bêtes assoiffées de sang que je pourchasse. C'est pourquoi, il prit une inspiration,ce sont ceux que je hais le plus.

Le choc avait gelé le corps de Yui. Elle se remémorait les paroles de Kaname la nuit de leur rencontre "J'ai failli te mordre, ce qui pour toi, aurait été synonyme de mort. Je t'aurais vidée de ton sang, ou si tu avais eu le malheur de survivre, tu serais devenue un vampire" . Ainsi donc celui qu'elle aimait était un Sang Pur, ce qui expliquait pourquoi le vampire qui avait failli l'attaquer au bal avait été si terrorisé par son seul regard, ce qui expliquait pourquoi ces vampires avaient tenté de le tuer la veille. Elle se sentit soudain nauséeuse. L'idée qu'il pouvait courir un danger lui fut insupportable.

- Le clan le plus haut et le plus ancien parmi les vampires est le clan Kuran, dont il ne reste plus qu'un représentant , considéré comme le Prince des vampires, Kaname Kuran.

Le fossé qui existait déjà entre eux se creusa et se mut en précipice. Comment ne rien laisser transparaître de sa douleur après ces révélations? Comment prendre sur elle et sourire à Zero comme si de rien n'était? Elle avait été sauvée, caressée, embrassée par cet homme, ce Prince des vampires. Il lui avait pris son coeur et elle ne pouvait ni ne voulait le récupérer. C'était là une aberration. Oui, un monde où elle pouvait vivre à ses côtés à jamais ne pouvait être. Et pourtant, comment oublier ses yeux, sa peau, comment l'effacer de sa mémoire pour espèrer pouvoir trouver un semblant de bonheur jusqu'à l'instant béni où la mort viendrait la prendre?

Zero contourna subitement la petite table et vint s'agenouiller près d'elle. Elle avait enfoui sa tête dans ses bras et ne bougeait plus. Très lentement, il lui écarta les bras et tendant une main vers sa joue, lui releva la tête. "Encore cette détresse" pensa t-il. Il sonda ses yeux tristes un long moment.

- Je suis désolée, dit-elle brusquement . Elle lui décocha un sourire. Un douloureux souvenir m'est revenu en mémoire, mentit-elle , je ne voulais pas t'inquièter.

Il sourit , ses yeux la trahissaient.

Elle le raccompagna jusqu'au portail de la maison. Alors qu'elle avait été loquace et ouverte une bonne partie de l'après-midi, à présent, elle était à court de mots, évitant soigneusement de le regarder.

- Ecoute Yui, dit-il alors. Je suis venu ici par curiosité et j'ai découvert que même Taka Tsuruga pouvait créer un être humain . Bien sûr garde cette partie de l'histoire pour toi, ajouta t-il taquin sous le ton de la confidence.
J'aimerais te revoir.

Elle ne s'attendait pas à ces mots. Surprise, elle le regarda.

- J'aimerais mieux te connaître, continua t-il en scrutant l'horizon.

Les faibles rayons dorés du soleil couchant se mêlaient subtilement aux reflets argentés de ses étranges cheveux gris, accentuant l'aura mystérieuse qui émanait de lui.

-Dans deux semaines il y a la réception pour fêter la signature du traité , avec de charmants vampires et des gentils chasseurs. J'y serai et toi aussi puisque ton père te demandera sûrement de l'accompagner. Je ne te verrai plus d'ici là.

Il se tourna vers elle.

- Tu auras tout le temps de réfléchir si tu as envie ou non qu'on soit amis.

Il sourit, s'inclina.

- Mademoiselle Tsuruga, ce fut un plaisir, fit-il moqueur. Cependant, même si cet aspect de sa personnalité l'irritait, elle en fut amusée.

Elle le regarda s'éloigner. Sa démarche franche et féline à la fois concordait parfaitement avec sa nature. C'était un chasseur.


- Alors comme ça tu souhaites me voir Kaname? susurra une voix à l'autre bout du fil.

- Oui , répondit-il d'une voix calme . Quand rentres-tu ?

Elle observa un court silence. Cette question l'avait en vérité un tantinet désarçonnée, c'était bien la première fois que Kaname se montrait aussi intéressé par ses activités.

- Je rentre dans deux semaines, finit-elle par répondre. La réception pour fêter le traité a lieu chez moi. Je te propose qu'on se voit à cette occasion, qu'en dis-tu?

Kaname se crispa.

- Et moi je propose qu'on se voit en dehors de cette mascarade, répliqua t-il en tentant de conserver un ton aimable. Je n'ai aucun attrait pour ce type de réjouissances, tu le sais parfaitement, d'autant que ce traité ne me passionne pas particulièrement. Et tu me peux me dire pourquoi tout ceci se passe chez toi?

- L'Ordre me l'a proposé, en tant que Sang Pur, répondit-elle amusée, je ne pouvais pas refuser cet honneur. Je pense qu'ils auraient voulu que ce soit toi, mais comme tu ne te montres pas des plus aimables à leur égard, ils ont dû voir venir ton refus... Je ne suis que du second choix .

- Je vois, fit-il . J'aime autant qu'ils ne m'aient rien demandé. De toute façon, je n'irai pas, ça résout le problème.

- Oh! l'entendit-il siffler. Si tu veux me voir, tu viendras mon cher Kaname. Je suis une femme très occupée, je n'aurai pas de temps à te consacrer en dehors de cette fête.

Il grimaça, elle ricana.

- Et puis... J'ai hâte de te voir dans un beau costume. Cela fait bien une éternité qu'on a pas dansé ensemble, je ne veux pas rater une telle occasion.

Elle ne lui laissa pas le loisir de répondre.

- Je m'excuse Kaname, je dois sortir. On se retrouve à la soirée. D'ici-là... porte-toi bien, et ne sois pas trop renfrogné, ça gâche ta beauté. Bye!

Elle raccrocha le combiné. Il resta contrarié. L'idée de se rendre à cette réception ne le remplissait pas d'une folle allégresse. "Puisqu'il le faut", marmonna t-il d'un air lugubre.

On frappa à la porte.

- Entrez! rugit-il.

La porte s'ouvrit sur la domestique.

- Monsieur, dit-elle timidement en baissant la tête, vous avez de la visite .

- Ah? s'étonna t-il.

Pénétrant dans le salon, il les vit. Ils se levèrent tous à l'unisson lorsqu'ils l'aperçurent.

- Et bien , quelle comité... fit-il d'une voix posée mais dénuée de chaleur. Que me vaut cet honneur?

Aïdo, Shiki, Rima, Kain , Ruka et Ren semblaient embarassés, attendant que l'un d'eux n'osat prendre la parole.
C'est alors qu'Aïdo s'avança d'un pas déterminé. Il s'inclina respectueusement devant Kaname .

- Kaname permets nous de nous installer ici , lâcha t-il d'un trait sans relever la tête.

Le prince de sang pur ne répondit pas, se contentant de l'observer. Aïdo releva la tête , croisa son regard dur, ouvrit la bouche pour parler, mais la referma , intimidé. Kain se décida à intervenir.

- Kaname ça fait un an qu'on a décidé de vivre chacun de notre côté, mais nous aimerions revenir ici.
Il prit une profonde inspiration avant de continuer.

- Des rumeurs inquiètantes circulent . On prétend qu'on complote dans l'ombre pour te faire tomber, nous ne pouvons laisser cela se produire.

- Nous sommes à ton service! renchèrit Aïdo avec empressement. On t'en conjure, laisse nous être à tes côtés et te protéger!

Kaname les observa à tour de rôle puis eut un petit rire cynique.

- Je n'ai pas encore l'intention de mourir, railla t-il.

Constatant leurs mines défaites, il soupira tout en passant nonchalamment une main dans ses cheveux .

- Faîtes comme bon vous semble après tout.

Le regard craintif d'Aïdo s'éclaira.

- Merci Kaname. Nous nous montrerons digne de ta confiance.

- Je suppose que vous devez préparer vos affaires , je ne vous retiens pas.

- Nos bagages sont déjà ici , répondit Shiki. Rima lui donna un coup de coude.

- Je vois , fit Kaname. En ce cas, veuillez m'excuser, j'ai des choses à faire.

Sur ce, il quitta la pièce. En sortant, il croisa Takuma qui alla rejoindre ses amis.

- Ouf! dit Aïdo avec soulagement en se laissant tomber sur le sofa. J'ai bien crû qu'il allait refuser! Il a l'air encore plus effrayant qu'auparavant, vous ne trouvez-pas?

- Hum... Regarde toi bien dans une glace, tu comprendras pourquoi il réagit de cette manière Aïdo, se moqua Ren .

- Quoiqu'il en soit, reprit Aïdo après lui avoir jeté un regard noir, je me demande ...

Il se tourna vers Ruka.

- Je me demande si tu vas pouvoir contenir ta libido ma chère Ruka, poursuivit-il moqueur . Ne tente pas de rentrer dans sa chambre lorsque tout le monde dormira, le pauvre, il risque d'être traumatisé à vie.

Pour toute réponse, Ruka lui donna une jolie giffle qui retentit dans l'air.

- Aie! Ca fait mal ! pesta Aïdo.

- Ca t'apprendra, dit Kain en posant un regard emplie de compassion sur Ruka, qui l'ignora.

- Takuma, est-ce que tout va bien ici, ou y'a t-il quelque chose que nous devrions savoir ? s'enquit Rima.

- Rien à signaler , répondit le jeune homme d'un ton évasif. Rien... à part ce que vous savez déjà.

Un silence religieux envahit la pièce. Kain crut percevoir chez son ami une étrange inquiètude.

- Bon ! Je vais choisir ma chambre! fit brusquement Aïdo en se levant d'un bond. Se précipitant vers la porte, il fut rattrapé par Ruka . Ils jouèrent des coudes pour savoir qui passerait la porte en premier, sous les regards médusés de leurs amis.

- Ah, soupira Kain portant une main à son front, rien ne change n'est-ce pas?




C'était une nuit de pleine lune. L'immense demeure d'Aya Takimora brillait de mille feux. Les invités continuaient d'arriver en grand nombre, les voix ênjouées s'entremêlaient , les femmes portaient des robes chatoyantes, les hommes des costumes d'une grande élégance.

- Il y en a de belles plantes vampiriques ce soir, fit Aïdo qui se tenait tout près du buffet aux côtés de Ren.

- Hum hum, acquiesça Ren l'air indifférent.

- Ah c'est vrai, railla Aïdo en le toisant avec amusement, j'ai oublié que tu préfèrais les simples humaines, mûres et mariées de préfèrence. Ce disant Il piquait un doigt dans sa joue pour le titiller.

- Ferme-la Aïdo, s'emporta Ren. Et arrête de me toucher tu veux.

- Oh, moi ce que j'en dis...

Yui venait d'abandonner une discussion avec une vampire blonde platine enjouée qui s'était avérée plus que loquace et traversait la pièce pour rejoindre son père. Soudain, elle s'arrêta. En face d'elle, IL la regardait. Michel Ange aurait été le sculpteur le plus heureux du monde s'il avait pû l'avoir comme modèle. Créature stupéfiante dans son costume blanc, dont la veste était ouverte sur une chemise noire sans cravate, sa beauté éclipsait celle des plus beaux hommes et plus belles femmes de la soirée. L'éclat de ses yeux pourpres était sans pareil. Créature stupéfiante... elle ne voyait plus que lui. Elle s'était doutée qu'elle le croiserait à cette soirée, s'y était préparée psychologiquement, se persuadant qu'elle pourrait garder son calme, qu'elle pourrait le revoir sans ressentir cette douleur atroce qui lui ravageait les entrailles depuis leur rencontre. Elle avait trop présumé de ses forces. Son seul regard à l'instant même réduisit en poussière ses bonnes résolutions.
Lui aussi avait su qu'il la reverrait là . Ce fut l'une des raisons pour laquelle il ne voulut pas se rendre à cette soirée, mais Aya ne lui avait pas laissé d'autre option. Et alors qu'il s'était juré de ne pas s'attendrir en la voyant, il n'avait à ce maintenant plus qu'une envie, la prendre dans ses bras, l'emmener loin d'ici, loin des regards, là où il ne pourrait l'avoir que pour lui, la couvrir de caresses pour l'éternité, la sentir vibrer sous ses mains et se sentir vibrer sous son désir , la protéger, l'emmener loin du mensonge, car le monde de vérité se trouvait dans le fond de ses yeux , ces yeux qui le scrutaient à présent, en quête de réponses aux questions silencieuses et douloureuses. Ils s'observaient, occultant le monde extèrieur, l'un sondant le mystère de l'autre. Ne pouvant plus se retenir, Yui voulut se précipiter à sa rencontre et eut un geste dans sa direction. Mais elle eut juste le temps de faire deux pas, il pivota les talons et disparut dans la foule. Yui voulut pleurer, mais ses yeux restèrent secs . Pourquoi en était-il ainsi? Quand cette douleur prendrait-elle fin? Pouvait-elle retrouver la chaleur de ses bras? Abattue, meurtrie, elle le chercha des yeux mais ne le vit plus. "Je trouverai une façon de lui parler", se dit-elle alors dans un regain de courage, "quoiqu'il m'en coûte". Prenant une profonde inspiration pour tenter de calmer les soubresauts de son coeur, elle alla retrouver son père.

- Qu'est-ce que c'était ça? fit Aïdo ébahi à l'adresse de Ren .

Ils avaient été témoins de toute la scène.

- Hum, répondit le brun vampire, aucune idée. Apparemment, à part nous, personne n'a remarqué quoique ce soit . En tout cas une chose est sûre, je ne connais pas ce Kaname là. La façon dont il regardait cette humaine ... Il ne fait aucun doute qu'ils se connaissent.

- Cette humaine est la fille de Taka Tsuruga, répliqua Aïdo en portant son verre à ses lèvres. J'ai eu l'occasion de l'apercevoir lors d'une réception organisée par mon père il y a quelques mois.

Ren sursauta .

- Quoi? Tu as bien dit Tsuruga ?

Aïdo , perdu dans ses pensées, acquiesça d'un signe de tête.

Kaname brûlait intérieurement. Yui avait ravivé en lui ce violent désir qu'il se savait incapable de contrôler. La voir ainsi, plus belle encore que la dernière fois, plus lumineuse, plus troublante, était un supplice tel qu'il lui broyait les os. Ignorant les diverses marques de respect et de dévotion dont il faisait l'objet à chacun de ses pas, il aperçut Aya et Takuma et s'apprêta à les rejoindre.

- Que comptes-tu faire au juste? fit une voix derrière lui. Il se retourna.

- Shina , dit-il en la gratifiant de son plus beau sourire. C'est un plaisir de te voir . Te revoir après si longtemps... Tu m'as l'air en pleine forme.

Il l'observa. Shina devait sans aucun doute paraître très belle aux communs des mortels. Blonde, grande, élançée, le teint laiteux comme la neige souligné par de grand yeux bleus, des lèvres très fines , son physique pouvait représenter un avantage notable pour venir à bout des hommes les plus récalcitrants. Pourtant elle n'était pas connue pour être une insatiable séductrice, mais plutôt une femme austère , refusant tout contact avec la gent masculine, souriant rarement, préfèrant se lover dans une bulle dénuée de considérations de nature sentimentale. Le regard froid qu'elle posait sur Kaname était plus que révélateur.

- Epargnons-nous les politesses d'usage tu veux, rétorqua t-elle. Que veux tu à Aya?

- Eh bien, c'est ainsi que l'on accueille un vieil ami ... railla t-il . Cependant, je ne vois pas du tout de quoi tu veux parler.

- Ne te moque pas de moi Kaname, reprit-elle . J'étais avec ma soeur quand tu l'as appelée. Ca ne te ressemble pas. Si tu lui fais quoique ce soit de...

- Que feras-tu ? coupa Kaname . Son sourire artificiel avait disparu, son regard était aussi noir que les ténèbres , sa voix menaçante.

Il se rapprocha d'elle et fut si près que leurs corps se touchèrent presque. Il se pencha vers elle.

- Que feras-tu ? lui murmura t-il dangereusement à l'oreille.

Elle ne répondit pas, il perçut que le corps de Shina se raidissait , il perçut sa peur.

- N'oublie pas qui je suis, renchérit-il.

Il se redressa et lui sourit.

- J'ai été passionné par cet entretien.

Sur ces mots, il lui tourna le dos et s'éloigna, la laissant muette et tremblante de rage.

- Je suis vraiment heureux que tu sois revenue, dit Takuma à l'intention d'Aya.

Elle leva son verre , radieuse.

- Moi aussi, répondit-elle de sa voix chantante. Buvons à nos retrouvailles.

- J'ai une meilleure idée, fit Takuma en lui prenant le verre des mains et le posant sur la table voisine.
Aurais-je le privilège de danser avec toi?

Aya s'apprêtait à lui répondre.

- Aya , fit Kaname qui arrivait à leur hauteur. Je t'ai finalement trouvée.

Les yeux d'Aya s'éclairèrent lorsqu'elle le vit.

- Kaname, répondit-elle avec légèreté. Je ne me cachais pas tu sais. C'est plutôt toi le fautif, à vouloir échapper à tout le monde, on ne te voyait plus.

- Je suis timide, répliqua t-il en plongeant un regard désarmant de séduction dans le sien.

Un frisson la parcourut. Jamais encore il ne l'avait regardée de cette manière, lui qui avait toujours repoussé ses tentatives répétées de rapprochement.

- Oh! Je ne voulais surtout pas vous déranger, reprit-il en regardant Takuma.

- Tu ne nous déranges pas du tout, répondit ce dernier d'une voix neutre.

- Tant mieux, dit-il, en ce cas j'enlève Aya pour une danse.

Sans attendre de réponse, il la prit doucement par le bras et la conduisit au milieu de la piste, sous les yeux de son ami qui se voilèrent d'une soudaine tristesse.

- Qu'as-tu fait de Kaname? dit-elle alors qu'ils évoluaient avec grâce au milieu des autres danseurs.

Il ne répondit pas, se contentant de l'observer avec une attention nouvelle. Ses longs cheveux ondulés lui tombant en cascade jusqu'en bas du dos étaient aussi blonds que ceux de Shina, sa peau était aussi lisse et pâle , ses traits aussi fins, seules ses lèvres étaient lègèrement plus charnues et ses yeux d'un magnifique vert émeraude. Contrairement à sa soeur aînée, Aya respirait toujours la bonne humeur, et contrairement à sa soeur, elle recherchait le contact des hommes. Elle avait une compètence sans égale pour les rendre dociles, esclaves de sa beauté. Elle le faisait cependant avec une grande subtilité. C'était une redoutable tigresse camouflée sous un visage d'ange et une humeur toujours légère. Le seul qu'elle convoitait et qui n'avait jamais succombé à son charme était l'impressionant vampire qui dansait avec elle à cet instant.

- Pourquoi voulais-tu me voir? continua t-elle.

- Faut-il une raison à tout? éluda t-il .


- Ils forment un couple splendide, ne trouvez-vous pas?

- Oui, aussi superbe l'un que l'autre.

Les bribes de la conversation entre deux femmes qui se tenaient juste derrière elle, captèrent l'attention de Yui.
Elle chercha du regard l'objet de leur intérêt. Son verre faillit lui glisser des mains lorsqu'elle les aperçut. C'était un tableau d'une beauté aveuglante. Deux anges flottaient au milieu de la piste. Elle, blonde et gracieuse, lui, brun et majestueux. Ils se souriaient, et ne semblaient pas voir l'admiration qu'ils suscitaient parmi les convives. Kaname regardait cette femme avec tant d'intensité qu'elle en ressentit une violente douleur à la poitrine.

- Après tout, reprit la première , ce sont deux Sangs Purs, quoi de plus naturel qu'ils soient si bien assortis!

- On dit de lui qu'il rejette la compagnie des femmes, continua l'autre sous le ton de la confidence, un tel homme, je me suis toujours dit que c'était un beau gâchis. Elle eut un rire bruyant. Hum! Il a de toute évidence trouvé celle qu'il lui fallait, un roi pour une reine en somme!

Ces paroles tranchèrent son coeur comme un couperet. C'est alors qu'il tourna la tête dans sa direction et la vit.
Les yeux de Yui, fixés sur eux, étaient incrédules. La voyant ainsi, il ressentit cette furieuse envie d'acourir vers elle, pour la rassurer, pour lui dire les mots qu'elle attendait. Ce désir d'elle revint à la charge plus puissant encore qu'aparavant. Ses yeux glissèrent sur elle, la déshabillant, il s'attarda sur ses lèvres puis sur la veine de sa gorge. Le désir, la soif...

- Qu'est-ce que tu as ? s'enquit sa partenaire, qui avait perçu le changement qui venait de s'opérer. Néanmoins, elle n'eut pas le temps d'apercevoir Yui.

- Allons ailleurs, répondit Kaname d'un ton si sec qu'il ne laissait pas de place à un refus.

Elle poussa un "oh" de surprise cependant qu'il l'entraînait déjà d'un bras ferme hors de la salle principale.
Yui l'avait vu partir avec elle, impuissante. Le voir avec une autre était quelque chose à laquelle elle s'était pas préparée. Etait-ce cela l'enfer?

- Yui, fit son père à ses côtés. Je m'absente un moment .

Elle le regarda sans le voir, livide.

- Zero ne devrait plus tarder à présent, continua t-il sans remarquer quoique ce soit. Essaie de ne pas me faire honte en attendant.

Sur ce, il s'éloigna, suivi de près par trois hommes austères.
Qui était-elle pour lui? Où était-il allé? L'idée de le savoir seul avec elle lui était insupportable. Sans réfléchir, elle se dirigea vers la sortie et quitta la pièce.



- Vous n'appréciez pas, n'est-il pas? demanda Shina en s'approchant de Ruka.

Cette dernière avait comme beaucoup de personnes vu Kaname danser puis partir avec Aya. Elle qui avait espèré danser avec lui ce soir, elle qui espèrait depuis toujours...

- Pardon... Que voulez-vous dire? répliqua t-elle en s'efforçant de se donner une contenance et se créer un visage impassible.

- Je ne tiens pas plus que vous à voir ça, continua Shina avec froideur. Discutons, si vous le voulez bien.

Kain , un peu plus loin en compagnie de Rima et Shiki, aperçut Shina près de Ruka et fronça les sourcils.




- Mon cher Takuma, tu nous snobes ce soir, railla Aïdo alors qu'il arrivait à sa hauteur en compagnie de Ren.

Takuma , le visage fermé, émit un soupir agaçé et tourna les talons sans leur adresser la parole.

- Quelle mouche l'a piqué? s'enquit Aïdo . Ren haussa les épaules.


Kaname avait conduit Aya à l'étage et poussé la première porte qu'il avait trouvé. A peine passés le seuil, il la plaqua contre le mur . Les reflets de la lune éclairaient la pièce, il ne prit pas la peine d'allumer la lumière. Elle ne comprenait pas le pourquoi de ses actes, mais elle ne trouvait pas la force de poser des questions. Le sentir si proche, si intime, il y avait un tel désir dans son regard, son corps s'embrasa. Kaname prit ses lèvres avec avidité et en dessina les contours avec sa langue.

- Tu voulais savoir pourquoi je tenais à te voir? souffla t-il entre ses lèvres.

Yui avait instinctivement pris les escaliers immenses qui menaient au premier étage. Arrivée en haut, elle ne savait quelle direction prendre, lorsqu'elle aperçut une porte entrebaîllée. S'approchant, elle se risqua un regard à l'intérieur de la pièce.

- Je vois... répondit Aya , haletante, sous ses baisers, c'est mon sang qui t'intéresse...

Il releva la tête et la regarda.

- Non, pas que ça.

Il enleva le haut de sa robe et dévora des yeux sa poitrine étincelant sous les rayons de la lune. Puis il prit ses seins de sa bouche. Elle poussait de faibles gémissements . "Cet homme que je voulais me désire enfin" , pensait-elle , alors que son corps s'arquait sous ses caresses. Tout en défaisant avec empressement les boutons de son pantalon, Kaname releva sa robe. Il la prit sans ménagement, la gardant clouée au mur, elle ne protesta pas. Sans la regarder, il la possédait avec une rage palpable, et les gémissements redoublés d'Aya ne faisaient qu'attiser sa fureur et son désir. Assoiffé, il enfonça ses canines dans sa gorge et s'abreuva de son sang avec une férocité effrayante tout en la possédant encore plus fort. Est-ce qu'après cela, la soif disparaîtra? Ils atteignirent l'extase au même moment. Aya tomba dans ses bras, encore haletante, il essuya le sang de sa bouche d'un revers de la main et ferma les yeux. Ils restèrent immobiles.
Près de la porte, Yui avait suivi toute la scène. Elle n'avait pû détacher son regard d'eux, une champ magnétique invisible lui avait cloué les pieds au sol. Chaque seconde avait été un coup de poignard, chacun des souffles de cette femme, chacun des mouvements de Kaname, chacun de leur soupir , chaque bruit de leurs corps affamés, avait été un coup de couteau brûlant dans sa chair. Et pourtant, elle avait voulu tout regarder, se persuadant que ce n'était qu'un cauchemar, voulant croire qu'il n'allait pas continuer et la laisser. Mais il ne s'était pas arrêté, il ne l'avait pas laissée, il l'avait aimée sous ses yeux, il avait tout pris d'elle, son corps, son sang, et à présent qu'elle déversait sur le pas de la porte des torrents de larmes silencieuses, elle savait que c'était là la seule vérité. Trouvant enfin la force de détourner les yeux, elle partit. Ni Kaname ni Aya n'avaient remarqué sa présence. Leur désir avait occulté tout le reste. Kaname recula d'un pas et remonta sa robe en silence.

- Qu'est-ce qui s'est passé ? murmura Aya, les joues encore en feu.

- C'était ce que tu voulais non? répliqua Kaname.

Cette froideur. Comment pouvait-il être si glacé après l'avoir aimée de cette façon? Son coeur se serra.

- Nous ferions mieux de redescendre , dit-il sans lui accorder un regard.



Il arriva dans la salle principale suivi d'Aya. En le voyant aussi distant, nul n'aurait pû se douter de ce qu'ils venaient de faire. Un membre du Conseil des chasseurs vint vers eux , le visage avenant, propice à une discussion passionnante. Profitant de l'occasion, Kaname s'éclipsa , le laissant seul avec Aya, et alla rejoindre Aïdo, Ren et Kain qui l'observaient non loin de là.

- Ai-je manqué quelque chose de cette palpitante soirée? s'enquit-il le ton morne en arrivant près d'eux.

- Pas vraiment , répondit Kain de sa voix posée. Ah oui! La fille de Taka Tsuruga a eu un malaise en bas des escaliers. Elle avait vraiment l'air mal en point, un homme, ou plutôt un chasseur, qui passait à ce moment-là s'est occupé d'elle et l'a emmenée.

Le sang de Kaname ne fit qu'un tour.

- Où sont-ils partis? rugit-il .

Cette soudaine agressivité surprit Kain.

- Heu... eh bien, il l'a emmenée dans une pièce au rez de chaussée pour qu'elle reprenne ses esprits, semble t-il, je n'en sais pas plus.

Kaname partit comme une flèche, laissant Kain dérouté.

- C'est moi qui ai raté un épisode je crois, non? s'enquit-il auprès de Ren et Aïdo.

Ces derniers gardèrent le silence, plongés dans leurs pensées, se remémorant la scène qu'ils avaient vu un peu plus tôt.

- En tout cas, il venait de boire du sang, fit soudain Ren en sortant de son mutisme, et ce n'était pas n'importe quel sang...

Tous trois regardèrent en direction d'Aya qui s'était débarassée de son encombrant compagnon et cherchait Kaname des yeux.

Zero l'avait étendue avec précaution sur le lit . Assis près d'elle, il lui caressait la joue avec douceur tout en la scrutant avec attention. Ce n'était pas le meilleur moment mais il pouvait à présent admirer tous les détails de son visage. Elle était pareille à une déesse, de fines mèches s'échappaient de ses cheveux relevés en chignons et dansaient autour de son visage délicat. Il aurait donné cher pour percer le mystère de ses angoisses, il souhaitait pouvoir l'aider. Elle ouvrit les yeux.

- Zero? murmura t-elle . Où suis-je ?

- Tu as eu un malaise, je t'ai emmenée ici pour que tu te reposes, répondit-il avec douceur .

Le voile de sa mémoire se dissipa. Elle revit ses atroces images, les deux corps s'unissant dans la pénombre... Tout lui revint, dans les moindres détails, elle aurait souhaité avoir tout oublié, mais la réalité l'avait rattrapée et s'aggripait cruellement à son esprit. Sa respiration redevint difficile, elle sentait le vide l'envahir, alors que les larmes roulaient de nouveau sur ses joues.
Zero était désarmé face à tant de détresse, son quotidien à lui n'était fait que de sang et de combats, dans cette vie, il avait rarement affaire à des sentiments humains comme la peine ou l'amour. Pourtant, il se sentait poussé vers elle, il voulait trouver le remède au mal qui semblait la ronger de l'intérieur. Il la prit dans ses bras. Blottie contre le chasseur, elle sentit un rayon de chaleur qui tentait de percer le mur de la douleur. Kaname avait décidé de la rayer de sa vie, elle n'était plus rien. Les bras de Zero apaisèrent quelque peu ses larmes , malgré les images de ces moments de paradis partagés avec Kaname qui lui martelaient le coeur. Zero recula doucement pour mieux la regarder. C'est à ce moment-là que Kaname poussa lentement la porte et les vit.

- Calme-toi, murmura Zero en souriant et lui caressant la joue de ses doigts. Je crois que tu ne vas pas pouvoir te débarasser de moi.

Elle sourit malgré elle, il avait retrouvé son ton taquin. Cependant ses étranges yeux violets fouillaient son âme. C'est alors qu'il se pencha vers elle et lui déposa un baiser sur le front . Puis il la serra contre lui. Stupéfaite , elle n'émit pourtant aucune objection. Qu'y avait-il de mal à vouloir souffrir un peu moins? Dans les bras de Zero, elle ressentait cette étrange chaleur protectrice, elle sentait la douleur se calmer même si elle ne se faisait pas d'illusions, car elle en était intimement convaincue, la lame ne disparaîtrait jamais. Soupirant, elle ferma les yeux. Tournant légèrement la tête, Zero s'aperçut que quelqu'un les observait. Il le reconnut de suite, Kaname Kuran, le Sang Pur. Le chasseur sentit tous les poils de son corps se hérisser mais le temps de réagir, le vampire avait déjà disparu. Que faisait-il là? Pourquoi ce regard assassin?

"Que lui est-il arrivé?" pensait-il , "que faisait ce chasseur avec elle? Ils semblent se connaître... J'aurais dû entrer, j'aurais dû entrer, le tuer pour avoir osé poser la main sur elle, l'enlever, l'emmener, pourquoi n'ai-je rien fait?!" . La rage bouillonnait en lui, se ravisant, il s'apprêtait à faire demi-tour et mettre à éxecution ses sombres projets. Une voix l'arrêta.

- Votre Altesse.

Devant lui se tenait Hotohori Ushikudo, le Président de l'Ordre, il était accompagné de son bras droit Aoi Chisato et de Taka Tsuruga. Les trois hommes formaient un bien funeste cortège. Kaname les salua d'un signe de tête. Ils s'inclinèrent avec respect, sauf Taka Tsuruga qui le fixait d'un air mauvais.

- Votre Altesse, reprit Hotohori, vous êtes décidément très difficile à approcher ce soir.

Kaname perçut les tremblements de sa voix lourde et la lueur inquiètante qui brillait dans ses yeux.

- Pardonnez-moi, répondit Kaname , j'ai manqué à tous mes devoirs. J'aurais dû venir vous saluer plus tôt et vous féliciter pour la réussite du traité ainsi que de cette soirée. Pardonnez ma négligence.

Hotohori Ushikudo n'était pas dupe de cette apparente amabilité. Les mots du Sang Pur ne cachaient rien de son total mépris. Il plissa les yeux et sourit.

- Puisque vous semblez dans de si bonnes prédispositions, continua t-il en promenant ses yeux vitreux sur la gorge de Kaname, je vous propose de nous rencontrer la semaine prochaine, le soir qui vous sied le mieux. J'ai bon nombre de choses dont je souhaiterais vous entretenir.

Le visage de Kaname resta impassible.

- Avec joie, répondit-il en inclinant légèrement la tête.

- Alors c'est entendu! gloussa Hotohori.

- Je vous prie de m'excuser, fit brusquement Taka Tsuruga, je dois aller voir si ma fille va bien.

"Sa fille? Comme si ce monstre pouvait s'interesser à son sort..." . Kaname entra dans une colère noire , ses traits se crispèrent; les poings serrés, sa soif de vengeance reprit ses droits. Soudain il aperçut Zero. Les mains dans les poches, ce dernier vint à leur rencontre, les yeux fixés sur lui.

- Ah Zero Kyriu ! s'exclama Hotohori, quelle joie de revoir notre plus grand chasseur.

Zero glissa sur lui un regard dédaigneux .

- Tout le plaisir est pour moi, Monsieur Ushikudo.

- Zero, comment va Yui? demanda Taka.

- Elle va mieux, répondit-il d'un ton lugubre.

- Que diable s'est-il passé? s'enquit-il avec humeur.

Le jeune chasseur passa une main sur son front en soupirant, visiblement agaçé.

- Je ne sais pas, elle doit être surmenée... ou quelque chose la perturbe, ajouta t-il pour lui même.

A ces mots, Taka posa les yeux sur Kaname qui lui rendit son regard haineux. Zero observait la scène avec suspicion.

- Vous pouvez aller la voir, reprit il.

- Merci Zero, répondit Taka sans quitter Kaname des yeux. Je savais que vous vous occuperiez bien d'elle.

Kaname serra plus fort les poings. Se maîtriser devenait un chemin de croix. Il n'avait qu'un souhait, les exterminer. Hotohori Ushikudo bien sûr, mais aussi Taka Tsuruga pour avoir fait subir le calvaire à Yui, Zero Kyriu pour l'avoir tenue dans ses bras . D'ailleurs que signifiait la gratitude de Taka envers le chasseur? Qui était-il pour lui?

- Messieurs, veuillez m'excuser, réussit-il à dire d'un ton imperturbable. Bonne soirée.

Après un dernier regard meurtrier à l'adresse de Zero , il tourna le dos et s'éloigna.

Une tempête arrivait à grands pas.
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MessageSujet: Re: PRINCE OF BLOOD   PRINCE OF BLOOD Icon_minitimeJeu 3 Juin - 16:55

CHAPITRE QUATRIEME



JUSQU'AUX PORTES DE L'OUBLI



- Kaname n'est toujours pas sorti de sa chambre? demanda Rima aux autres , alors qu'ils s'étaient lancés dans une partie de cartes.

- C'est bien dommage, fit Shiki avec ennui, mais de toute façon il préfère les échecs, et il m'aurait battu à plate couture si j'avais joué contre lui. Au fait, je vous trouve bien silencieux, ajouta t-il en regardant tour à tour Aïdo, Kain , Ren, Ruka, et Takuma avec suspicion.

- Ah! s'empressa de répondre Aïdo, s'arrachant soudainement à ses pensées secrètes, c'est le trop plein de concentration sûrement. Et puis, le silence est d'or non?

- C'est ça, railla Rima. Dis plutôt que tu es inquiet pour le chef .

L'interpelé baissa les yeux.

- Ca fait trois jours depuis ce foutu bal, dit-il à voix basse. On sait tous qu'il ne tenait pas vraiment à y aller, mais ça n'explique pas son comportement.

Tous observèrent le silence. Ce fut Takuma qui le rompit.

- Allons allons, il doit juste avoir envie d'être un peu seul, ça nous arrive à tous après tout.

Aïdo fut déconcerté par le ton enjoué de son ami, lui qui avait semblé si troublé ces derniers temps. Il se leva d'un bond.

- Bon assez jouer, je vais prendre l'air, dit-il avec humeur.

Il quitta le salon.

- Je crois que je vais y aller moi aussi, renchérit Ruka en déposant ses cartes sur la table.

D'un pas décidé, elle sortit de la pièce. En arrivant aux pieds des escaliers qui surplombaient le hall, elle prit conscience qu'on l'avait suivie.

- Tu vas le voir n'est-ce pas? demanda Kain derrière elle de sa voix posée.

- Puisque tu as la réponse, pourquoi poses-tu la question? répliqua t-elle sans se retourner. Je veux m'assurer qu'il va bien.

Elle grimpa les escaliers et se dirigea vers la chambre de Kaname.
Lorsque Kain revint dans le salon, il ne restait plus que Rima, Shiki et Takuma.

- Où est notre Casanova? s'enquit-il.

Son ton léger ne trompait personne. Ruka avait l'art et la manière de le torturer, tous le savaient.

- Ren? répondit Shiki alors que Rima lui mettait un bonbon au chocolat dans la bouche, il est sans doute avec ton cher cousin.

- Hum... fit Kain pensif, avant de s'éclipser à son tour.

Rima soupira, visiblement agaçée.

- Décidément, depuis ce bal je trouve l'ambiance un peu étrange par ici. Je me demande ce qui se trame.

- Tu te fais des films Rima, répondit Takuma , un sourire chaleureux éclairant ses beaux yeux verts. Allez les amis, on reprend la partie!



- Tu penses à ce bal , je me trompe? s'enquit Ren en s'asseyant sur le rebord de la fontaine près d'Aïdo.

- Kaname est perturbé, répondit Aïdo pensif. Je ne crois pas au hasard, ni que l'Ordre en soit la cause.

Ren poussa un soupir.

- Tu es peut-être moins bête qu'il n'y paraît après tout, dit-il en levant les yeux vers le firmament.

Aïdo ne releva pas, trop immergé dans les méandres de ses réflexions pour riposter aux piques du brun vampire aux yeux gris.

- Ca a forcément un rapport avec ce qu'on a vu, reprit Aïdo en rejoignant son ami dans la contemplation du ciel.

- Et qu'avez-vous vu au juste?

Ils sursautèrent. Ils n'avaient pas entendu Kain s'approcher. Les mains dans les poches, il les observait, interrogateur.

- Quelqu'un peut me dire ce qui se passe?



Ruka était toujours prostrée devant la porte de Kaname. Prise d'un accès de courage, elle frappa enfin.

- Qui est-ce ? l'entendit-elle dire d'un ton morne.

- C'est... C'est Ruka, répondit la jeune femme, craintive.

Nulle réponse n'arrivait.

- Je voulais te parler, continua t-elle, est-ce que je peux entrer? S'il te plaît...

Un long silence s'ensuivit et elle s'apprêtait à battre en retraite.

- Entre, répondit-il.

En poussant la porte, Ruka le vit , étendu de tout son long sur son sofa en velours rouge. Il semblait accaparé par la lecture du livre qu'il tenait entre les mains et ne la regardait pas. Le coeur de Ruka s'affola. Allongé là, vêtu d'un pantalon de toile blanc et d'une chemise bleu nuit dont quelques boutons défaits laissaient entrevoir son torse, il était si beau et semblait si inaccessible. Un Sang Pur sublime... Il ne perdait rien de sa superbe, même en cet instant où il paraissait enfermé dans un autre monde.

- De quoi voulais-tu me parler? demanda t-il au bout d'un moment.

- Je... Je voulais savoir comment tu allais, balbutia t-elle, je m'inquiète. Et je ne suis pas la seule.

Elle s'attendait à ce qu'il la congédiat. Quelle ne fut pas sa surprise lorsqu'il se tourna vers elle et lui répondit avec une douceur inattendue.

- Si tu t'es inquiétée, tu m'en vois navré, mais c'est intuile, je vais très bien.

Ruka s'approcha, prit une chaise qu'elle posa près de lui de manière à lui faire face et s'assit.

- Pardonne-moi d'insister Kaname, mais tu n'as pas l'air en forme. Tu sais que tu peux compter sur moi. S'il y a quelque chose dont tu veux parler...

Kaname posa son livre sur la table basse et planta ses yeux dans les siens.

- Et que penses-tu pouvoir faire pour moi Ruka?

Cette question la désarçonna. Elle avait crû qu'elle aurait été capable de garder son calme. Elle s'était faite une raison, Kaname et elle, c'était de l'ordre de l'impossible. Après des années passées à ne penser qu'à lui, à ne voir que lui, elle avait finalement renoncé, préfèrant avoir l'honneur de compter parmi ses amis plutôt que le voir disparaître de sa vie. Mais aussi nobles furent ses certitudes, à présent, sous ce regard de feu, elle sombrait de nouveau, subjuguée comme jamais, happée, engloutie. Comment avait-elle pû penser que ses sentiments étaient pour toujours endormis? Il était tout ce qu'elle avait toujours désiré, elle ne pouvait donner son coeur à un autre, elle l'avait fermé à double tour avec l'image vivace du prince de sang pur , et en avait jeté la clef.... Ce qu'elle pouvait faire pour lui? Ignorant les supplications de sa raison, elle se leva. Seuls quelques centimètres les séparaient à présent. Elle défit le noeud qui retenait sa robe à sa nuque et l'étoffe parme retomba en corolle sur le sol. Elle le fixait avec intensité, elle attendait. Kaname parcourut des yeux son corps, s'arrêta plus longuement sur ses seins nus, puis continua son exploration silencieuse. Ruka, incapable de réaction après ce qu'elle avait osé faire, sentit tout son être s'embraser. Jamais elle n'aurait rêvé qu'un jour il contemplerait son corps, ce corps qu'elle n'avait toujours réservé qu'à lui. Elle ne désirait qu'une chose, qu'il l'enveloppat de ses bras pour enfin l'aimer. "Me trouve t-il désirable", se demanda t-elle alors qu'elle rougissait de plus belle tandis que les prunelles de Kaname glissaient le long de ses jambes. Il revint enfin vers ses yeux. Comment cela était-il possible? Elle était presque nue devant lui, il l'avait pris le temps, avait analysé sa peau , ses courbes, comment était-ce possible que ses yeux ne laissaient transparaître aucun désir ? Ruka fut tétanisée par tant d'indifférence. Elle commença à trembler, prenant soudainement conscience de la stupidité de son geste. Mais il était trop tard, elle était partie trop loin. Elle voulut se baisser pour ramasser sa robe mais elle se sentait fébrile. Kaname , voyant son désarroi, se releva et fit un geste dans sa direction.

- Ruka... dit-il alors qu'il approchait une main de son épaule.

Elle recula .

- Non, heu... pardon Kaname, je suis tellement désolée, je ne sais pas ce qui m'a pris, je ...

Elle prit sa robe et la tint devant elle de manière à cacher son corps.

- Ruka, tu n'as pas à t'excuser, dit-il. Je ne t'en veux pas.

Les yeux plantés dans le sol, elle n'avait plus le courage de le regarder. On frappa à la porte.

- Kaname? C'est moi, fit Takuma derière la porte.

Affolée, Ruka remit sa robe en un éclair. Kaname attendit qu'elle eut terminé.

- Oui, entre, répondit-il.

Takuma entra, son visage était éteint. Il ne marqua auncun signe d'étonnement à la vue de Ruka, c'était même à se demander s'il l'avait vue.

- Eh bien , qu'y a t-il? demanda Kaname en se laissant retomber sur le sofa.

- Quelqu'un te demande au téléphone, répondit Takuma. C'est Aya.

- Ah ? fit Kaname d'une voix blanche. Il se leva.

- Tu peux me passer l'appel dans mon bureau? demanda t-il à son meilleur ami en passant près de lui.

- Bien sûr, il n'y a pas de problème, dit-il d'une voix à peine audible.

Kaname quitta sa chambre. Takuma s'apprêtait à le suivre et avait déjà atteint la porte lorsque Ruka le bouscula et s'engouffra dans le couloir en courant. Elle pleurait. Même perdu dans ses tristes pensées, il avait vu ses larmes.



- Etrange... fit Kain. Donc Kaname aurait un lien avec la fille de Tsuruga?

- En tout cas, je ne l'avais jamais vu comme ça, répondit Ren.

- Quand j'y repense, il a agit bizarrement quand il a su qu'il lui était arrivé quelque chose, renchérit Kain.
Serait-ce possible que...?

- Kaname et cette humaine ! s'emporta Aïdo, l'air dégoûté. C'est un prince de Sang Pur, comment pourrait-il s'intéresser à une fille comme elle... Et la fille Tsuruga qui plus est.

- C'est une superbe femme, rétorqua Ren.

- Ca ne m'étonne pas de toi ! répliqua Aïdo avec humeur.

- Pense ce que tu veux, il faut être idiot pour ne pas le reconnaître.

- Néanmoins, tout porte à croire que Kaname a bû le sang d'Aya pendant leur escapade, intervint Kain. Mais je doute qu'il n'en voulait qu'à son sang pur. Cette histoire m'a l'air plus compliquée qu'il n'y paraît. Je crois qu'il serait de mauvais goût de l'assaillir de questions, après tout ça ne nous regarde pas. L'avenir nous dira ce qu'il en est. Et après tout, peut-être qu'il n'y a rien du tout entre cette fille et lui.

- Mais si effectivement, il y a quelque chose, fit Ren, et que c'est ça qui le met dans cet état, je crois qu'il ne faudra pas prendre cette histoire à la légère.

Le silence d'Aïdo fut plus parlant que des mots. Il n'aimait pas les mystères et comptait bien élucider celui-ci.



- Je ne peux pas pour le moment, répondit Kaname , assis derrière son bureau, le téléphone à l'oreille. Tu m'en vois navré.

- Kaname, pourquoi as-tu pris mon appel si c'est pour me rebuter? demanda Aya , irritée, à l'autre bout du fil.

- Pourquoi ne l'aurais-je pas fait? rétorqua t-il . C'est le moins que je puisse faire pour te remercier. Je m'excuse de m'être éclipsé sans te saluer.

"Une telle froideur", pensa Aya . "Se peut-il que ce soit le même homme qui m'ait aimée l'autre nuit?". Son coeur se fendit. Ce qui s'était passé entre eux ne représentait peut-être rien pour lui. Sa gorge se noua.

- Aya, j'ai passé une belle soirée, fit-il soudain. Je te remercie pour nos moments privilégiés.

De l'autre côté du téléphone, le visage d'Aya s'éclaira. L'espoir avait repris ses droits. "Il ne faut pas le brusquer", se dit-elle. " Il a toujours fui la compagnie des femmes, pourtant il m'a choisie, moi. Il ne faut pas le brusquer, laissons-lui du temps..." . Elle n'avait pas remarqué la présence de Shina qui épiait la conversation, les traits tendus.

- Il n'y a rien à remercier, répondit-elle soudain guillerette. Mais si tu tiens vraiment à me dédommager, je t'inviterai à dîner chez moi, quand tu seras moins pris par tes affaires.

- Avec plaisir, répondit-il.

Lorsqu'il eut mis fin à la conversation, Kaname se laissa aller dans son fauteuil et ferma les yeux. Les images de Yui emplissaient son esprit, chaque mot qu'elle avait prononcé, chacun de ses sourires, chacun de ses regards, chacun de ses souffles, le parfum de ses cheveux, le goût de sa peau, tout était gravé à l'encre indélébile dans son âme de vampire, si tant était qu'il en avait une. Il avait eu le corps d'Aya à défaut que Yui ne soit sienne, il avait pensé que cela aurait suffi. Mais la savoir mal, et la voir dans les bras de cet homme... Il serra les poings. Tout au fond de lui, il savait parfaitement qu'il n'avait pas le droit d'éprouver de la jalousie, cet homme avait été là pour elle alors que lui était dans les bras d'une autre, mais la voir serrée contre lui avait déclenché en lui une irrépréssible envie de meutre. Son inimitié naturelle envers les chasseurs, Kaien mis à part, en avait été décuplée. Ce Zero Kyriu était devenu son ennemi, le chasseur le plus prometteur était à présent sa cible. Pourtant, quelle était la meilleure attitude à adopter? Ces trois derniers jours, il avait retourné le problème dans tous les sens, en vain, la lumière était restée absente de son esprit. Un voile épais l'obscurcissait. Rester éloigné d'elle, laisser le temps faire son oeuvre, reprendre sa vie de vampire là où il l'avait laissée avant de renaître une deuxième fois la nuit où il avait croisé son regard. Il n'avait jamais eu à faire face à de tels tourments, la haine lui embuait l'esprit alors même que la passion lui lacèrait le coeur. Il manquait de sommeil. Cloîtré dans sa chambre, il avait passé ses jours et ses nuits à sonder les murs , s'extasiant sur les vertus du silence. Il soupira. Il fallait qu'elle cela cesse. Voir Aya était peut-être une option à considèrer de plus près. Elle pourrait lui être utile de bien des façons.


- Bonjour belle demoiselle.

Yui se retourna vivement au son de cette voix si familière.

- Kaien !! s'exclama t-elle en se levant de sa chaise. Se précipitant vers lui, elle se jeta à corps perdu dans ses bras.

Kaien,bien que ne la repoussant pas, fut interloqué par cette réaction pour le moins inattendue. Yui ne l'avait pas habitué à de telles effusions. Il referma ses bras protecteurs autour d'elle. Elle resta silencieuse. Kaien ressentit la vigueur désespérée avec laquelle elle restée collée à lui, comme si elle avait peur qu'il l'abandonnat. Lui prenant le visage très doucement entre ses deux mains, il la força à le regarder. Non, ses yeux n'auraient pû lui mentir. Cette tristesse, ce désespoir, que lui était-il donc arrivé? Même dans les moments les plus sombres de sa vie, ou encore à la mort de sa mère, son visage n'avait exprimé une telle souffrance. Elle qui avait toujours fait montre d'une grande force , lui semblait si fragile à présent. Quelque chose ou quelqu'un l'avait changée, Yui n'était plus la même.

- J'ai appris qu'il t'était arrivé quelque chose, dit-il.

Elle posa une main sur l'une de celles de Kaien et sourit péniblement.

- Je ne voulais pas vous inquièter, c'était juste un petit malaise, rien de bien méchant.

Elle reprit sa place initiale sous le kiosque . Kaien la suivit et s'assit près d'elle.

- J'ai pensé que je vous verrais d'ailleurs, à ce bal, lui dit-elle d'un ton qu'elle voulut léger.

- Oh tu sais, répliqua son ami en souriant, je suis un vieil ermite! Je mets un point d'honneur à fuir la bonne société, tu le sais bien.

- Hum, fit Yui en balançant la tête d'un air désapprobateur, vous avez affaire à vos élèves tous les jours, je n'appelle pas ça fuir la société.

- Tu as raison, acquiesça Kaien en se tournant vers elle. C'est juste que ce genre de soirée n'est pas fait pour un homme comme moi, voilà tout.

Les fenêtres marrons chocolat de Yui le scrutèrent pendant un long moment , puis elle baissa les yeux.

- Tout a changé il y a quatre ans n'est-ce pas? murmura t-elle.

Kaien ne répondit pas. Elle le regarda de nouveau . Une douloureuse tristesse avait terni ses pétillants yeux noisettes.

- Je ... Je suis désolée, dit-elle alors, confuse. Je crois que j'ai encore raté une occasion de me taire.

Il émit un petit rire.

- Ne t'excuse pas. Je ne peux pas éviter éternellement d'en parler. Tu sais Yui, toi et moi sommes si semblables et si différents à la fois.

Une brise chaude balaya ses cheveux noués en une queue de cheval . Yui l'interrogea du regard.

- Parler de Kyra n'a jamais été un problème pour toi, continua t-il . J'ai l'impression que son souvenir te fait te sentir plus vivante, pour moi c'est l'inverse. Je ne suis pas aussi fort que toi, je ne suis qu'un lâche. Quelle ironie.

- Pourquoi dîtes-vous ça? s'indigna la jeune femme. Vous n'êtes pas un lâche. Vous avez vécu tout ça avec beaucoup de courage, et même si vous l'ignorez, c'est ce courage qui m'a donné la force de survivre à la mort de ma mère. Vous avez perdu Yuki quelques semaines avant que je ne perde ma mère à mon tour. Le destin ne nous a pas épargnés, c'est peut-être aussi pour ça que nous nous comprenons si bien. Comme moi, vous n'avez pas pû voir une dernière fois l'être cher, vous n'avez pas pû dire les prières, je sais mieux que personne ce que vous ressentez.

- Ce que tu dis est vrai, répondit Kaien.

Il soupira.

- Je me dis toujours que si je l'avais empêchée d'aller dormir chez son amie ce soir-là, tout aurait été si différent. Elle aurait eu vingt ans déjà. Vous seriez sans doute devenues amies, comme je l'avais toujours souhaité. Malgré les directives de Taka, Yuki et moi n'avions aucun secret l'un pour l'autre, je lui parlais souvent de toi, elle avait envie de te connaître. Mais le temps nous a manqué. Ne découvrir qu'une maison calcinée en arrivant, ne plus retrouver ne serait-ce qu'une partie de son corps, ma vie s'est arrêtée.

Il revint soudain vers Yui.

- Oh! Pardonne-moi, non seulement je suis lâche, mais égoïste par dessus le marché. Je sais combien tu souffres de l'absence de Kyra.

- C'est vrai, ça a été si soudain, répondit-elle fixant un point invisible devant elle. Il ne restait rien d'elle après l'explosion de la voiture... J'aurais voulu l'embrasser une dernière fois.

Des larmes strièrent son beau visage. Kaien l'attira et la serra contre lui. "Que dieu me pardonne de commettre un tel péché Yui, mais il est préfèrable que tu crois en ta propre vérité... Alors seulement, tu auras une chance, même infime, d'oublier" pensa t-il.

- Pardon, je suis une incorrigible sentimentale, dit-elle en levant les yeux vers lui, sourire au lèvres.

- Yui, qu'est-ce qui ne va pas? demanda Kaien d'un trait , le regard empreint de compassion et d'inquiétude.

Elle relâcha son étreinte .

- Rien du tout, éluda t-elle en détournant son regard.

- Depuis l'autre jour, j'ai su que quelque chose n'allait pas. Il m'a suffi de te regarder. Tu sais que tu peux tout me dire.

Un long silence s'installa. Kaien attendit patiemment qu'elle trouvat le courage de prendre la parole.

- Dîtes-moi Kaien, quelle est votre conception de l'amour?

Il était à mille lieues de se douter qu'elle lui poserait une telle question. Comment ? Quelqu'un avait-il trouvé le chemin de son coeur? Il la regardait du coin de l'oeil. Elle était d'une telle beauté. Son profil parfait auréolé des quelques faibles rayons de soleil qui s'étaient introduits sous le kiosque était digne d'une déesse. Sa longue chevelure brune semblait plus douce que la soie. Devait-il en être surpris? Comment un homme normal aurait-il pû résister à une si époustouflante créature? Yui se tourna vers lui et interprèta mal la stupeur qu'elle lut sur le visage de son ami.

- Oh! fit-elle, vous avez pourtant aimé profondément la mère de Yuki , je me trompe?

Kaien se réveilla de sa léthargie.

- Je l'ai aimée, bien sûr que je l'ai aimée, répondit-il en retrouvant son sourire. Elle a été la paix dans ma vie de chasseur, elle m'a donné une fille merveilleuse. Mon seul regret est que Yuki ne l'ai jamais connue, elle s'en voulait toujours, elle pensait que c'était de sa faute, que si Ayumi ne lui avait pas donné la vie , elle ne serait pas morte. Je n'ai jamais réussi à la convaincre du contraire. Mais pourquoi cette question?

- Je veux savoir, répondit Yui en plissant le front comme si se dressait devant elle un épineux exercice de mathématiques.

Kaien lui sourit avec tendresse.

- Je ne n'ai pas de conception de l'amour Yui, l'amour ce n'est que l'amour tu sais.

Cette réponse la dérouta, elle était peu encline aux devinettes.

- Aurais-tu rencontrer un homme par hasard? interrogea t-il, à l'affût de ses moindres réactions.

Yui soupira. Certes , elle ne lui avait jamais rien caché. Pourtant, pouvait-elle lui parler ouvertement de Kaname? Pouvait-elle lui dire qu'elle passait ses nuits à pleurer et ses jours à retenir ses larmes ? Pouvait-elle lui dire qu'elle se dirigeait lentement , trop lentement , vers la mort , se consumant pour un vampire au sang pur qui avait scellé à jamais son destin?

- Mon père a fait le nécessaire, répondit-elle d'une voix blanche.

- Pardon? fit Kaien. Qu'est-ce que ce vieux fou a encore fait?

- Il a jugé bon de me présenter quelqu'un.

Kaien en resta bouche bée. Que diable cela pouvait-il donc bien signifier? Il connaissait son ami depuis longtemps. Taka dans son désir poussé à l'extrême de garder Yui, ne permettrait à aucun homme de s'approcher d'elle, du moins, pas aussi rapidement. Que cela pouvait-il bien cacher?

- C'est un chasseur, continua Yui. Tu dois sûrement le connaître, il s'appelle Zero Kyriu.

- Quoi ! s'exclama t-il.

Il posa une main sur son front en balançant la tête, quel genre de pièce était-il en train de se jouer ici?

- Non seulement Taka veut te choisir ton futur mari, mais en plus il t'a choisi un chasseur, et pas n'importe lequel. Qu'est-ce qu'il a derrière la tête....

- Tu connais Zero , n'est-ce pas? s'enquit Yui en le regardant avec attention.

- Oui, je le connais très bien.

- Tu ne l'apprécies pas?

- Je l'apprécie beaucoup au contraire, c'est un garçon qui a du caractère, un peu trop même.

Il sourit.

- Calmer ses excès de zèle relève parfois d'un exploit herculéen. Son maître , Toga Yagari, qui est l'un de mes meilleurs amis, est particulièrement fier de son petit protégé, même s'il vient souvent me voir pour s'en plaindre.

Yui ne put s'empêcher de rire. Zero semblait effectivement tel qu'il venait de le décrire, impétueux, spontané, tellement humain... Kaien aimait son rire, un rire cristallin, une belle musique entraînante.

- Mais la vraie question est , dit-il en plongeant ses yeux dans les siens, est-ce que toi, tu l'apprécies Yui?

Yui détourna son regard et le laissa de nouveau errer dans le vague.

- Nous nous connaissons depuis peu. On ne s'est vu qu'à deux reprises en fait, la deuxième fois c'était au bal.

A l'évocation de ce bal, son coeur se serra si fort qu'elle crut qu'il allait exploser. Ce bal était sa vision à elle de l'enfer. Brûler vive dans les flammes aurait été une souffrance plus supportable. En rentrant chez elle , cette nuit-là, elle savait qu'elle était déjà morte. Jamais plus elle ne reverrai Kaname. C'était ce qu'il lui avait dit en la quittant la première fois, mais elle n'avait pas voulu y croire. En le croisant chez Kaien quelques semaines plus tard, elle avait crû aux bonnes grâces du destin, ce même destin qui l'avait tant de fois flagellée. Elle l'avait attendu sous cet arbre, failli se faire tuer par des vampires, s'était retrouvée nichée au creux de ses bras aimés, puis il l'avait de nouveau laissée. Pourtant , même après cela, elle y avait crû encore, parce que dans ses prunelles uniques , par delà la froideur, par delà l'indifférence, elle percevait les mêmes tourments que les siens. En se retrouvant face à lui au bal, elle l'avait pourtant perçue de nouveau, cette incompréhensible attraction mêlée de tristesse qui émanait de ses yeux lorsqu'ils se posaient sur elle. Mais tout ceci n'avait été qu'un mensonge, un songe qu'elle s'était elle-même fabriquée. La vérité était toute autre. La vérité avait attendue le moment propice pour l'achever. Car la seule vérité, c'était ce qu'il lui avait dit en la quittant la première nuit: "Nous n'avons rien à faire ensemble" . En effet, elle avait dû se rendre à l'évidence, ils n'étaient pas du même monde, Kaname ne souhaitait pas qu'elle s'immiscat dans le sien. Cette femme , Aya Takimora, celle qu'il avait aimée sous ses yeux, était la mélodie parfaite pour sa musique de virtuose. Elle , Yui, n'était qu'une femme banale, une mortelle qui avait eu tort de se frotter à des dieux.

- Pourtant, reprit-elle d'un ton trop tranquille, même si je ne l'aimais pas au début, je dois dire qu'il est particulièrement doué pour se faire apprécier, du moins ça a marché avec moi. Le fait qu'il soit venu ici juste par curiosité et non pas pour satisfaire aux lubies de mon père, m'a donné l'envie de le connaître, et je dois avouer... c'est un homme bien.

Kaien fronça les sourcils.

- Je vois.

- Pardonne-moi Yui, je ne savais pas que tu avais de la visite.

Les deux amis se retournèrent . En plein soleil, Zero se tenait devant eux ,une main dans les poches, l'autre se promenant nonchalemment sur ses tempes.

- Mon petit Zero ! s'exclama Kaien en riant . Quand on parle du loup !

Un sourire illumina le visage rayonnant du chasseur.

- Kaien Cross , si je m'attendais... Hum, j'aime prendre soin de mon égo, railla t-il, j'espère que je n'ai eu droit qu'à des éloges.

- Force est de constater que tu es toujours égal à toi-même, répondit Kaien amusé.

Il se leva.

- J'allais partir de toute façon, j'ai beaucoup de travail qui m'attend.

Il se tourna vers Yui qui s'était levée à son tour. La jeune femme fut troublée par la soudaine nostalgie de son regard.

- Aurevoir Yui, fit-il. Prends soin de toi d'accord? Et n'oublie pas que tu es toujours la bienvenue si tu veux rendre visite à un vieux loup solitaire.

Pour toute réponse , elle lui sourit.

Il partit et Zero s'assit auprès d'elle. Alors qu'il était presque sorti du jardin, Kaien se retourna. Le tableau qu'il vit alors le frappa. Une femme superbe était en compagnie d'un jeune homme d'une très grande beauté lui aussi. Deux êtres formant un couple parfait. Pourtant, sur le visage de cette femme, il reconnut le bien être, le sentiment de réconfort, mais pas ce sentiment si intense. Le jeune homme , quant à lui, était difficile à cerner, quelque chose semblable à un sincère intérêt , une admiration , peut-être une forme de fascination, perçait néanmoins de ses yeux. Kaien ne connaissait que trop bien le visage de l'amour, c'était un de ses compagnons les plus fidèles. Or, à cet instant, il chercha, chercha, mais ne le trouva pas. L'amour n'était vraiment que l'amour, on ne devait pas avoir à le chercher...Tournant le dos à cette toile estivale, il s'éloigna.

- Ne me remercie pas, fit Zero en souriant . Dis-moi juste ce que tu écris là , fit-il en désignant du menton le cahier griffonné ouvert sur la table.

Il rapprocha son visage du sien et planta ses beaux yeux violets dans ceux de Yui.

- En fait, c'est faux. Pas juste ça. Je veux tout savoir. A commencer par savoir ce que le chasseur le plus connu de l'histoire faisait ici ! J'ai tout mon après-midi tu sais. Un chasseur peut s'aménager un repos bien mérité après tout. Qu'en dis-tu?

Yui sourit. Décidément, pour une obscure raison, Zero avait le don de l'amuser. Après avoir eu la chance de passer du temps auprès de Kaien, elle était heureuse qu'il soit venu.

- J'en dis que tu ne me laisses pas vraiment le choix...




Aïdo faisait les cent pas devant la grande fenêtre du salon. Installé dans le canapé, Ren l'observait , pensant qu'il en devenait presque risible.

- Aïdo, tu vas finir par attraper une crampe si tu continues. Mais j'y pense, peut-être que tu te destines à faire carrière dans un cirque? Ton père serait très affligé d'apprendre que tu quittes l'affaire familiale, fit-il en pouffant de rire.

Aïdo se retourna vers lui , son regard bleu était aussi sombre que les ténèbres.

- Et ça te fait rire toi! s'exclama t-il avec rage.

Ren soupira et laissant retomber sa tête en arrière , il fixa le plafond.

- Ecoute, dit-il en retrouvant son sérieux, je suis aussi inquiet que toi. Ne crois pas que je ne m'en soucie pas. Mais c'est la décision de Kaname, nous n'y pouvons rien.

- Mais on aurait dû l'accompagner! pesta Aïdo. Nous sommes revenus pour lui prêter main forte, le protéger, et regarde nous! On est là à discuter tranquillement alors qu'il est parti dans l'antre de l'ennemi!

- Kaname sait ce qu'il fait, intervint Kain qui venait de les rejoindre, il ne va rien lui arriver. De plus, il a été très clair, il voulait s'y rendre seul, donc cesse de te tourmenter. Fais lui confiance.

Aïdo lui tourna le dos . Les bras croisés, il fixait le jardin qui faisait ses adieux aux derniers rayons du soleil couchant.

- De toute façon, Hotohori Ushikudo ne tentera rien de téméraire ce soir, continua Kain en prenant place près de Ren, s'il veut la peau de Kaname, il continuera à le traquer de façon à ne pas se compromettre. Il fera les choses autrement. Kaname le sait et quant à nous, ouvrons l'oeil.

Ren observa Kain.

- Dis moi , on a pas vu Ruka depuis des jours. En fait, on ne l'a plus vue depuis l'autre soir, quand elle est allée rendre visite à Kaname.

- Comment sais-tu qu'elle est allée chez lui? lui demanda Kain , pensif.

- Voyons ! Tu nous prends pour des idiots ? On sait tous qu'elle y est allée. Quelquechose a dû se passer ... ou ne pas se passer plutôt.

- Qu'est-ce que tu insinues Ren? s'emporta Kain en se tournant brusquement vers lui. Ne parle pas d'elle de cette façon!

- Du calme mon vieux, rétorqua Ren sur le même ton tranquille. Je ne pensais pas à mal. C'est juste que se voiler la face n'avance à rien. Tu perds de ta lucidité quand il s'agit de Ruka, admets le. Elle a sûrement été rejetée , une fois de plus, d'où son attitude. Sauf que...

- Sauf que ?

- Sauf que j'ai du mal à comprendre. Je pensais qu'elle avait tiré un trait sur cette histoire depuis un bail. Elle n'avait pas cessé de clamer qu'elle voulait être son amie, qu'elle avait compris ... A moins que....

- Que ? s'enquit Kain.

- Hum... rien, oublie ça, répliqua Ren en se levant. Bon, les amis, ce n'est pas que je m'ennuie mais j'ai des choses à faire.

- Tu sors encore? demanda soudain Aïdo avec étonnement.

- C'est quoi ce encore? fit Ren , amusé.

- Ca fait trois soirs de suite que tu quittes le manoir à la même heure, fit remarquer Kain.

- Si j'avais su que ma vie vous intéressait à ce point ... répondit le brun vampire à voix basse.

Il se dirigea vers la porte et se retourna vers Kain avant de l'ouvrir.

- Il n'y a que les femmes pour comprendre les femmes. Lorsque Rima sera rentrée de sa séance photo avec Shiki, touche lui en un mot. Peut-être que Ruka se laissera aller à la confidence plus facilement qu'avec toi.

Sur ces paroles, il sortit, laissant Kain dubitatif et Aïdo intrigué.




- Votre Altesse, votre visite me remplit d'une joie que je n'espèrais plus, fit Hotohori .

Ils étaient tous deux seuls, assis dans l'immense salon de sa demeure. Cette dernière était d'ailleurs à son image. Elle était rustique, les meubles anciens étaient sans nul doute d'une très grande valeur, tout avait été calculé pour être exposé à la vue de tous, des fresques gigantesques ornaient chaque pan de mur, il n'y avait nul besoin de s'y attarder longuement pour comprendre qu'il ne s'agissait pas là de vulgaires copies. Des lustres imposants, sortis d'une autre époque pendaient au plafond , toutes sortes de miroirs aux encadrements dorés à l'or fin trônaient ici et là. Hotohori adulait-il autant ce visage qui était le sien? Kaname sourit intérieurement face à ce grotesque étalage d'une fortune souillée par les manigances du clan Ushikudo qui perduraient depuis des siècles.

- J'espère que vous me pardonnerez, j'ai pensé que cela serait moins formel si nous nous rencontrions chez moi. Merci , fit-il à l'adresse du domestique qui venait de déposer deux verres de brandy sur la table basse.

Il invita Kaname à se servir, ce dernier refusa poliment.

- Si nous en venions au fait, dit-il d'une voix calme en fixant son hôte.

Le Chef de file de l'Ordre ne s'attendait pas à ce qu'il fut aussi direct. Kaname sourit, il avait obtenu l'effet escompté, ces quelques mots avaient suffi pour qu' Hotohori perdit toute sa belle assurance.

- Vous n'y allez pas avec des pincettes, finit-il par répondre.

Il prit une gorgée de brandy puis reposa son verre. Kaname nota que ses gestes étaient mal assurés. Hotohori lui fit face.

- L'Ordre a besoin d'un homme de votre rang et de votre trempe. Nous osons espèrer que vous ne suivrez pas la même voie que vos regrettés parents.

Le sous-entendu était par trop évident pour être ignoré.

- Hum, fit Kaname en plissant les yeux. Il ne souriait plus. Ma réponse va être rapide. C'est et cela sera toujours non. Je vous saurais gré par ailleurs de ne pas citer mes parents en réfèrence, le cas échéant, je ne puis vous assurer que je garderai ma courtoisie.

Hotohori fronça les sourcils, une colère palpable l'avait submergé.

- Votre courtoisie... dit-il d'un ton presque menaçant, vous vous jouez de moi et de l'Ordre. Vous y prenez un malin plaisir. Mais sachez, Votre Altesse, qu'il y a des choses auxquelles on ne peut se soustraire, même vous , tout Prince que vous soyez.

Kaname eut un petit rire cynique et se leva.

- J'espère que vous ne faîtes pas allusion à ces bouffons que vous m'avez envoyés la dernière fois, railla t-il.
Je suis déçu, je pensais que je valais beaucoup plus que ça.

- Une nouvelle fois, votre esprit vous emporte plus loin que nécessaire, répliqua Hotohori se levant à son tour. J'ai eu vent de cet incident, mais nous ne sommes pas responsables de ces vampires dissidents. Jamais nous n'oserions faire du tort à un Sang Pur, de plus quelles seraient nos motivations? Voyons, Votre Altesse, ne nous jugez pas aussi durement. Par ailleurs, une enquête à ce sujet a été ouverte, je tenais justement à vous en informer.

Le Président alluma un cigare.

- Il ne fallait pas vous donner cette peine, répondit kaname. Par ailleurs, c'est étrange... j'étais persuadé que l'Ordre n'accordait leur protection qu'à leurs toutous. Ne vous dérangez pas, je connais le chemin.

Il se dirigeait déjà vers la sortie. Devant la porte, il se retourna. Hotohori n'avait pas bougé, le vampire grisonnant et aux yeux vitreux , le dévisageait comme s'il venait de recevoir une giffle en pleine figure. Kaname sentit le dégoût lui monter à la gorge.

- J'ai hâte de voir ce à quoi j'aurai droit la prochaine fois, dit-il avec un sourire en coin, j'en trépigne d'impatience. D'ici-là, enquêtez-bien. Je vous remercie pour votre hospitalité, cette entrevue a été très instructive. Et..., ajouta t-il en le fixant si dangereusement que son interlocuteur en eut des frissons de terreur, je tenais également à vous en informer. Où qu'il soit, je finirai par le retrouver, et à ce moment-là, je pense que je pencherai pour de nouvelles prédispositions.

Il s'inclina .

- Monsieur le Président.

Il disparut. Hotohori Ushikudo écrasa avec rage son cigare dans le cendrier en cristal posé sur la table et avala tout le contenu de son verre d'un seul trait.

- Mani! hurla t-il . Rapportez-moi un autre brandy!




Allongée, la tête rejetée en arrière, elle appréciait ses caresses alors qu'il explorait la partie la plus intime de son corps de sa bouche avide. Lorsqu'il s'introduisit en elle, elle émit un cri strident qui retentit dans toute la pièce, une grande pièce sombre et quasiment vide. Elle suffoquait . Il la retourna , la prit de plus belle et elle sentit peu après quelque chose flirter avec son dos. Il émit un rire rauque.

- C'est ce que tu veux n'est-ce pas?

Elle réussit à répondre entre deux gémissements.

- Donne moi ma punition , souffla t-elle.

A peine ses mots prononcés, le fouet s'abattit violemment sur sa peau, lui arrachant un hurlement de douleur. Elle en redemanda, il lui donna entière satisfaction, léchant avidement au passage le sang qui jaillissait de son corps meurtri. Plus tard, il était allongé sur elle et ils se regardaient.

- Combien de temps va t-on encore attendre? demanda t-elle les yeux brillants , la bouche encore ensanglantée alors qu'elle venait de se nourrir à sa gorge.

- Patience, murmura t-il , patience ...

Sur ces mots, il la releva. Leurs ébats avaient eu lieu sur un cercueil scellé.
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MessageSujet: Re: PRINCE OF BLOOD   PRINCE OF BLOOD Icon_minitimeJeu 3 Juin - 16:57

CHAPITRE CINQUIEME


LIS DANS MES YEUX, JE TE VOIS




- Quelle spontanéité! s'écria Kaito en lui ouvrant la porte.

Il posa les yeux sur le bouquet de fleurs que son ami tenait à la main.

- Hum... mon amour!! s'exlama t-il en se jetant au cou de Zero.

- Ah! Arrête ça tu veux! De l'air! fit Zero en le repoussant avec tant de vigueur que la tête de son ami faillit bien s'écraser contre l'embrasure de la porte.

- Pff...railla Kaito en se grattant le crâne, aucun sens de l'humour... Bon, entre, ne reste pas planté là. Yori nous attend dans le salon avec elle, continua t-il en devançant son ami dans le hall.

- Elle?

Pénétrant dans le salon, Yori vint vers eux , affichant un sourire radieux.

- Zero! C'est bon de te revoir, dit-elle tout en le serrant familièrement dans ses bras.

Il sourit.

- Moi aussi je suis content, lui répondit-il.

Il se pencha à son oreille.

- Mais fais attention, murmura t-il, si ce cher Kaito découvre notre liaison, tu ne survivras pas à ses instincts meurtriers.

Pouffant de rire, Yori recula pour mieux le dévisager. Ce fut alors que Zero la remarqua. De grands yeux d'un bleu azur le scrutaient avec attention, intrigués. Sa longue chevelure rousse et frisée encadrait son visage aux pomettes hautes et aux lèvres grandes et minces. Yori s'écarta.

- Je te présente Mio, fit-elle en désignant la femme. Une amie...

- Pas si vite! coupa Kaito. Grâce à qui? C'est moi qui te l'ai présentée mon amour, après tout, je suis un type génial.

- La ferme Kaito, intervint Mio.

Sa voix aux intonnations sourdes correspondait parfaitement à son physique. Très grande, élançée, elle portait un pantalon de cuir noir et un bustier blanc en dentelles moulant une poitrine avantageuse. Un énorme pendentif aux étranges motifs ethniques et de forme ronde ornait son cou. Sa peau était légèrement bronzée. Sa beauté était pour le moins atypique. Oui, assurément, la voix allait de paire avec le personnage. Bien qu'elle respirait la féminité, un seul mot vint à l'esprit de Zero pour la qualifier : sauvage.

- Ravie de te rencontrer, dit-elle en lui décochant un étrange sourire.

- De même, répondit-il avec une froideur qui le surprit lui-même.

Une heure plus tard, ils étaient à table.

- Alors, fit Zero en se tournant vers Yori assise à sa droite, quel effet ça fait de vivre sous le même toit que cet imbécile ?

- Ca fait un bien fou, répondit-elle amusée.

Elle regarda Kaito.

- Je lui dis?

Il lui sourit en signe d'approbation.

- Nous n'avons prévenu personne, poursuivit Yori, mais je suis Madame Takamiya depuis une semaine.

Zero, stupéfait, resta bouche bée. Kaito éclata de rire, suivi peu après par Yori. Mio les obervait, amusée elle aussi.

- Si tu voyais ta tête mon vieux, dit le nouveau marié après s'être un peu calmé. Ecoute, on a voulu faire simple et rapide. On a préféré ne prévenir personne.

- Tu ne nous en veux pas j'espère, renchérit Yori.

Zero resta silencieux, puis soupira.

- Hum... tout ce que j'ai à dire à part les félicitations d'usage, c'est...

Il se tourna vers Yori et lui mit les deux mains sur les épaules.

- Tu as un sacré courage, dit-il en feignant d'être triste, tu t'es dévouée, quelle grandeur d'âme. Parce qu'après tout, à part toi, qui aurait voulu de lui? Yori, tu es une Sainte.

Il reçut une serviette roulée en boule en pleine figure.

- Imbécile ! fit Kaito qui continuait de manger comme si de rien n'était. Yori sera la femme la plus heureuse du monde. Mais j'y pense...

Il le regarda soudain , moqueur.

- Tu peux parler toi. Toi aussi tu vas faire le grand saut, n'est-il pas ?

- Qu'est-ce que tu racontes? demanda Zero, incrédule.

- Tout le Conseil en parle, on dirait le dernier film à la mode, ne fais pas l'ignorant. La fille du grand manitou est devenue ta fiancée à ce qu'il paraît, tu n'as pas perdu de temps ! Mais je te comprends, elle est vraiment séduisante...

Yori lui jeta un regard noir.

- Mais ! s'empressa t-il de rajouter, moins que toi ma chérie !

- Nous n'en sommes pas là, répliqua Zero en croisant le regard ocean de Mio qui le fixait toujours avec cette curiosité qui le mettait mal à l'aise. Elle avait très peu parlé depuis qu'ils avaient commencé le dîner.

Son ton avait changé. Le visage fermé, il mangeait tranquillement.

- C'est un vrai régal Yori, fit-il , merci mille fois, tu es un vrai cordon bleu. Quant à toi, continua t-il en pointant sa fourchette vers Kaito, si tu t'intéressais autant à la chasse qu'aux commérages, on aurait moins à faire.

- Ah ah, rétorqua son ami, qui se laissa retomber sur sa chaise, repu. C'est vrai que ce n'est pas le travail qui manque en ce moment, ces foutus level E deviennent de plus en plus nombreux chaque jour. On se demande d'où ils sortent. J'adore la chasse, mais parfois j'aimerais me reposer un peu j'avoue. Heureusement, le Conseil a recruté d'autres hunters.

- S'ils sont aussi bons que ceux qui se sont faits massacrés il y a quelques mois à peine arrivés, on a du souci à se faire, répondit Zero , bourru.

- Ah, ne t'inquiète pas pour ça. Beaucoup d'entre nous se sont faits tués, même des expérimentés, je te le rappelle. Un peu de renfort n'est pas du luxe, si tu veux vivre un peu plus longtemps. Les dernières recrues valent le détour, tu peux me croire. D'ailleurs, fit Kaito en se tournant vers Mio qui siégeait à sa droite, Mio figure en tête de liste. C'est une chasseuse implacable.

Zero laissa retomber sa fourchette, les yeux écarquillés.

- Qu'est-ce que tu dis ?

- Tu m'as l'air plutôt surpris, dit Mio en lui souriant. Ne me dis pas que tu es l'un de ses chasseurs misogynes que je méprise.

Zero se ressaisit.

- Pas du tout, répondit-il en soutenant le regard de son interlocutrice. Néanmoins, j'ai toujours pensé que la place d'une femme n'est pas à la chasse, c'est un travail dangereux, ça ne fait pas de moi un misogyne.

Mio se raidit. Visiblement, les propos de Zero l'avaient rendue furieuse.

- La place d'une femme? gronda t-elle. Parce que tu es Zero Kyriu, tu crois avoir la science infuse sur tout n'est-ce pas? On m'a conté tes exploits, mais comme beaucoup de rumeurs, ta réputation doit être aussi surfaite. Je ne suis pas sûre d'être éblouie par ton talent si je te voyais à l'oeuvre.

La rage de Zero était palpable. Cette femme le provoquait ouvertement.

- Eh bien? Je ne t'ai pas énervé j'espère? railla t-elle.

Contre toute attente, Zero la gratifia d'un sourire désarmant.

- Ce serait te donner trop d'importance, répondit-il ses yeux violets plantés dans les siens. Je ne prête pas attention aux dires de chasseurs débutants.

- Débutants! Comment oses-tu ...

- Du calme, du calme les amis, coupa Kaito en riant. Vous aurez d'autres occasions de vous entretuer!

Mio poussa un long soupir et ignorant Zero, se tourna vers Yori.

- Tes cours à l'université se passent bien? lui demanda t-elle.

- Oui, très bien, répondit-elle , encore une année , et je pourrai enfin enseigner !

Zero lui sourit. Kaito n'aurait pû choisir meilleure femme que Yori.



- Ces deux-là s'adorent, n'est-ce pas? soupira Yori. Blottie dans les bras de son mari dans le lit conjugal, elle repensait à la soirée qui venait de s'écouler.

- Ne t'en fais pas pour ça, répondit Kaito en lui embrassant tendrement les cheveux, Zero a mauvais caractère et Mio de ce côté-là n'est pas en reste, mais ça va aller, il ne va pas y avoir mort d'hommes.

- Kaito, c'est vrai tout ce que tu as dis? demanda la jeune femme. Je n'aime pas t'entendre parler de mort , même si je savais bien en t'épousant que te savoir risquer ta vie chaque jour allait être difficile.

Passant une main sous le menton de Yori, il lui releva la tête et la regarda d'un air mutin.

- Oublions les choses qui fâchent. Laisse moi plutôt m'occuper de toi, murmura t-il en déposant des baisers sur son front, ses lèvres, ses joues.

La sentant réceptive, il continua son investigation et plongea sous les draps pour poser sa tête entre les jambes de sa femme, déjà prêtes à accueillir ses lèvres. Yori poussa un soupir de plaisir. De sa bouche experte, Kaito ne la ménageait pas, il la connaissait, savait comment attiser son désir. S'aggripant aux fers du lit derrière sa tête, elle apprécia à leur juste valeur ces caresses bénies...





Les cours avaient été ennuyeux aujourd'hui. Yori se sentait lasse, sans doute cela était-il dû au fait que son insatiable époux ne l'avait pas laissée dormir pendant une bonne partie de la nuit. Passant les grilles de l'université, elle souriait. Les images de la nuit lui revinrent. Kaito était si doux avec elle. Elle avait passé toute son adolescence à rejeter toute forme de sentiments amoureux envers les hommes, préfèrant se concentrer sur ses études. Mais il y avait de cela deux ans, sa rencontre avec Kaito avait changé sa vie et sa vision du monde. L'homme n'était pas fait pour vivre seul. Elle n'ignorait rien des vampires, sa meilleure amie disparue, Yuki, lui en avait parlé sans détour, de l'existence de ces créatures de la nuit , et passé le premier moment d'effroi, elle s'était faite à cette idée. Sa rencontre avec Kaito fut le pur fruit du hasard, un hasard bien heureux. Il l'avait sauvée des griffes d'une de ces bêtes, une nuit alors qu'elle revenait d'un rendez-vous tardif et se hâtait de rentrer chez ses parents. A cet instant, alors qu'elle était terrorisée, elle s'était prise d'admiration pour le beau chasseur. Elle l'avait contemplé alors qu'il réduisait en poussières la bête qui l'avait attaquée. Il lui avait sauvé la vie, et lorsqu'il l'avait relevée du sol en lui demandant si tout allait bien, elle avait de suite sû que cette rencontre n'était que le début de quelque chose de plus beau que ce qu'elle avait imaginé auparavant. Tout en marchant, elle regarda son alliance avec tendresse. "Que vais-je bien pouvoir lui concocter à dîner?" se demanda t-elle. "Il va sûrement revenir très tard, mais qu'importe".

L'observant de loin, il la suivit jusqu'au marché. Lorsqu'il l'avait vue la première fois, une brise légère balayait ses cheveux dont les magnifiques reflets dorés se fondaient dans les rayons du soleil couchant . Ce n'était pas la plus belle femme qu'il avait vue. Pourtant, il y avait quelque chose ... Ce visage, ces yeux dont émanait une tendresse qui lui était encore inconnue , la façon dont elle passait une main fugace dans ses cheveux, sa démarche légère comme une plume, tout ceci avait fait qu'il n'avait pû détourner son regard, qu'il n'avait pû se contenter de passer son chemin. Il l'avait observée jour après jour, sans qu'elle le remarquât. Jour après jour, il avait appris à connaître chaque trait de son visage d'ange. Sans qu'il en sut la raison, ce jour-là fut différent des précédents, il voulait voir au-delà de cette apparition désormais si familière.

- Je vais aussi vous prendre quelques tomates, signifia t-elle à la vendeuse en lui souriant chaleureusement.

Après l'avoir remerciée, les bras chargés, elle reprit la route.

- Des bras si frêles, fit une voix derrière elle. Je pense qu'un peu d'aide serait la bienvenue.

Elle se retourna. Clignant des yeux, elle ne le vit pas de suite, son visage était à contre-jour. Regardant plus attentivement, elle le découvrit. Son sac lui glissa des mains, ses achats s'éparpillèrent sur le sol.

- Je ... Non merci , répondit-elle en baissant les yeux, affolée. Mais c'est très aimable à vous de proposer.

Elle se baissa pour ramasser ce qu'elle venait de faire tomber, honteuse, sentant ses joues s'empourprer. Il entreprit de l'aider et fit de même , et alors qu'elle tournait la tête dans sa direction pour protester, leurs visages furent si proches qu'ils se touchèrent presque. Elle la voyait plus nettement à présent, la couleur des ses yeux.
D'un gris aussi clair qu'une brume matinale, rehaussés de longs cils ébénes, ils plongeaient en elle . Happée, elle avait oublié qu'elle se trouvait au beau milieu de la rue pavée, aveugle aux regards curieux des passants qui se posaient sur elle et ce sublime inconnu. Brusquement, son sang se glaça. Ces yeux... Elle avait déjà croisé un regard aussi irréel, il y avait de cela bien longtemps. Cet homme n'était pas humain. Oubliant ses courses, elle se releva d'un bond, prête à s'enfuir. Plus vif qu'elle, il la retint par le bras . Eperdue, elle se tourna vers lui, tentant de se débattre . L'odeur subtile du parfum de la jeune femme emportée par le vent lui arriva dans les narines, il en huma toute la délicatesse.

- N'ayez pas peur de moi , murmura t-il alors en la regardant avec une telle douceur qu'elle sentit ses forces l'abandonner.

Le vampire aux cheveux de jais était d'une beauté à couper le souffle, mais par delà cette apparence magnifique, elle percevait dans ses yeux la beauté de son âme, la beauté de l'âme d'un monstre.

- Mais qui êtes-vous? finit-elle par dire d'une voix à peine audible.

Il lui sourit. Yori vit la lumière pour la première fois.






Après avoir descendu les escaliers, les deux hommes arpentaient en silence les sombres couloirs du passage souterrain. Ils s'arrêtèrent devant une immense porte ancienne . Aoi Chisato frappa . Une voix de l'intérieur les invita à entrer. Aoi poussa la porte et laissa passer son Maître.

- Heu! Je suis navré de vous déranger... fit le Président de l'Ordre à l'adresse du couple qui se trouvait dans la pièce.

Ryuu était installé dans le grand fauteuil disposé au fond de la pièce. La femme, Zenako, était assise sur lui , le dos tourné aux arrivants. Les bras enroulés autour du cou de son amant, elle buvait abondamment à sa veine tandis qu'il lui caressait les reins, la main glissée sous son chemisier. Ils prirent leur temps pour s'arracher à leur activité, semblant peu se soucier de la venue d'Hotohori et de son homme de main qui ne parlait jamais. Zenako poussa un soupir irrité, un peu comme si quelqu'un venait de lui voler son dessert. Les amants se tournèrent vers les visiteurs, sans prendre la peine de se lever ni de les saluer, ils restèrent collés l'un à l'autre, le même sourire narquois animant leurs visages pâles.

- Monsieur le Président, railla Ryuu, quelle surprise! Que nous vaut ce grand honneur?

- Ma visite est dictée par la simple curiosité, rétorqua Hotohori. Je voulais savoir où nous en étions de nos projets particuliers.

Ryuu se libéra des bras de Zenako et se leva. Le vampire aux longs cheveux dorés avait l'allure d'une rock star, et portait des boucles d'oreille peu discrets . Il se dirigea vers l'un des quatre cercueils scellés alignés au centre de la pièce. S'arrêtant devant l'un d'eux , il caressa du bout des doigts l'étrange objet de forme ronde qui le surplombait. On aurait dit une sorte de médaillon. Il sourit et se tourna vers les deux hommes.

- Le Maître sera de retour très bientôt, dit-il d'une voix cynique. Il nous manque encore du sang de Yushens pour que le processus soit complet. Lui seul peut les trouver. Après tant d'années, nous touchons presque à notre but.

Hotohori se sentit soudain nauséeux à l'évocation des Yushens, des créatures dont il aurait voulu entériner à jamais le nom dans les abysses .

- Je dois dire, fit le Président de l'Ordre en se ressaisissant, que vous faîtes de l'excellent travail. Les Level E envahissent la ville , les hunters vont bientôt être dépassés par les évènènements.

- Certes, intervint brusquement Zenako en se levant à son tour , se dirigeant vers Hotohori et s'arrêtant seulement à quelques pas de lui. Elle le fixa avec dédain.

- Mais qu'en est-il de vous? continua t-elle d'un air mauvais. L'acajou flamboyant de ses cheveux courts rehaussait le noir onyx de ses yeux. Elle était dangeureuse. Malgré sa petite taille, ce vampire de sang pur tout comme son compagnon , imposait le respect.

- Que voulez-vous dire ? répliqua Hotohori, s'évertuant à rester impassible.

Il entendit Ryuu éclater de rire derrière Zenako. Il avait repris place dans son fauteuil et observait la scène avec amusement comme s'il était le spectateur d'une comédie burlesque.

- Ce que je veux dire... répondit Zenako, voyons voir... Nous pensions que vous aviez pour tâche de faire en sorte que ce cher Taka Tsuruga ne recrute plus de hunters, c'est bien à ça que devait servir ce traité , non ? Lui faire croire que les vampires intègres comme vous mon cher sont désormais leurs alliés pour combattre les Level E. Or, on a appris avec étonnement que six nouveaux chasseurs sont venus renfloués leurs effectifs.

Zenako s'avança encore d'un pas. Des gouttes de sueur commençaient à perler sur le front d'Hotohori.

- Dont un qui me gêne particulièrement. Cette fille, Mio Seburi, est la descendante d'une famille de chasseurs de renom, tout comme ce Zero Kyriu d'ailleurs, ajouta t-elle avec dégoût. Comme si on n'avait pas déjà assez à faire avec lui.

- Ni cette fille ni Kyriu ne pourront compromettre nos plans, je peux vous l'assurer, répondit Hotohori avec déférence. De toute façon, ils ne seront bientôt plus de taille contre ce qui va leur arriver. Je tiens Taka Tsuruga dans la paume de ma main, il se rangera à mes bons conseils, je m'engage à faire en sorte qu'il ne trouve plus utile de recruter d'autres chasseurs à l'avenir.

- Et qu'en est-il de Kaname Kuran? intervint alors Ryuu du fond de la pièce. Je doute qu'il ait apprécié les "amis" que vous lui avez envoyés la dernière fois, mais on vous avait prévenu que cela ne servait à rien , d'autant que de simples vampires ne peuvent rien contre lui, vous le savez parfaitement. Alors , cher Président , que comptez-vous faire à présent?

Hotohori grimaça.

- Il ira rejoindre ses parents, si je peux les appeler de cette façon, ce n'est qu'une question de temps. Je le provoque, mais je ne le sousestime pas pour autant. Il sait que notre ami est bien en vie, il doit attendre qu'il se manifeste. Il va très certainement peaufiner un plan pour se débarasser définitivement de lui, mais il est loin de se douter de ce qu'on lui prépare. Son pseudo règne doit prendre fin , en même temps qu'une nouvelle ère commencera.

- Kaname Kuran ne peut rien contre lui, rétorqua Zenako , tournant le dos à Hotohori et rejoignant son compagnon.

Elle se blottie contre Ryuu .

- Maintenant, veuillez-nous laisser, fit-elle en toisant Hotohori comme s'il s'agissait d'un insecte répugnant.
Le Maître vous verra à son retour, nous ne manquerons pas de l'informer de votre visite.

Sans attendre de réponse, elle se jeta sur la bouche de son fougueux amant qui déboutonnait déjà avec empressement son chemisier. Zenako se colla à lui sans auncune gêne et ses mains plongèrent dans son jean. Hotohori et même l'imperturbable Aoi, étaient captivés par cette scène d'exhibition, mais ils quittèrent la pièce en silence, les laissant à leurs fièvreux ébats.






- Entre, fit Kaname .

La porte de sa chambre s'ouvrit sur Aya. Resplendissante, elle portait une jupe longue écarlate à la mode gitane, et un bustier noir brodé de fines roses rouges. Ses longs cheveux blonds étaient retenus des deux côtés par des barrettes dorées. De longues gouttes serties de rubis flamboyants ornaient ses oreilles. Ses intentions étaient évidentes, le faire succomber. Elle s'installa auprès de lui sur le sofa, lui présenta ses excuses pour cette visite surprise.

- Comme je te sais très pris, je me suis dit que tu n'aurais sans doute pas le temps de me rendre visite, alors j'ai décidé de venir moi-même.

- Et moi qui pensait que Shina aurait été jusqu'à t'attacher si elle savait que tu venais ici , fit Kaname d'un ton sans chaleur.

Il était tourné vers elle , l'observant avec une insistance qui aurait pû être mal interprétée , un bras posé nonchalemment sur le dossier du sofa, tandis qu'il se tenait la joue d'une main.

- Oh ! Ma chère soeur a du tempérament , c'est certain, répliqua t-elle, le coeur battant sous son regard.

Confiante, elle vint se blottir contre lui , et de prime abord , il n'opposa aucune résistance. Elle respirait l'odeur de son torse, son parfum était encore plus envoûtant que dans son souvenir, enflammait encore plus intensément tous ses sens à présent en éveil. Enfin elle le retrouvait. Relevant la tête, elle prit le chemin qui menait à ses lèvres, désirant en apprécier toute la saveur, mais alors qu'elle était tout près de sa gorge, elle fut prise de l'irrésistible envie de s'abreuver de lui, elle voulait connaître son goût, elle avait ressenti ce douloureux manque lorsqu'il l'avait aimée et n'aspirait à présent qu'à le combler. Elle huma sa veine. Enivrée, elle s'apprêtait à la transpercer de ses crocs acérés lorsqu'il la retint solidement par le bras. Levant les yeux vers lui, elle fut horrifiée par le regard qu'il posait sur elle. Nulle colère, nul mépris, juste cette froideur plus tranchante qu'un vent glacé d'un rude hiver.

- Qu'est-ce que tu avais l'intention de faire? lui demanda t-il.

Elle baissa les yeux et alors même qu'elle aurait dû s'éloigner de lui, elle n'en fit rien. Posant sa tête contre sa poitrine, elle marqua un long silence avant de lui répondre d'un ton serein.

- Il n'y a que ton sang auquel je ne peux pas résister, tu le sais parfaitement.

- Alors je crains que je ne puisse rien faire pour toi, répondit-il avec une cruelle indifférence. Je sais que je t'ai pris ton sang, je ne sais pas ce qui m'est passé par la tête et je m'en excuse. Mais malgré ça, je ne suis pas disposé à t'offrir le mien, tu devras t'y faire.

Aya était une femme qui savait composer avec les évènements. Elle ne voulut pas lui montrer que face à lui, elle devenait faible, que face à lui, elle était pareille à toutes les autres, une proie, à sa merci.

- Peut-être que je n'aurai pas à m'y faire très longtemps, fit-elle souriante, en quittant ses bras. Je sais faire preuve de patience Kaname, et seuls les fous ne changent jamais d'avis.

- Si tu le dis, rétorqua t-il.

Elle se servit une tasse de thé.

- Tu sais, à part le fait que j'ai une envie féroce que tu me prennes là tout de suite, je m'inquiète pour toi.

Kaname l'interrogea du regard.

- En définitive, l'Ordre n'a pas l'air d'avoir de bonnes intentions à ton égard. Hotohori reste évasif, mais je me suis demandée pourquoi il était si accroché à moi ces derniers temps, après tout lui et moi n'avons jamais été très proches.

- Peut-être encore un de tes amoureux transis, ce ne serait pas le premier ni le dernier, fit Kaname en soupirant.

- Arrête ça tu veux , répondit-elle avec rudesse en fronçant les sourcils. Je pense qu'il a quelque chose derrière la tête, il veut peut-être se servir de moi pour t'atteindre ou quelque chose de ce genre...

Kaname se rapprocha brusquement d'elle et planta ses prunelles fauves dans les siennes.

- Et qui me dit que tu n'es pas sa complice ? Peut-être nourris tu les mêmes desseins que lui, je me trompe?

Aya frissonna.

- Comment peux-tu penser une chose pareille? fit t-elle. Lis dans mes yeux, me crois-tu capable de te trahir Kaname?

Il s'éxecuta. Plongeant plus intensément en elle, il partit à la quête de réponses. Après ce long dialogue muet, il se redressa et se leva pour aller à la fenêtre.

- Rido n'est pas mort, lâcha t-il soudain. On a jamais pû le retrouver mais pendant toutes ces années j'ai toujours ressenti sa présence. Quand je me suis absenté pendant un mois il y a quatre ans , et qu'à mon retour j'ai appris le décès de Yuki Cross, j'ai tout de suite sû que c'était son oeuvre. Il détestait Kaien, il a voulu lui prendre ce qu'il avait de plus cher comme il l'avait fait des années auparavant avec moi.

Aya sursauta.

- Est-ce que Kaien Cross le sait? s'enquit-elle.

- Nous parlons de Kaien Cross, répondit-il lui tournant toujours le dos. Bien sûr qu'il le sait.

Il serra les poings .

- Et malgré tout, il continue à croire que l'Ordre est contre Rido. Même un surhomme peut souffrir de terribles faiblesses. Quelle ironie.

- Kaien Cross a toujours été un idéaliste, répondit Aya. Je suppose qu'il ne veut pas voir son beau rêve s'écrouler . Il te croit fou n'est-ce pas?

Kaname se retourna vers elle.

- En effet, répliqua t-il en croisant les bras. Mais il va au devant de surprises pour le moins désagréables. Je ressens de plus en plus la présence de ce monstre. Dans l'ombre, il se prépare à la riposte, à la guerre.

- La guerre?

- Il n'a soif que de vengeance, il n'a pas pû avoir ma mère , il a toujours voulu être à la tête du clan Kuran, il n'a pas pû m'exterminer, il a été considéré comme un paria par une grande majorité des Sang Purs, la folie l'a emporté il y a bien trop longtemps. Lorsqu'il réapparaîtra au grand jour, il ne se contentera pas d'appliquer les bonnes vieiles méthodes.

- Que veux tu dire?

- Je ne sais pas, répondit-il . Mais je dois trouver un moyen de l'envoyer dans les ténèbres avant que le pire ne se produise, même si pour ça , je devrais partir en enfer avec lui. Quoiqu'il m'en coûte, j'en finirai une fois pour toute.

Les yeux de Kaname se mirent à rougeoyer. Lui aussi avait soif de vengeance. Jouer à cache-cache avec l'ennemi n'était pas son activité fétiche.

- Kaname, tu crois que l'Ordre veut ta mort, comme Rido? demanda Aya en se levant et s'approchant de lui.

Pour toute réponse, il eut un rire cynique.

- Les Ushikudo ont toujours détesté les Kuran, continua Aya pensive, ça doit être ça la raison.

- Je ne pense pas que ce soit là la seule motivation d'Hotohori, répliqua le prince de Sang Pur. Il doit y avoir autre chose. Et il y a ce traité avec le Conseil des Chasseurs qui a surgi de nulle part. Hotohori n'a jamais été un pacifiste, et tout à coup il devient l'allié de Taka Tsuruga.

Chaque fois qu'il pensait à cet homme, le vampire n'arrivait pas à contenir la rage qui bouillonnait à l'intérieur de lui. De tout son être, il n'aspirait qu'à réduire en miettes l'homme qui avait osé traité Yui avec cette cruauté sans nom. Il avait décidé que Yui ne ferait pas partie de sa vie, il avait décidé qu'il ne garderait d'elle que ces souvenirs des instants partagés et bénis même s'ils avaient été trop courts, même si cela n'avait été qu'une parenthèse. Yui... la plus belle parenthèse de sa vie de vampire. Elle lui avait montré le bonheur, et même si une créature damnée telle que lui n'y avait pas droit, il était heureux d'avoir pû l'apercevoir au moins une fois dans toute son éternité. Pourtant, sa haine envers Taka Tsuruga ne cessait de s'amplifier, seconde après seconde, et tout comme Hotohori Ushikudo, il voulait le tuer de ses propres mains. La voix fluette d'Aya l'arracha à ses pensées funestes.

- Dis moi une chose.Si tu sais que l'Ordre est de mèche avec Rido et s'est rendu complice du meurtre de tes parents, ça m'étonne que tu n'aies encore rien tenté contre eux.

- L'attente peut parfois s'avèrer plus judicieuse que la témérité. Une vengeance contre l'Ordre doit trouver sa justification aux yeux de tous. J'ai dû me faire violence toutes ses années, mais je sais que le moment viendra.

Aya lui sourit .

- Si tu me dis tout ça, alors c'est que tu as trouvé la réponse que tu cherchais, dit-elle d'un ton léger. Je ne suis pas ton ennemie. Pour tout te dire, mon souhait serait de n'être l'ennemie de personne. Je te l'accorde, ce que je fais peut être apparenté à de la politique. J'essaie tant bien que mal de maintenir un équilibre, de rester en terrain neutre, pourtant....

Elle ne termina pas sa phrase. Les pensées contradictoires se bousculaient dans sa tête. Au fond d'elle-même, elle avait peur pour Kaname, le futur ne lui avait jamais semblé aussi incertain.

- Fais attention Aya, fit Kaname en lui caressant la joue du revers de la main. Rester en terrain neutre peut finir par irriter certaines susceptibilités. Les politiciens sont des joueurs, et certains joueurs apprécient moyennement quand il y a un intrus au beau mileu du terrain.

Elle prit sa main et y déposa un baiser. Kaname fut soudainement pris d'inquiètude pour elle. Il ne partageait pas ses sentiments, aucune chaleur ne l'envahissait quand il était auprès d'elle, alors qu'un simple regard de Yui le réduisait au silence. Cependant, il ne la détestait pas. D'ailleurs il ne l'avait jamais détestée, même s'il ne s'était jamais montré expressif à son égard. A ses yeux, elle avait toujours été comme toutes ces femmes sans intérêt qui briguaient ses faveurs sans même le connaître. Mais il avait eu tort. Aya était une femme éclairée sous cette apparence superficielle. Peut-être éprouvait-il inconsciemment de la culpabilité pour ce qu'il avait fait le soir du bal, ou encore à cause de son indifférence envers la jeune femme, peut-être était-ce pour toutes ces raisons que sans réfléchir, il la prit dans ses bras et lui offrit un baiser. Ce n'était pas cette bouche qu'il désirait, ce n'était pas cette femme qu'il voulait tenir dans ses bras, pourtant ses lèvres épousèrent les siennes avec une grande tendresse. Aya ne s'était évidemment pas attendue à un tel rapprochement au vu de son comportement, mais son coeur s'était de nouveau rempli d'espoir, un espoir de fou sans nul doute. Mais qu'importait, il l'enlaçait. Sa langue chaude et douce caressait la sienne, et le temps s'était arrêté.

Elle touchait ses lèvres du bout des doigts en descendant les escaliers, le coeur encore empli de ce baiser qu'ils venaient d'échanger. "Pour le moment, je me contenterai de ce que tu veux bien me donner Kaname", lui avait-elle dit en le quittant, "même si je veux plus, j'attendrai". Elle savait qu'elle avait peut-être tort d'espèrer, mais ils avaient fait l'amour, et depuis cette nuit, elle n'avait qu'une seule certitude, jamais plus elle ne pourrait se passer de lui. Alors qu'elle ouvrait la porte pour sortir, un bruit derrière elle la fit se retourner. Takuma se tenait près des escaliers, appuyé contre la rembarde. Ce regard qu'il posait sur elle, elle ne le connaissait pas. Ses yeux d'ordinaire si pétillants, si doux, étaient vides d'expression. Quoi? Se pouvait-il que ce fut du reproche? Impossible, Takuma ne lui avait jamais rien reproché depuis l'enfance.

- Takuma! s'exclama t-elle avec entrain, je ne savais pas que tu étais là. Je ne t'ai pas vu quand je suis arrivée. Je suis heureuse de te voir.

Elle fit un geste dans sa direction mais il l'arrêta net d'un signe de la main.

- Moi aussi, je suis content de voir, répondit-il d'une voix blanche. Mais tu m'excuseras je dois y aller. Je pars en mission avec Kain ce soir, des level E particulièrement coriaces sévissent actuellement, je dois aller me préparer. Excuse-moi.

Sur ces mots, il monta les escaliers et disparut sans lui adresser un regard.

Une fois à l'extèrieur, Aya respira l'air frais du soir. L'attitude de Takuma l'avait fortement ébranlée. Ce n'était pas celui qu'elle connaissait, il avait sûrement des ennuis. Ils étaient amis depuis bien trop longtemps pour qu'elle l'abandonnât à ses tourments, elle était bien décidée à connaître les raisons de cette étrange attitude. Sur ces réflexions, elle s'engagea dans l'allée. Du deuxième étage, debout près de la fenêtre, Ruka l'observait. Les lumières de sa chambre étaient éteintes, mais ses prunelles luisaient dans la pénombre.
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MessageSujet: Re: PRINCE OF BLOOD   PRINCE OF BLOOD Icon_minitimeJeu 3 Juin - 16:58

CHAPITRE SIXIEME


SONGES, ROMANCES ET MENSONGES



- Un week end ? Après-demain? fit Yui, surprise.

- Oui, répondit Zero, les mains dans les poches. Ca fait un bon moment que je n'ai pas vu mes parents, et puis, ajouta t-il pensif, j'ai besoin de m'éloigner un peu d'ici , même si ce n'est que pour deux jours. J'aimerais beaucoup que tu m'accompagnes.

L'été avait laissé la vedette à l'automne, septembre touchait à sa fin, les fleurs s'endormaient au fil des jours. Zero et Yui s'étaient vus la plupart du temps dans le jardin de Kyra. Elle s'y sentait en paix, Zero en appréciait également toute la sereinité. Le chasseur prévenait rarement lorqu'il lui rendait visite, il était certain de la trouver sous le kiosque, affairée à ses travaux d'écriture. Yui avait commencé ce livre depuis la mort de sa mère et ne l'avait toujours pas terminé. Elle n'avait aucune intention de le publier, c'était juste un hommage à Kyra, une déclaration d'amour complète , une porte ouverte sur son coeur blessé, dont elle ne voulait négliger aucun détail. Elle avait promis à Zero qu'elle le lui ferait lire, une fois achevé.

- Je ne sais pas si c'est une bonne idée, dit-elle à voix basse, en s' arrêtant près d'un rosier qui résistait encore au vent d'automne.

Zero éclata de rire.

- Qu'est-ce qu'il y a de drôle? fit-elle, vexée, en se tournant vers lui.

- Yui, Yui, Yui, soupira t-il en posant une main sur son front.

Il repartit de plus belle dans un rire convulsif. Yui le regarda un instant, médusée, puis lui tourna le dos, furieuse. Il réussit enfin à se calmer.

- Allons, ne sois pas fâchée, lui dit-il, taquin.

Elle ne bougea pas. Il se rapprocha d'elle et la prenant par la taille, la serra contre lui. Elle n'eut guère le loisir de protester, tant ce geste était inattendu de sa part. En effet, durant les dernières semaines, Zero avait toujours gardé une distance entre eux, il n'avait fait aucune tentative de rapprochement, et cela avait parfaitement convenu à la jeune femme, tant elle redoutait un contact avec un homme autre que celui qui hantait inlassablement chaque seconde de sa vie. Ce fut pourquoi, l'étreinte de Zero était parfaitement inopinée. Il posa sa tête sur l'épaule de Yui et ferma les yeux. Il s'imprégnait de la senteur de ses cheveux. Depuis le soir du bal , lorqu'il l'avait prise dans ses bras pour la consoler, il n'avait jamais osé se rapprocher d'elle, et n'avait pû apprécier de nouveau cette douce chaleur qui se dégageait d'elle. Il n'en connaissait pas la raison, mais la compagnie de Yui lui apportait cette paix qu'il avait depuis longtemps perdue, et les instants partagés avec elle, même silencieux, n'avaient pas de prix. L'idée de se libérer de l'étau de ses bras traversa l'esprit de la jeune femme, mais elle n'en fit rien. Contre lui, elle se sentit soudain à comme à l'abri, bien au chaud. Elle ne rejeta pas cette sensation.

- Tu ne penses tout de même pas que je vais abuser de ton corps, une fois à ma merci chez mes parents, n'est-ce pas? s'enquit-il moqueur, paupières closes.

- Quoi! s'exclama Yui qui se dégagea brusquement de lui.

Elle se tourna vers lui, ses prunelles violettes la fixaient avec amusement, un sourire provoquant se dessinait sur ses lèvres.

- Du calme Yui ! railla t-il. Tu devrais sérieusement revoir ton sens de l'humour !

- Et toi tu devrais le revoir à la baisse, rétorqua t-elle en fronçant les sourcils. Tu prends toujours tout à la légère, tu m'agaçes.

- Ah? Je n'ai pourtant pas l'impression que ma compagnie te soit aussi insupportable, répondit-il cette fois avec sérieux.

Elle ne répondit pas, fixant distraitement les fleurs qui étaient les plus proches d'elle.

- Ecoute, ce que je voulais dire c'est que je ne te propose pas ce petit voyage dans un but malintentionné, continua t-il. Je pense que ça te ferait du bien de t'éloigner de cet endroit. Mes parents seront heureux de faire une nouvelle rencontre, et ne t'en fais pas je ne compte pas te présenter en tant que "fiancée", mais en tant qu'amie.

Elle se tourna vers lui, ses yeux ne mentaient pas.

- Et, ajouta t-il, tu ne crains absolument rien, je ne compte pas t'assomer et t'obliger à passer une nuit de torture sexuelle dans ma chambre.

- Hum! fit-elle en haussant les épaules et tournant la tête feignant la suspicion.

- Mes parents vivent en pleine campagne, tout y est paisible, murmura t-il le regard se perdant soudainement dans le vague, comme s'il se rémémorait de précieux souvenirs.

Yui le regarda. Depuis qu'elle le connaissait, elle n'avait jamais vu son visage animé d'une telle nostalgie. Zero devait vraiment beaucoup aimé sa famille. Remarquant qu'elle l'observait avec insistance, il sourit.

- Je ne sais pas si tu aimes les chevaux, mais si c'est le cas, je me ferai un plaisir de t'accompagner pour une balade dans nos superbes plaines. Mais ne te méprends pas hein, ajouta-il en retrouvant son sarcasme si familier, ça ne fait pas de moi un de ces pitoyables romantiques!

Yui finit par sourire, vaincue.

- Allons demander à mon père, fit-elle en passant près de lui, se dirigeant d'un pas décidé vers la grande demeure.




- Ma belle, que penses-tu d'inviter Zero et Yui à dîner ? demanda Kaito à Yori, alors que cette dernière était plongée dans un livre , assise sur la terrasse.

Elle sembla ne pas l'avoir entendu.

- Yori?

- Hein? sursauta t-elle. Excuse-moi, tu disais?

Kaito posa le journal qu'il tenait à la main sur la table et la regarda avec attention.

- Est-ce que tu es sûre que ça va ?

- Pourquoi ça n'irait pas? répondit-elle en haussant les épaules d'un air indifférent.

- Je ne sais pas. Je te trouve un peu ailleurs ces temps-ci. Et puis, cette décision d'arrêter l'université... je ne m'y attendais pas, je pensais que tu t'y plaisais. Et maintenant tu as l'air un peu triste depuis que tu étudies ici.

- Ca t'ennuie tant que ça que je reste à la maison? lui demanda t-elle en se forçant à sourire.

Il se leva, contourna la petite table et vint la prendre dans ses bras. Yori se laissa aller contre son torse et ferma les yeux.

- Je n'aime pas te voir triste, c'est tout, murmura t-il. Mais c'est peut-être du surmenage?

Yori sentit les larmes lui monter au yeux, mais les retint de justesse.

- A propos de ça , je voulais te parler de quelque chose, dit-elle d'un ton calme.

Il s'accroupit pour être à sa hauteur et la fixa avec tendresse. Elle sentit une onde de culpablité l'envahir, alors qu'elle n'avait pas failli à ses engagements, alors qu'elle n'avait encore rien commis de répréhensible, mais ce qu'elle s'apprêtait à faire risquait de bouleverser à jamais la paix tranquille que lui offrait Kaito depuis maintenant deux ans. Néanmoins, elle ne pouvait prétendre aller à l'encontre de ses désirs. Elle avait essayé en vain d'oublier sa rencontre avec lui, les jours qui avaient suivi et au cours desquels elle avait tenté désespérement de l'eviter. Il s'était pourtant montré très courtois, se contentant de faire un bout de chemin avec elle, tout en observant le silence, comme s'il avait perçu que parler aurait perturbé la jeune femme plus qu'il ne le voulait. Elle ne savait rien de lui, ils n'avaient échangé aucun mot, depuis le jour fatal où elle avait croisé ses yeux. Cela avait accentué le côté irréel de cette rencontre. Pourtant, il y avait deux semaines, elle s'était adressée à lui pour la première fois, lui annonçant qu'il ne la verrait plus, que le jour suivant allait être son dernier à la faculté , préfèrant désormais continuer ses cours par correspondance. Un éclair de tristesse était passé dans ses magnifiques yeux gris qui l'avaient fixée pendant une éternité, et il l'avait quittée sans un mot. Le lendemain il l'avait attendue de nouveau. Le coeur de Yori s'était remis à battre à tout rompre car elle avait pensé ne jamais le revoir. Mais contre toute attente, il ne l'avait pas accompagnée ce jour-là, se contentant de lui glisser dans la main un papier soigneusement plié . Elle avait frissonné de tout son être au contact de ses doigts furtifs sur sa peau. Il était alors reparti après lui avoir souri, majestueux, sublime, tout comme ce premier jour où le sort l'avait mis sur sa route. Il n'y avait pas grand chose d'écrit sur cette lettre, mais le peu qui y était inscrit avait signé son arrêt de mort. Durant deux semaines, elle avait tenté de le sortir de sa tête, mais plus le fameux jour approchait, plus elle en perdait le sommeil, hantée par ce regard gris qui l'appelait de toutes ses forces.

- J'aimerais rendre visite à Ayano ce week end, lâcha t-elle. Tu sais, c'est l'amie de l'université dont je t'avais déjà parlé. Elle m'a invitée à passer la soirée de samedi chez elle. Mais, ajouta t-elle en baissant les yeux pour cacher son trouble, si ça t'ennuie, je lui dirai que je ne peux pas.

Kaito lui sourit, déposa un baiser sur son front et décréta que cela lui ferait sûrement du bien. Un profond sentiment de dégoût envers elle-même l'envahit et lui donna la nausée.




- Ruka, est-ce que je peux entrer? Ouvre moi s'il te plaît, demanda la voix de Rima sur le pas de la porte.

Ruka resta un long moment sans répondre, puis Rima entendit une clef tourner et la porte s'ouvrit . Rima dut faire un gros effort pour rester impassible face à cette Ruka qui se tenait devant elle. Ses yeux étaient livides et creusés, ses longs cheveux d'ordinaire si beaux et soyeux étaient ternes et semblaient avoir urgemment besoin d'un lavage, elle était vêtue d'une robe de chambre grise qui n'avait rien de féminin. Visiblement, il était temps qu'on lui vint en aide.

- Qu'est-ce que tu veux? lui demanda t-elle d'un ton peu amène.

Rima sourit .

- Merci de ton accueil, répondit-elle. J'entre et on parle.

Sans attendre d'approbation, elle pénétra dans la chambre de Ruka qui claqua la porte derrière elle. L'audace de Rima n'était visiblement pas à son goût. Rima analysa la pièce de long en large. Le lit était défait, des vêtements étaient éparpillés ça et là, il y avait même les débris d'un verre cassé qui traînaient sur le sol près du lit. La désagréable odeur de renfermé la fit grimacer.

- Mais qu'est-ce que c'est que ça! s'exclama t-elle en se tournant vers Ruka qui était restée appuyée contre la porte bras croisés.

- Qu'est-ce que ça peut te faire ? fit-elle, hostile. Sors de ma chambre.

- Ecoute, répliqua l'intéressée en s'asseyant sur le rebord du lit. Ca fait des semaines que tu nous évites, ça ne peut plus durer. Je ne sortirai pas d'ici tant que tu ne m'auras pas expliqué tout ce bazar.

Elle soupira avant de continuer.

- Mais enfin, qu'est-ce qui te prend? Je sais que tout ça , c'est à cause de Kaname, mais...

A ces mots, Ruka se dirigea droit vers elle et la releva du lit en lui tirant les bras avec force.

- Sors d'ici, tu m'entends! Ce qui se passe avec Kaname, ce ne sont pas tes affaires!!!

Rima se débattit, elle ne manquait pas de poigne, elle prit le dessus sur Ruka qu'elle renversa sur le lit . Elle lui tint solidement les deux poignets et se pencha vers elle.

- Il ne se passe RIEN avec Kaname , Ruka! rugit-elle, le regard froid comme la pierre. Et il ne se passera jamais rien! Bon sang , quand vas-tu te rendre compte une fois pour toutes?!

Ruka détourna son regard.

- Regarde moi Ruka!

- Non, murmura t-elle , les larmes aux yeux.

Rima lui prit le visage et l'obligea à lui faire face.

- Pourquoi tu continues? lui demanda t-elle avec plus de douceur.

- Parce que... répondit faiblement Ruka alors que l'eau salée roulait sur ses joues.

- Parce que quoi?! s'énerva de nouveau Rima .

- Parce que je l'aime! s'écria t-elle , la voix se brisant dans sa gorge.

Rima lui relâcha les poignets. Ruka ne bougea pas.

- Oui, murmura t-elle, je l'aime. Tout ce que je désire, c'est d'être avec lui.

Rima soupira.

- Arrête de te voiler la face Ruka, lui dit-elle avec lassitude. Kaname ne partage pas tes sentiments, il te voit comme une amie, ça s'arrête là. Nous sommes revenus ici pour l'aider, je pensais que c'était clair pour toi. Ne perds pas de vue la raison de notre présence ici. Kaname ne dit rien mais que doit-il penser de toi? Il ne tardra pas à te demander des explications. Tout ça, ça ne te ressemble pas. Regarde dans quel état tu es. Où est ta fierté?

Ruka la poussa sans ménagement et se leva.

- Tais-toi ! Tais-toi! pesta t-elle , secouant la tête et se prenant le visage dans les mains.

Rima s'était levée. Un tel désespoir. Peut-être s'y était-elle mal prise avec elle.

- Ruka... commença t-elle avec douceur en posant délicatement une main sur son épaule, que Ruka retira avec violence.

- Ne me touche pas! s'écria t-elle. Tu peux parler toi, continua t-elle d'une voix grave, le visage toujours enfoui dans ses mains. Tu as Shiki, moi je n'ai rien.

- Il y a des gens qui t'aiment Ruka, finit par répondre son amie. Pense à Kain.

- J'en ai rien à faire de Kain! coupa t-elle. Kaname est le seul que je veux.

Rima vit qu'elle n'obtiendrait rien de plus pour le moment. Il était inutile de vouloir lui faire entendre raison. Elle décida qu'elle reviendrait plus tard, espèrant que ses paroles parviendraient à la toucher.
Elle se dirigea vers la porte et se retourna avant de sortir. Ruka était près de la fenêtre, les yeux perdus au dehors.

- Ne crois pas que tu vas te débarasser de moi aussi facilement, dit-elle. Personne ici ne te laissera tomber.
Et au fait, demain tu auras de la visite. Shina Takimora a appelé pour prendre de tes nouvelles, elle va venir te voir.

Elle ouvrit la porte et sortit. Ruka fronça les sourcils. Que pouvait bien lui vouloir cette femme?

Lorsque Rima revint dans le salon, tous s'y trouvaient, même Kaname. Cela étant, le Sang Pur était à l'écart des autres, planté près de la baie vitrée, bras croisés. L'expression du visage de Rima ne laissait nulle place aux doutes. Sa tentative pour ramener Ruka à la vie avait échoué. Au fond de lui, Kain était anéanti, il ne savait plus quoi faire pour l'aider, mais il n'en laissait rien paraître. Se tournant vers Kaname, il se demandait si ce dernier allait réagir, pourtant , Kain ne le détestait pas pour autant. Kaname, quant à lui, éprouvait une certaine culpabilité. Ce qui s'était passé la fois dernière dans sa chambre n'aurait jamais dû être, il avait pensé qu'il aurait été déplacé d'aller la voir , mais décida qu'il irait lui parler bientôt.


Le lendemain, Shina arriva au manoir Kuran. La bonne éducation de Kaname fit qu'il vint la saluer, mais elle ne lui prêta guère d'attention, se contentant de s'incliner poliment et lui demander la permission de se rendre dans les appartements de Ruka, en le gratifiant au passage de ce regard haineux qu'il ne lui connaissait que trop. Il n'omit aucune objection. Shina frappa à la porte de Ruka. Cette dernière avait été prévenue de son arrivée et la fit entrer. Rien n'avait changé depuis que Rima était venue la sermonner la veille. Sa chambre était dans le même état, et la même chose s'appliquait à elle.

- Qu'est-ce que vous me voulez? lâcha t-elle d'un ton lugubre sans prendre la peine de la saluer.

Le visage de Shina s'illumina d'un sourire cynique.

- Eh bien, que voilà une bien étrange manière d'accueillir une invitée.

- Je ne me souviens pas vous avoir invitée, maugréa Ruka.

- J'ai appelé très souvent , on m'a dit que vous étiez souffrante.

- Je vais bien, retournez donc auprès de votre chère soeur.

- Je vois... fit Shina en s'approchant lentement de la jeune femme.

S'arrêtant tout près d'elle, Ruka sursauta lorsqu'elle la prit par les épaules et l'attira vers elle. Shina se pencha et vint coller sa bouche à son oreille.

- Je vous l'ai déjà dit, sussura t-elle, j'apprécie autant que vous cette relation. Voir ma soeur se fourvoyer en venant ici aussi régulièrement m'en a fait perdre le sommeil. Vous êtes dans un état pitoyable ma chère. Il vous a encore rejetée n'est-ce pas? Il ne vous voit même pas, il se joue de vous, comme il l'a toujours fait. Ne pensez-vous pas qu'il est plus que temps de vous réveiller? Comment pouvez-vous le laisser vous traiter ainsi? Vous êtes la seule avec qui il doit être, vous qui n'avez toujours aimé que lui. Ne laissez personne vous le prendre.

Elle posa son front sur celui de Ruka qui était comme hypnotisée et buvait ses paroles. Shina la fixa longuement, et c'est alors que ses lèvres se posèrent sur les siennes. Ruka, prise au dépourvue, n'eut pas le temps de repousser son baiser. Sa bouche exerçait une telle pression sur la sienne qu'elle fut réduite au silence. Par elle ne savait quelle magie obscure, elle se mit à apprécier ce baiser de la honte, peut-être était-ce parce que personne ne l'avait encore embrassée auparavant. Shina la sentit moins rigide, elle jubila intérieurement. Libérant la bouche de la jeune femme, elle la prit par la main, la mena vers le lit et l'y étendit avant de se pencher sur elle.

- Tu es si belle Ruka, murmura t-elle en lui caressant les cheveux. Je veux que tu prennes conscience que tu es une femme.

Ruka ouvrit la bouche pour parler mais Shina posa un doigt sur ses lèvres.

- Chut... laisse-moi faire.

Elle glissa une main sous sa robe, et au contact de ses doigts, le corps endormi de Ruka se réveilla.




Le soleil avait daigné faire acte de présence. Cela faisait maintenant une heure que Yui et Zero chevauchaient les fameuses plaines dont il lui avait parlé. Les mots du chasseur n'avaient pas fait honneur à la beauté qui se déployait sous ses yeux émerveillés. Ici, tout était paisible, un endroit préservé loin des tourmentes de la ville et de ses résidents. Au delà de l'étendue verdoyante, elle distinguait une forêt luxuriante qu'elle avait grande hâte d'explorer. Zero l'observait, sa beauté se fondait parfaitement dans ce décor.

- Pourquoi tu me regardes comme ça? demanda t-elle, remarquant soudain que ses yeux violets la fixiaient.

- Je me disais juste que tu es une excellente cavalière, fit-il en souriant .

Il détourna les yeux d'elle et fixait à présent un point invisible devant lui. Yui ne put s'empêcher de l'observer à son tour. Le vent frais de septembre glissait dans ses cheveux argentés, qui venaient caresser son beau visage. Sur sa monture, il dégageait une telle grâce et une telle virilité à la fois qu'elle en fut troublée.

- Mes parents ont l'air de beaucoup t'apprécier, dit-il d'un ton tranquille.

- Ah? s'étonna t-elle. Tu crois? Tu ne penses pas que tu vas un peu vite en besogne?

Il éclata de rire.

- Non, je t'assure. Je les connais bien. Je suis sûre que ma chère mère rêverait d'avoir une belle fille comme toi.

- Zero!

- Quoi ? Je n'ai pas dit que moi je rêverais d'avoir une épouse comme toi ! railla t-il.

- Imbécile ! pesta t-elle. On va voir ce que tu as dans le ventre. Essaie de me rattraper, Monsieur le Chasseur!

Sur ce, elle donna un coup de pied ferme à son fougueux cheval à la robe noire et partit au galop. Zero sourit. Il aimait les défis, il se lança à sa poursuite. Yui riait aux éclats alors qu'il parvenait à sa hauteur. Ses longs cheveux bruns dansaient avec le vent, Zero ne put s'empêcher de l'admirer. Cela faisait bien longtemps qu'elle ne s'était pas sentie aussi libre et aussi vivante.





Yori arriva devant la porte de la demeure immense de type colonial qui se dressait devant elle. Elle sonna , un majordome la fit entrer, il s'attendait visiblement à sa venue.

- Mademoiselle, fit-il en s'inclinant respectueusement. Bienvenue, je vous conduis à votre chambre.

Yori le suivit. "Ma chambre" se dit-elle, "mais qu'est-ce que je suis en train de faire? Je suis là, à la demande d'un parfait inconnu, qui sait ce qu'il va faire de moi... me dévorer... me tuer... j'ai menti à mon propre mari". Toute à ses pensées, elle notait le luxe indécent de cette maison. Tout y était blanc et lumineux. Le majordome lui ouvrit la porte de la chambre et la fit entrer. Elle était immense et toute blanche elle aussi, une fresque gigantesque qui était l'exacte réplique du jugement dernier vu par Fra Angelico s'étendait au plafond. Allait-elle être jugée elle aussi? Un lit à baldaquin orné de tulles blanches trônait au milieu de la pièce.

- Mademoiselle désire que je lui apporte un rafraîchissement, fit la voix guindée du majordome qui l'extirpa de ses pensées.

- Heu.. non. Je vous remercie, répondit-elle gênée.

- En ce cas, je vais prendre congé.

Il s'éclipsa et referma la porte derrière lui. S'avançant de l'impressionnante couche, Yori se sentit soudainement lasse et s'assit. Elle remarqua alors une grande boîte blanche posée près d'elle . Elle l'ouvrit . La première chose qu'elle vit fut un mot. Dépliant le papier, elle le lut:
"Je serais honoré si vous la portiez ce soir. Je serai là pour le dîner à 20h. Rejoignez-moi sur la terrasse du salon".
Comme sur son premier billet, sur lequel il lui avait indiqué une adresse, une heure, et un jour, il n'était pas très loquace. Et dire qu'elle ne savait même pas son nom. Ecartant les fins papiers qui recouvraient l'étoffe, elle la découvrit. Yori l'étendit de tout son long sur le lit pour mieux la contempler. D'une couleur bleu nuit, le long fourreau en mousseline était parsemé de perles argentées. Un châle assorti complètait cette robe qui était véritablement splendide. Yori n'avait jamais porté une chose aussi belle. Quelque chose brilla et tournant les yeux, elle remarqua qu'il restait quelque chose au fond de la boîte. Regardant de plus près, elle aperçut un collier. Elle ne put retenir un cri lorsqu'elle se rendit compte que le bijou était serti de diamants et de saphirs. A quoi pensait-il donc pour lui offrir de si beaux présents? Elle soupira. Les rayons du soleil pénétraient la chambre immaculée, elle redoutait la nuit qui arrivait.



- Quoi? fit Kaien en reposant brusquement sa tasse. Tu as autorisé Yui à partir en week end avec Zero?

Taka sourit.

- Yui n'est plus une petite fille, répondit-il .

Kaien semblait particulièrement tendu.

- Eh bien, qu'y a t-il? s'enquit Taka.

- Il y a que je ne te comprends pas. Pourquoi tiens-tu tellement à caser Yui avec Zero Kyriu? Tu l'as gardé enfermée comme un chien en laisse et maintenant tu lui choisis son mari !

Taka resta un moment interloqué par l'attitude de son ami. Il ne l'avait jamais vu s'emporter de cette façon.

- C'est pour me faire des reproches que tu es venu me voir? lui demanda t-il d'un ton morne.

- Non, rétorqua Kaien. Je suis venu voir un ami, mais je ne te suis plus. J'aimerais que tu m'expliques.

Un silence de mort s'intalla. Puis Taka se leva pour s'appuyer à la rembarde du balcon, tournant le dos à son ami.

- Zero Kyriu est parfait pour elle, dit-il avec froideur. Il saura la protéger. Puisque j'ai été contraint de lui laisser sa liberté, je ne peux pas la laisser aux mains de la fortune. Ce serait pire que tout ce que j'ai vécu jusqu'à aujourd'hui.

- Ne me dis pas que.... Non, ne me dis pas que tu penses encore à cette prophétie? fit Kaien.

- Pas une prophétie, une malédiction! gronda Taka dont les doigts se crispaient de plus en plus sur la rembarde.

- Ne sois pas ridicule voyons...

- Le nom des Tsuruga a déjà par trop été souillé par cette histoire immonde, coupa Taka. Ma fille n'en fera pas les frais. C'est pourquoi, je n'ai pas de scrupules à lui tracer son propre destin, et de toute façon, elle a l'air de bien s'entendre avec lui, donc je n'ai rien à me reprocher.

- Comment peux-tu dire une chose pareille? s'indigna Kaien. Vois-tu, je doute que Yui l'aime réellement.

- Et après? fit Taka. L'amour vient avec le temps, et s'il ne vient pas, l'estime est suffisant.

- Tu n'es pas lucide mon ami, tu aimais passionnément Kyra. Tu ne souhaites pas que Yui connaisse elle aussi ce sentiment?

- Je me fiche des sentiments, ça fait longtemps que je les ai mis de côté, ils ne m'ont rien appporté de bon. Je veux protéger ce qu'il me reste, à savoir Yui. Les paroles de cette sorcière ne cessent de hanter mes cauchemars, ajouta t-il d'une voix douloureuse.

- En 150 ans, il ne s'est rien passé, preuve que cette soit-disant malédiction ne se réalisera jamais.

- N'en sois pas si sûr, répondit Taka.

Il se retourna vers Kaien et le fixa, le regard sombre.

- Le destin me provoque. Yui s'est entichée d'un Sang Pur... Kaname Kuran.

Kaien écarquilla les yeux, horrifié.

- Qu'est-ce que tu dis?




Il était 20 heures. Yori avait les mains moites. Assise sur le lit, elle n'arrivait pas à calmer le rythme effréné de son coeur. Pourtant, elle ne pouvait rester indéfiniment cachée ici. Il finirait par venir la trouver. Elle aurait voulu s'enfuir, mais il état trop tard à présent. Résignée, elle se leva et sortant de la chambre, descendit les escaliers. Elle pénétra dans le salon, que le majordome lui avait vaguement indiqué à son arrivée. Prise de vertiges, elle ne vit rien de cette pièce, se dirigeant tout droit vers la terrasse dont les portes étaient grandes ouvertes. Elle sortit et un vent frais et doux vint lui rafraîchir le visage. Une table recuverte d'une nappe blanche était dressée. Une odeur exquise s'élevait des mets qui y étaient diposés. Un bouquet de chrysanthèmes ornait le tout . "Mes fleurs préférées", pensa t-elle.

- J'avais peur que vous ne veniez pas, dit-il de sa voix douce.

Le rythme de son coeur s'accéléra de plus belle. Allait-elle tenir dans cet état sans s'évanouir? Elle le chercha des yeux et l'aperçut enfin. Il se tenait à l'autre bout de la terrasse, à moitié dans l'ombre, elle ne l'avait pas vu de suite. Il s'approcha d'elle. Durant ces deux semaines pendant lesquelles elle ne l'avait pas revu, elle s'était efforcée d'oublier son visage. Mais la mémoire est une traîtresse, elle n'avait rien oublié de son superbe regard gris, ni de ses cheveux de jais, ni de sa démarche animale et flottante à la fois, ni de l'extraordinaire attraction que lui provoquait sa proximité. Il portait un costume de la même couleur que ses yeux et une chemise bleue assortie à la robe qu'il lui avait choisie. Une telle beauté ne devait pas exister, ou tout au moins, elle n'était pas sensée la contempler. Il s'arrêta à quelques pas d'elle et l'observa. Ses yeux glissèrent lentement sur le fourreau fendu sur le côté, remontèrent le long de la jambe que dévoilait l'étoffe. Yori se sentit soudain nue devant lui. Honteuse, elle baissa les yeux.

- Ne soyez pas gênée, fit-il comme s'il avait lu dans ses pensées. Vous êtes magnifique.

"Magnifique?" se dit-elle. "Comment? Etait-elle victime d'une farce?" .

Il voulut lui prendre la main, elle recula vivement d'un pas. Il sourit.

- Nous devrions dîner, dit-il .

Ils dînèrent en silence, éclairés par les étoiles et la multitude de lumières qui ornaient les rebords de la terrasse. Le repas était très certainement succulent mais Yori y toucha à peine, tant la situation actuelle lui semblait irréelle. Ren semblait avoir peu d'appétit lui aussi. Peut-être n'était-ce qu'un rêve? Peut-être allait-elle se réveiller dans les bras de Kaito? Car elle ne pouvait croire qu'elle lui avait menti, qu'elle était venue à la rencontre de ce vampire juste parce qu'il le lui avait demandé. De plus, elle ne lui avait pas adressé la parole, évitant perpétuellement de le regarder.

- Ren, lâcha t-il soudain, rompant la magie du silence.

Elle eut un sursaut de surprise. Ses yeux croisèrent les siens.

- Je pense qu'il est plus que temps que je me présente, continua t-il. Je m'appelle Ren.

- Je m'appelle... Yori, répondit-elle à voix basse.

- C'est joli, fit-il en lui souriant. Nous venons de faire un grand pas.

Elle se leva brusquement de table.

- Ca suffit maintenant. Je vous remercie pour cette robe, ce bijou, ce dîner, mais je n'ai pas à être ici.

- Et pourtant, répondit Ren, se levant à son tour et se rapprochant d'elle, vous êtes venue. Pourquoi?

Yori reculait tandis qu'il se rapprochait.

- Je suis mariée, rétorqua t-elle éperdue, je ne sais pas ce qui m'a pris. Mais c'en est assez, je rentre chez moi.

Son dos toucha quelque chose de dur, elle ne pouvait aller plus loin. Ren l'encadra de ses bras, les mains appuyés contre le mur. Ils étaient si proches, elle ne pourrait jamais s'échapper. Mais le voulait-elle vraiment? Ces intenses yeux gris qui fouillaient en elle, qui l'aspiraient toute entière...

- Pourquoi? souffla t-il.

- Parce que... , murmura t-elle, parce que... je voulais vous revoir.

Les larmes lui picotèrent les yeux. Avoir à avouer une telle chose lui fit mal. Oui, plus que tout, elle avait aspiré à le revoir, et avait en vain essayé de se le cacher. Mais elle n'avait pensé qu'à lui depuis qu'elle l'avait rencontré dans cette rue pavée. Ren retira ses bras et recula d'un pas. Il la dévisageait.

- Je crois que je m'y suis mal pris, dit-il. Excusez-moi, je ne voulais pas ce que ça passe comme ça.

Il tendit une main vers sa joue, qu'il effleura du bout des doigts. Elle frissonna.

- Mais moi aussi je voulais vous revoir, je ne savais pas comment faire. Je suis quelqu'un de confiant, mais je dois dire que jusqu'au dernier moment j'ai douté. J'ai eu peur que vous ne soyiez pas au rendez-vous.

- Et maintenant? demanda t-elle, que comptez-vous faire de moi?

Il soupira.

- Vous savez qui je suis n'est-ce pas?

- Oui, souffla t-elle. Et vous voulez me tuer.

A ces mots, les doigts de Ren quittèrent sa joue pour venir se poser sur les lèvres tremblantes de Yori. Il en dessina le contour tout en ne lâchant pas son regard. "Je suis perdue", se dit-elle, esclave de ses prunelles hypnotiques.

- Non, dit-il d'une voix rauque. Je veux simplement vous aimer.

Il se pencha vers elle et prit sa bouche. Cela faisait si longtemps qu'elle attendait, cela faisait si longtemps qu'elle en rêvait. Elle enroula ses bras autour de son cou et se pressa contre lui. Son corps réagissait seul, il n'écoutait plus sa raison. Elle répondait à son baiser avec un tel désespoir que le désir de Ren se décupla encore. La soulevant, il la prit dans ses bras et passant le salon, puis le hall, gravit les escaliers pour enfin entrer dans la chambre blanche. Tout ceci s'était passé si vite que Yori ne s'était rendue compte de rien. Tout ce qu'elle savait, c'était qu'elle était restée accrochée à son cou, paupières closes, enivrée par son parfum musqué, enveloppée par la chaleur insensée de ses bras, enchaînée au désir qu'elle avait de lui. Il la posa délicatement sur le lit et s'assit près d'elle en la dévisageant avec tendresse. Qu'attendait-il? se demandait-elle.
Son corps était au supplice. Elle ne doutait pas de ce qu'elle allait faire, là, maintenant. Elle lui ouvrit grand les bras.

- Viens, souffla t-elle.

Ren enleva sa veste et se débarassa de sa chemise. Yori effleura de ses doigts fébriles son torse nu. Il était plus resplendissant que jamais. Après lui avoir déposé de tendres baisers sur les doigts, il se pencha pour lui enlever lentement ses chaussures. Il posa ses lèvres sur les pieds de l'humaine , elle gémit. Puis, sa bouche remonta le long de ses jambes alors que ses mains relevaient délicatement l'étoffe bleue. Parvenant à son ventre, il y posa sa tête en soupirant avec satisfaction.

- Ta peau est si douce, fit-il.

Il se releva et lui enleva sa robe, puis ses sous vêtements. Yori fut surprise de ne ressentir aucune gêne à ce moment précis, alors qu'elle était nue devant lui et qu'il dévorait des yeux chaque parcelle de sa peau. Elle ne le lâcha pas du regard tandis qu'il retirait ce qui lui restait de vêtement avant de se retrouver nu lui aussi. Il s'allongea sur elle, et posant les bras de chaque côté de la tête de Yori, il l'observa longuement. Soudain le corps de Yori se brisa, il était en elle. Et alors que le dos de l'humaine s'arquait sous le plaisir, Ren nicha sa tête au creux de son épaule en même temps que ses mouvements s'intensifiaient. Des perles de sueur coulaient sur le dos du vampire qu'elle caressait des deux mains. Leurs souffles et leurs gémissements se mêlaient pour ne former qu'une seule et même musique.

- J'ai faim de toi, souffla t-il en la serrant plus fort alors qu'elle suffoquait et ne cessait de crier son nom.

Elle sentit ses canines percer sa gorge. Passée la première seconde de douleur, l'entendre boire à sa veine la fit gémir de plus belle. A ce moment, la mort ne lui fit pas peur. Jamais, de sa vie, elle ne s'était consumée à ce point. Ce désir brûlant lui était inconnu, et alors que le visage de Kaito lui apparut soudain dans son esprit embué par le plaisir, elle le balaya bien vite, attachée à Ren, esclave de sa soif, emportée par les mouvements fièvreux de ses reins. La nuit les accueillait dans ses bras. L'alliance de Yori brillait dans la pénombre.




- Hum! fit Zero en arrivant derrière elle, je me suis régalé!

Il sassit auprès d'elle sur la balancelle. Pouvoir contempler les plaines qui s'étendaient à perte de vue de cette petite terrasse était une véritable bénédiction. Yui était telle une statue de cire, Zero sourit.

- J'aime bien ce visage, dit-il.

- Hein? s'enquit-elle en se tournant vers lui. Quel visage?

- Celui-là, répondit-il les yeux violets empreints de mystère. Tu as l'air sereine.

- Je le suis, dit-elle en se concentrant de nouveau sur le paysage nocturne. Je te remercie de m'avoir permise de découvrir cet endroit , et tes parents sont des gens biens.

- Il n'y a pas de quoi, répondit-il.

- Dis moi Zero, à table ta mère a fait une allusion qui m'a troublée et...

- Tu veux parler de mon frère? coupa le chasseur.

Yui le regarda.

- Tu as donc bien un frère?

Zero soupira.

- Oui, Ichiru, c'est mon frère jumeau.

Bouche bée, Yui ne put cacher sa suprise. Le chasseur en fut amusé.

- Fais pas cette tête, dit-il. Oui, un autre homme aussi magnifique que moi existe.

Yui eut un sifflement d'irritation.

- Arrête! Sois un peu sérieux. Raconte.

- Ichiru a quitté la maison bien avant moi, il y a 5 ans, s'éxécuta Zero après avoir observé un temps de silence. Il n'avait que 15 ans, mais mes parents n'ont pas pû l'empêcher de partir. On a toujours sû qu'il était un solitaire, encore bien plus que je ne le suis. C'est pour ça que les parents ne l'ont pas retenu, ils pensaient qu'il reviendrait vite , seulement, Ichiru n'est jamais revenu.

- Personne ne sait où il est ?

- Non, répondit Zero. Mais une chose est sûre, il est bien en vie.

Yui l'interrogea du regard.

- C'est mon jumeau, je sais qu'il vit, quelque part. Et toi ? fit-il d'un ton soudainement plus joyeux. Tu en sais de plus en plus sur moi! J'ai droit à quelques informations moi aussi, tu crois pas?

- Mon existence n'a rien de palpitant, se déroba la jeune femme, détournant le regard.

- Allons, insista t-il, tu as dû vivre des choses étonnantes lorsque tu vivais à l'étranger, ne dis pas le contraire.

Yui resta muette. Que pouvait-elle répondre à ça? Lui raconter ces années d'emprisonnement était pour le moment au dessus de ses forces. Elle laissa échapper, malgré elle, un long soupir, lasse. Quand est-ce qu'elle serait débarassée des démons de son passé? Zero lut la tristesse qui habitait son visage. Il l'attira dans ses bras avec douceur et elle s'y laissa aller.

- Après tout, fit-il en embrassant ses cheveux, tu me raconteras plus tard, ainsi, on aura toujours quelque chose à se dire.

Une telle promiscuité avec lui... Elle ne savait pas vraiment quoi en penser. La journée qu'ils venaient de passer ensemble avait été magique. Elle avait, l'espace de ces quelques heures partagées avec le chasseur, presque oublié la lame. Mais cette dernière, silencieuse, guettait le moindre signe de faiblesse, prête à la trancher de plus belle au moment propice. Zero lui releva la tête. Elle savait ce qui allait arriver. Il la regarda, les yeux scintillant d'un éclat nouveau. Elle accepta son baiser. Ses lèvres étaient douces et exigeantes à la fois, Yui sentaient quelques mèches de ses cheveux argentés se poser sur son visage. Une sensation de bien-être l'envahit alors qu'un sentiment de culpabilité émergeait lentement de son coeur. Coupable? Coupable de quoi? Se sentait-elle coupable envers Zero car elle lui rendait son baiser alors que son coeur pleurait sur le nom d'un autre? Ou se sentait-elle coupable envers cet autre qui l'avait pourtant tellement blessée? Le vent souffla, les lèvres de Zero quittèrent les siennes pour venir se poser sur son front.

- J'espère que tu ne m'en veux pas, lui dit-il au bout d'un long silence.

- Pourquoi? demanda t-elle.

- Pour ça, répondit-il. Je n'ai pas pû m'en empêcher.

- Non, je ne t'en veux pas, murmura t-elle. Mais pour le moment, je crains de ne pouvoir te donner plus.

Il émit un petit rire, puis se détacha d'elle pour prendre son visage dans ses mains et la dévisager.

- Je ne te demande rien Yui, dit-il lentement. Allez, rentrons, ou les parents vont sérieusement commencer à douter de notre profonde amitié, n'est-ce pas?

Il rit et se leva. Yui fit de même, mais son coeur était lourd. Quelque chose avait changé.





Kaito buvait tranquillement son café en compagnie de Mio.

- Tu es très matinale dis donc , railla t-il. Ne me dis pas que tu as tellement fantasmé sur moi la nuit dernière que tu n'en pouvais plus au point de te pointer ici à 11h du matin. Je suis marié tu sais!

- La ferme, répondit-elle irritée. Je suis venue voir Yori, pas toi, triple idiot.

- J'ai toujours admiré ta gentillesse, fit Kaito avec amusement en observant la rousse incendiaire du coin de l'oeil. Au fait, ajouta t-il, Zero et toi , ça se passe comment?

- Ca ne se passe pas, rétorqua t-elle. Je l'ai croisé deux ou trois fois dans les couloirs du Conseil, et franchement, ne compte pas sur moi pour lui lancer des fleurs. Ce type est éxécrable.

- Mio, Mio, Mio, se moqua le chasseur. Dieu t'a donné de sacrés attributs, mais si tu continues à faire fuire les hommes , tu finiras vieille fille et vierge, imagine l'horreur...

Elle tapa du poing sur la table.

- Qui te dit que je suis vierge?! Et puis, faire fuire Zero, si c'est ce à quoi tu fais allusion, n'est pas un problème. Il n'est pas mon genre.

- Ma pauvre, on se demande bien si tu as un genre... continua Kaito sous le même ton. Mais j'y pense, tu es peut-être gay? Il faut que tu sortes du placard! J'ai quelques amies si tu veux que...

Il évita de justesse la petite cuillère qui siffla près de son oreille et finit par atterrir dans l'évier derrière lui.

- C'était juste une suggestion, fit-il en ricanant. Bon tu m'excuses un moment, ajouta t-il en se levant, ignorant le regard noir de Mio, je vais appeler ma petite femme. Par chance, j'ai retrouvé le numéro de son amie.

- Dis plutôt que tu as fouillé dans ses affaires, maugréa Mio.

Il quitta la cuisine et réapparut deux minutes plus tard, pâle comme un linge.

- On dirait que tu as vu un fantôme mon pauvre Kaito, lui fit remarquer son amie, un brin inquiète. Est-ce que Yori va bien?

- Oui, répondit-il d'une voix blanche en se rasseyant, très bien. Elle rentre ce soir.
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kanameforever
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MessageSujet: Re: PRINCE OF BLOOD   PRINCE OF BLOOD Icon_minitimeJeu 3 Juin - 16:59

CHAPITRE SEPTIEME


LA VOIE DE LA RAISON OU LA VOIE DE LA FOLIE


Deux semaines plus tard.

- Ah Zero, je te cherchais, fit Toga Yagari qui arrivait dans la salle principale du siège du Conseil.

- Maître, répondit Zero avec déférence, qu'y a t-il?

- Le patron m'a donné de nouvelles consignes pour toi.

Zero soupira.

- Qu'est-ce qu'il me veut cette fois-ci ? railla t-il . Il veut que je lui fasse ses courses ou quelque chose dans le genre?

Yagari prit le temps d'allumer une cigarette et en tira une bouffée.

- Vous devriez arrêter, fit son disciple moqueur, vous vieillirez moins vite.

- Mêle toi de tes affaires, répliqua Yagari d'un ton calme, je ne suis pas si rouillé dans une bonne partie de chasse.

Zero sourit.

- Le grand manitou a décidé de t'assigner un partenaire régulier.

La nouvelle ne sembla guère plaire au jeune chasseur qui grimaça.

- Je n'ai pas besoin d'un boulet, maugréa t-il entre ses dents. Un partenaire... Et puis quoi encore?

Il marqua une pause avant de poursuivre.

- Et pour qui vais-je devoir faire office de nounou?

- Mio Seburi, lâcha Yagari en lui décochant un sourire triomphal.

Zero sentait la rage monter, il allait exploser. Cette fille insupportable, parler, chasser ensemble, passer du temps ensemble, non, cette combinaison était mauvaise. Sentant venir la tempête, Yagari battit en retraite.

- Ce sont les ordres mon petit Zero, lança t-il en s'éloignant.



- Tu sors? demanda Kaito à Yori.

- Oui, répondit cette dernière sans le regarder en enfilant son manteau dans l'entrée. J'ai promis à maman que je passerais la voir. Ca doit être un prétexte, ajouta t-elle en souriant. Elle doit avoir besoin de mon aide pour quelque chose, je suis son jouet tu sais bien.

Kaito s'approcha d'elle, déposa un baiser furtif sur ses lèvres, puis s'écarta d'elle pour la dévisager.

- Tu as raison, certaines personnes savent très bien comment utiliser les autres.

Un frisson de peur parcourut le corps de Yori. Qu'insinuait-il? Est-ce qu'il se doutait de quelque chose? Pourquoi la fixait-il ainsi? Non, impossible, son esprit lui jouait sûrement des tours. Elle s'absentait souvent depuis quelque temps, faisant des courses de dernière minute, allant étudier chez une amie de faculté ou encore rendant visite à ses parents comme aujourd'hui. Malgré les apparences, elle était rongée par la honte et la culpabilité. Le lendemain de leur première nuit, elle avait eu du mal à se séparer de lui. Mais elle était rentrée chez elle ressassant les mots qu'il lui avait dits en la quiitant: "Je ne veux pas avoir à me passer de toi". Elle s'était tue, ne trouvant pas de réponse appropriée, pourtant elle n'en ressentait pas moins la même chose. Elle avait trouvé Kaito endormi, sa journée avait dû être rude pour qu'il dormît si tôt. Elle l'avait longuement contemplé, puis avait déversé des torrents de larmes la nuit durant, dans l'obscurité et en silence. Qu'avait-elle fait? Quel terrible châtiment l'attendait après avoir goûté à cette chose interdite? Pourtant, le mardi suivant, elle s'était de nouveau rendue à la villa blanche. A peine l'avait-elle aperçu qu'elle s'était jetée dans ses bras, éperdue. Les remords n'avaient plus place là où était Ren. Il étanchait sa soif à chacun de leurs ébats, elle le suppliait même de le faire lorsqu'il lui arrivait d'hésiter de peur de lui faire mal. Elle aimait l'entendre boire à sa veine, et alors même qu'elle présageait un dénouement funeste à leur relation, elle se sentait vivante sous la soif et le désir de son amant. Elle avait réussi à cacher les traces des morsures à Kaito, à grands renforts d'artifices. La Yori qu'elle avait été n'était plus, elle avait disparu dans le regard gris de Ren. Elle était devenue une redoutable menteuse.

- Est-ce qu'il te touche? lui demanda t-il un peu plus tard en humant ses cheveux, alors qu'elle était nichée au creux de ses bras , caressant son torse du bout des doigts, le corps épuisé après l'amour.

- La première semaine, je l'ai évité comme j'ai pu, murmura t-elle. Mais ensuite, ça n'a plus été possible.
Je suis sa femme Ren. Je l'oublie peut-être quand je suis avec toi, mais je ne peux l'oublier quand je suis de retour à la réalité.

Elle l'entendit soupirer.

- Je ne suis pas sûr que je voulais entendre ça, dit-il. Et puis, de quelle réalité parles-tu? Je ne suis pas réel moi?

- Tu es ce que tu es, je suis ce que je suis, voilà la réalité Ren. Ce monde n'est pas fait pour une relation comme la nôtre. Un poisson dans la mer peut aimer l'oiseau qui vole dans le ciel, mais où pourraient-ils vivre?

La voix de Yori se brisa. Elle s'effondra en larmes. Ren la consolait, déposant de doux baisers sur les gouttes salées, lui disant que les choses n'étaient pas aussi terribles qu'il n'y paraissait, lui promettant qu'il serait toujours là pour elle. Mais en lui-même, il savait. Il avait connu maintes humaines avant elle, pourtant, alors qu'il croyait connaître tous les secrets de ce type de liaison, il ne s'était pas préparé à la rencontrer, elle.

Plus tard, il rentra au manoir Kuran. A peine avait-il passé le seuil de la porte qu'Aïdo le héla et le tira par le bras.

- Viens un peu par là toi! dit-il en l'attirant dans l'ancien bureau de Kaname.

- Qu'est-ce que tu nous caches? fit-il fixant son ami avec suspicion, appuyé contre la porte qu'il venait de refermer, les bras croisés.

- Qu'est-ce que tu veux Aïdo? soupira Ren en passant une main dans ses cheveux noirs.

- Je veux savoir les petits secrets de tes sorties nocturnes, ou devrais-je dire, pré-nocturnes, Ren Yashiro.

- Et si tu te mêlais de tes affaires pour changer, répliqua le brun vampire d'une voix lasse.

- Ecoute-moi...

- Aïdo! Laisse-nous seuls je te prie.

Ren et Aïdo sursautèrent en même temps et se retournèrent vers Kaname qui fit pivoter le fauteuil dans lequel il était assis et leur fit face. Tout à leur conversation, ni l'un ni l'autre ne s'était aperçu de sa présence.

- Kaname... balbutia Aïdo, je ne savais pas que tu étais là...

- Je vois ça, répondit calmement l'intéressé la joue nonchalamment appuyée contre une main.

Son regard était sans équivoque.

- Je vous laisse, lâcha Aïdo avant de disparaître aussi vite que l'éclair, refermant la porte derrière lui.

- Tu voulais m'entretenir de quelque chose en particulier Kaname? lui demanda Ren en s'efforçant de garder son calme.

- En effet, répondit l'interpelé. En vérité, j'aimerais savoir. A qui appartient cette odeur de sang que je sens sur toi?

Le corps de Ren se raidit, un sentiment de peur l'envahit. Il se mit à masser son front, une terrible migraine venait de l'assaillir.

- Ne fais pas cette tête, fit Kaname du même ton calme mais pesant qui ne cachait rien de sa tension palpable. Je dois dire que tu excelles dans l'art de brouiller les pistes, mais il faut croire que j'ai un odorat plutôt développé pour ce genre de choses.

Ce qu'il avait craint était finalement arrivé. Kaname allait le forcer à faire un choix. Lui dire la vérité c'était se rendre lui-même à la potence, pourtant nulle autre option ne s'offrait à lui.

- Tu as raison, lâcha Ren en baissant les yeux. J'ai rencontré une femme.

- Une humaine serait plus exact.

- Oui, admit-il un ton plus bas.

Après l'avoir observé, Kaname se leva d'un bond et se lança dans la contemplation d'une lampe trônant sur le bureau qu'il caressa du bout des doigts.

- Je connais bien tes penchants, mais je pensais que tu avais dépassé ce stade. Est-elle mariée?

- Oui, avoua Ren qui n'osait toujours pas le regarder.

- Je vois... Encore une qui va finir comme les autres, fit le Sang Pur comme pour lui-même. Cependant, tu connais nos règles Ren.

Il se tourna vers lui et le fixa froidement avant de poursuivre.

- Boire du sang humain n'en fait pas partie.

- Je le sais, répondit son ami. Mais je dois t'avouer, cette fois c'est différent. Je ne bois pas son sang parce qu'elle est humaine, mais parce que c'est elle. Je ne peux pas y résister, parce que mon cœur ... enfin tu vois, ce n'est pas ce que tu crois. Je te demande pardon d'être aussi direct.

- Je comprends, répondit Kaname sous le même ton distant. Mais as-tu seulement penser qu'à force de boire son sang de manière aussi récurrente, tu aurais pu la tuer?

- Je ne pourrais pas lui faire de mal, se défendit Ren en levant enfin les yeux vers lui. Je ne veux que son bien.

- Alors laisse-la tranquille, trancha Kaname. Cohabiter avec les humains ne signifie pas qu'on ait le droit de franchir certaines barrières. Cette relation n'a pas lieu d'être. Mets-y un terme, ajouta t-il d'un ton sans appel. Je ne dirai rien aux autres. Cependant, tu es libre Ren, aussi vais-je te laisser le choix. Si tu persistes à la revoir, tu devras quitter cette maison et ne plus jamais y revenir. A toi de voir ce qui te semble le plus judicieux.

Ren ne répondit pas de suite. Ses traits devinrent douloureux, ses yeux s'emplirent d'un désespoir qui n'échappa pas à Kaname. Oui, il avait redouté ce moment. Kaname et lui se connaissaient depuis l'enfance. Il avait toujours mis un point d'honneur à le servir dignement. Il connaissait la valeur de l'engagement et de l'honneur. Les moments passés auprès de Yori avaient été un leurre.

- Je te suis fidèle Kaname, finit-il par répondre. Je ne faillirai pas à mon devoir et je te remercie pour ta discrétion. Je ne la verrai plus.

Il s'inclina puis s'apprêta à quitter la pièce. Une fois devant la porte, il se retourna soudain vers le Sang Pur.

- Mais j'aimerais savoir une chose, dit-il en plongeant son regard dans le sien. Ne la ressens-tu pas, cette soif, pour la fille de Taka Tsuruga?

Kaname fut pétrifié. On venait de lui asséner un coup de fouet.

- Je t'admire tu sais, continua Ren avec un sourire mélancolique. Je n'ai pas ta force. Toi, tu as su rester à ta place, tandis que moi je n'ai fait qu'assouvir mes instincts, je n'ai écouté que mon cœur, ignorant ma raison. Je ne suis qu'un faible. Toi, tu as la force d'un roi.

Sur ces mots, il sortit.

Kaname resta immobile, incapable d'un quelconque mouvement. Ainsi, il était au courant? Comment cela était-il possible? Etait-il le seul ou les autres le savaient-ils eux aussi? Après tout qu'importait... Ren avait trouvé la plaie et venait de la rouvrir sans prendre la peine de le ménager. Kaname ne l'avait jamais vu ainsi. Lui qui avait collectionné les femmes telles des trophées accrochés à son impressionnant tableau de chasse, n'était plus le même. Cette souffrance dans son regard... Il aimait cette femme. Alors que Ren se tenait devant lui, Kaname avait crû se retrouver face à son propre reflet dans le miroir. Un vampire, déchiré par les tourmentes d'une relation parfaitement impossible, un vampire captif du regard d'une simple humaine. Un roi? Quelle sorte de roi pouvait rejeter ainsi la seule femme qui comptait à ses yeux? Qui était donc ce roi qui n'avait jamais ouvert son cœur, préférant se réfugier dans une prison de glace, oblitérant tout sentiment? Des deux, c'était lui le faible. Une infime part de lui-même se mit à envier son ami. Il avait pu la tenir dans ses bras, l'aimer, boire à sa substance vitale, alors que lui , il n'avait fait que fuir, inlassablement. Mais avait-il d'autre choix? Ren pouvait aimer et s'abreuver de celle qu'il aimait sans peur, lui le Sang Pur, aurait condamné Yui à devenir un monstre s'il avait cédé à ses instincts. Pouvait-il l'aimer et avoir assez de force pour se contrôler? Et si tel était le cas, pourrait-il supporter l'idée de la voir disparaître dans les bras de la mort des années de bonheur plus tard alors que lui survivrait à jamais? Quel était donc ce destin? Quelle était cette vie à laquelle il était condamné?


- Apparemment Ruka a fini par sortir de son coma, fit remarquer Shiki.

Rima lui jeta un regard noir.

- En apparence seulement, murmura Kain qui se tenait près de la fenêtre du salon. Mais elle ne parle à aucun d'entre nous. Ses yeux me font presque peur, ils sont vides.

- En tout cas cette femme semble avoir réussi à la raisonner, fit Rima.

- Il faut croire qu'elle est plus douée que toi, railla Shiki.

Furieuse, Rima entreprit de lui écraser les pieds avec ses talons, sourde à ses cris de douleur.

- Je n'aime pas l'emprise qu'a cette femme sur elle, continua Kain. A chaque fois que Ruka rentre après l'avoir vue, elle semble encore plus vide qu'en partant. Et ça ne fait qu'empirer.

Cessant leur petit jeu, Rima et Shiki le regardèrent avec une attention nouvelle.

- Au fait, dit Shiki, où diable est passé Takuma?

- Je crois qu'il s'est rendu chez les Takimora, répondit Kain d'un ton évasif.




Aya était assise dans le canapé, brodant une écharpe de ses doigts habiles, lorsqu'elle l'entendit entrer.

- Takuma! s'écria t-elle gaiment en se levant et venant à sa rencontre. C'est bon de te voir!

Elle se jeta à son cou et fut surprise par la froideur inhabituelle de son ami. Se redressant, les bras toujours enroulés autour de son cou, elle le dévisagea.

- Mais qu'as-tu à la fin? bougonna t-elle, boudeuse.

- Tu voulais me voir, répliqua Takuma d'un ton glacé. Je suis là. Qu'est-ce qu'il y a ?

Ce regard si froid, ce ton si impersonnel, Aya en resta hébétée. Elle ne connaissait pas ce Takuma. Le libérant de son étreinte, elle recula de deux pas.

- Dis moi ce qui ne va pas, lui dit-elle . Je le savais! Tu as des ennuis c'est ça ? Parle moi!

Mais il restait terré dans son silence, ses yeux froids fixés sur elle.

- Pourquoi tu restes là à ne rien dire? s'emporta t-elle. Je suis ton amie! Tu sais que tu peux tout me dire! Ca me rend malade de te voir comme ça!

Brusquement, il vint vers elle. Il agrippa ses épaules de ses deux mains, les yeux emplis de rage.

- Takuma! cria t-elle . Arrête! Lâche moi!

Il n'en fit rien, ses doigts s 'enfonçaient plus profondément dans sa peau.

- Lâche-moi! Arrête Takuma!

Dans un regain de force, elle réussit à le pousser. Elle suffoquait, minée par la colère et le chagrin et tentait de retrouver une respiration normale en l'observant du coin de l'œil. Elle ne pouvait croire qu'il avait pû faire une chose pareille. Il tourna brusquement le dos.

- Je te demande pardon Aya. Je ne voulais pas te faire de mal. Je promets de ne plus venir te déranger. Mes gestes ont dépassé mes pensées et mes manières ont été plus qu'inconvenantes. Puisses-tu me pardonner un jour.

Sur ces mots, il partit, laissant Aya immobile au milieu de la pièce. Elle avait beau essayer, elle ne comprenait pas ce qui venait de se passer à l'instant. Qu'était-il arrivé à son ami?

- Tu n'as toujours pas saisi hein? demanda la voix calme de Shina qui entrait dans la pièce.

- Tu as tout vu?

- Et comment! répondit sa sœur en passant près d'elle. Et j'ai aussi tout entendu, ajouta t-elle se laissant tomber dans le canapé. Elle observa Aya. Les yeux de cette dernière étaient plantés dans le sol, en quête d'une réponse acceptable à sa question.

- Il est temps que tu te rendes compte que Takuma est amoureux de toi, lâcha Shina.

Sa sœur leva les yeux vers elle, interloquée.

- Qu'est-ce que tu dis? Takuma et moi nous nous connaissons depuis l'enfance!

- Certes, rétorqua Shina, et il se languit de toi depuis l'enfance.

Aya en resta interdite. Se pouvait-il que sa sœur eusse raison? Se pouvait-il qu'elle n'aie rien vu venir?

- Tu as beau connaître les hommes, murmura Shina comme si elle lisait dans ses pensées, ta lucidité te fait cruellement défaut parfois. Il est évident que ta pseudo-amourette avec Kaname lui fait du tort.

- Qu'est-ce que tu insinues par pseudo-amourette? s'indigna Aya, vexée.

- Ca me rend malade de savoir que tu le vois aussi régulièrement, répondit Shina en se levant. Je n'ai pas plus de sympathie que ça pour ce cher Takuma, mais je le rejoins sur un point. Cesse cette relation avec lui avant le pire. Tu as couché avec lui au bal n'est-ce pas?

- Ca ne te regarde pas, répondit sèchement Aya. Mais puisque tu tiens à le savoir , oui.

- Et il ne t'a plus jamais touchée depuis, conclut Shina.

Le silence de sa sœur fut révélateur. Oui, Kaname restait distant. Il ne l'avait plus embrassée ni même prise dans ses bras depuis la dernière fois. Elle se persuadait toujours qu'il lui fallait du temps. Mais au fond avait-elle raison de persister?

- Kaname et moi on avance lentement mais sûrement, finit-elle par répondre d'une voix mal assurée.

- Kaname Kuran ne t'aime pas Aya, répliqua durement sa sœur. D'ailleurs, ce monstre est incapable d'aimer quique ce soit.

Shina se rapprocha d'elle et la prit dans ses bras.

- Regarde ce qu'il a fait de cette fille, Ruka, lui dit-elle avec douceur. Tu veux finir comme elle? Je refuse de te laisser te détruire à cause d'un monstre sans cœur. Je ne pourrais pas le supporter.

Aya se libéra de son étreinte et la repoussa avec violence.

- Arrête ça tu veux! Je t'interdis de parler de Kaname de la sorte, rétorqua t-elle en toisant sa sœur. Sous sa carapace, il a un cœur. Qui crois-tu être pour prétendre le connaître ? Quant à cette idiote de Ruka, ce n'est pas de sa faute à lui si elle s'est fait des films pendant toutes ces années. Comment un homme comme Kaname pourrait-il s'intéresser à un vampire de rang inférieur comme elle? Puisque tu as l'air de bien t'entendre avec elle, et que tu es si compatissante, sœurette, je t'en prie, ne te gêne pas pour la consoler, et ne te mêle plus de ma vie!

Furieuse, elle lui tourna le dos et quitta la pièce.

- Désolée Aya, fit Shina à voix basse, une lueur étrange dans ses yeux bleus. Je ne peux pas. C'est pour ton bien que je le fais.




Une semaine plus tard, Kaname était de retour à l'academy. Il trouva Kaien, tranquillement assis derrière son bureau.

- Bonjour Monsieur le Directeur, fit le vampire en prenant place en face de lui.

- Bonjour Kaname.

La froideur de son ton surprit quelque peu le jeune homme. Kaien était contrarié.

- Votre appel hier soir m'a fait un peu peur, dit Kaname en souriant, qu'y a t-il de si urgent?

Kaien ôta lentement ses lunettes et les posa sur le bureau avant de le fixer froidement.

- Je vais être direct. Es-tu lié de près ou de loin à Yui Tsuruga ?

L'espace d'une seconde, le vampire se demanda s'il avait bien entendu. Mais le regard de Kaien ne laissait nulle place aux doutes. Après Ren, c'était au tour de l'ancien chasseur. Comment s'était-il trahi? Il n'avait parlé de Yui à personne, il avait tu les élans de son cœur. Alors pourquoi? Comment?

- Je ne comprends pas, finit-il par répondre en restant aussi impassible que possible.

- Nous savons tous les deux que c'est faux, rétorqua Kaien avant de se lever. Il alla à la fenêtre et regarda au dehors.

- Il y a quelque temps, reprit-il d'un ton morne, après la soirée qui a été organisée pour le Traité, je l'ai vue comme jamais je ne l'avais vue auparavant, elle était comme morte. Je me suis rongé les sangs en me demandant ce qui avait bien pû la détruire à ce point.

Il se tourna vers Kaname.

- C'était toi.

Kaname ne cilla pas, mais à l'intérieur de lui, ses sentiments s'entrechoquaient.

- Je suis pas liée à elle, répondit-il. Nous nous sommes rencontrés un soir, ça s'arrête là.

- Ne te joue pas de moi Kaname, si c'était vrai , elle ne serait pas dans cet état .

- Je vous le répète, répliqua t-il avec dureté, je ne suis pas lié à cette femme.

- Cette femme t'aime! coupa Kaien.

A ces mots, le masque du Sang Pur se fissura. Ces mots lui firent l'effet d'un nouveau coup de fouet. Les traits de son magnifique visage trahirent les tourments de son âme torturée, ses yeux se voilèrent d'une tristesse à peine perceptible, mais qui n'échappa pas à Kaien.

- Et de toute évidence, ajouta ce dernier avec douceur, la réciproque est vrai.

Kaname ne répondit pas.

- Cela étant, poursuivit le directeur, mets-y un terme.

Kaname fut projeté quelques jours en arrière. Il se revoyait sermonnant Ren, lui intimant de mettre fin à sa liaison avec cette femme. A présent, c'était lui qu'on sermonnait, c'était lui qui se trouvait sur le banc des accusés.

- Je ne sais pas ce qui s'est passé entre vous deux, fit Kaien, mais de toute évidence, tu ne la vois plus. Alors je t'en prie, reste sur tes positions. Si tu veux changer son destin, ne t'approche plus d'elle.

- Que voulez-vous dire par changer son destin? s'enquit le Sang Pur qui se réveilla de sa léthargie.

- Rien, éluda Kaien, oublie ça. De toute façon, elle est bien mieux comme ça. Au fond, ce n'est pas plus mal que son père lui ai choisi Zero.

Kaname se leva brusquement.

- Je dois m'en aller, fit-il d'une voix blanche en s'inclinant, au revoir Monsieur le Directeur.

Il tourna le dos et avait déjà atteint la porte lorsque la voix de Kaien l'arrêta.

- Je sais que je t'ai vexé... commença t-il.

- Vous n'y êtes pas du tout, coupa Kaname d'une voix glacée. Mais j'en ai assez entendu. Vous n'aurez plus à vous inquiéter.

Sur ces mots, il partit. Kaien, qui connaissait bien Kaname, ne pouvait qu'être sûr d'une seule chose: Le vampire le plus solitaire et le plus inaccessible qu'il avait jamais connu se mourrait d'amour pour une femme, et cette femme était Yui. Le sort était capricieux. Pourquoi fallait-il que les choses prennent cette tournure? Après avoir été en sommeil pendant de longues années, Yui connaissait enfin ce qu'était l'amour, mais cet amour était déjà condamné avant de pouvoir s'épanouir. Quant à Kaname, malgré ses sentiments contradictoires, Kaien ne pouvait s'empêcher de le plaindre. Alors qu'il aimait sans doute pour la première fois, il s'était épris de la mauvaise personne. Et lui Kaien, comment allait-il vivre ce qui allait finir par arriver?




- Reste derrière moi et couvre-moi, ordonna Zero, froid comme un glaçon.

- On est partenaires, pesta Mio, je ne suis pas ton larbin. Grave-le bien dans ton cerveau , mais encore faudrait-il que tu en aies un!

Zero, furieux, s'apprêtait à la riposte, mais n'en eut pas le temps. Trois créatures surgirent dans la pénombre, les encerclant dans la ruelle. Les deux chasseurs avaient sorti leur arme au même moment. Les coups de feu fusèrent mais les créatures semblaient particulièrement rapides. Elles se déplaçaient si vite qu'ils distinguaient à peine leurs mouvements.

- Il faut qu'on les coince au même endroit si on veut s'en débarrasser, fit Zero en regardant Mio.

Il tourna la tête vers l'entrée de l'immeuble abandonné, Mio avait compris. Elle s'élança vers l'entrée, Zero la couvrait tout en reculant et tirant sur les bêtes. Une fois à l'intérieur, ils se glissèrent entre un renfoncement de mur et attendirent.

- C'est pas vrai! siffla Mio à voix basse, il devait y en avoir qu'un seul , c'est quoi ce bordel?

- Hum... fit Zero aux aguets en fronçant les sourcils, c'est pas normal, ils se déplacent rarement en bande... Mais, ajouta t-il en se tournant vers Mio, si tu as peur, tu n'as qu'à rester là et regarder faire le Maître.

Il lui souriait d'un air moqueur, ses yeux violets brillaient dans l'obscurité. Leurs corps étaient presque collés l'un à l'autre, au vu de l'étroitesse de l'endroit. L'espace d'un instant, Mio se sentit comme happée par l'éclat de son regard sauvage, l'odeur de son parfum l'enivra. Un étrange éclair passa dans les yeux de Zero qui glissèrent sur la magnifique poitrine de la chasseuse qui était moulée dans un pull à col roulé blanc. L'espace d'un instant, lui aussi se sentit irrésistiblement attiré comme un aimant vers la chasseuse, ce qui était parfaitement inapproprié au vu de la situation actuelle et des efforts surhumains qu'il faisait pour s'accommoder de sa présence. Ce fut elle qui se ressaisit la première.

- Oh ferme la, tu me fatigues, rétorqua t-elle en une moue rageuse.

Ses yeux azur furent soudain attirés par un bruit. Suivant son regard, Zero les vit entrer. Avec stupeur, il s'aperçut que leur nombre avait doublé.

- Mais qu'est-ce que...

- Chut ! fit Zero en plaquant une main ferme sur sa bouche.

Ils passèrent tout près d'eux sans les voir. Zero libéra la bouche de sa partenaire quand ils furent hors de son champ de vision.

- On est sensé les traquer, gronda Mio, mais pour le moment j'ai plus l'impression qu'on est traqué.

- Quelle perspicacité, se moqua Zero.

- Oh la ferme! Trouvons plutôt un plan pour se débarrasser de ces bestioles au plus vite.

Zero acquiesça.

- Je vais faire diversion, fit soudain la jeune femme en se levant. Toi, fais ce que tu as à faire.

- Mais qu'est-ce que...

Il n'avait pas eu le temps de bouger que Mio était déjà sortie de leur cachette, et s'élança vers les escaliers de l'entrée en prenant soin de faire le plus de bruit possible.

- Imbécile! pesta Zero, véritablement furieux.

Les créatures ne tardèrent pas à rejoindre la chasseuse. Elle se retrouva encerclée entre six paires de yeux qui la fixaient, féroces et affamées. Ils bougeaient en même temps, à la même vitesse. Mio sourit.

- Venez donc mes chéris! s'exclama t-elle en ouvrant grands les bras, la main gauche tenant fermement son arme. Un vent glacé souffla dans la pièce glissant sur la crinière rousse de la chasseuse et soulevant son long manteau sombre. Les créatures hésitaient, bougeant constamment, comme s'ils dansaient autour d'elle sur les façades.

- Je vois que vous avez besoin d'une invitation, railla t-elle.

Zero la vit avec effroi poser sa main droite sur son cou et s'arracher la peau sans l'ombre d'une hésitation. Les bêtes assoiffées ne résistèrent pas à l'appel du sang. Les six level E se jetèrent en même temps sur elle. Zero, émergeant à une vitesse stupéfiante de la pénombre, tira sur eux un à un. Ils s'évanouirent dans la poussière. Mais l'un d'eux restait accroché à elle, enragé, tentant de la mordre. Zero s'apprêta à appuyer une nouvelle fois sur la détente pour l'envoyer dans les ténèbres, mais un coup de feu retentit, et le vampire disparut à son tour. Mio l'avait devancé.

- Pouah, fit-elle en rangeant son arme. Quelle bête immonde!

Il vint vers elle et l'agrippa aux épaules.

- Espèce d'idiote! rugit-il, qu'est-ce que t'as derrière la tête!! Tu voulais te faire tuer ma parole!

- Hum, railla t-elle en se dégageant de lui, un large sourire aux lèvres, c'est ta façon de me remercier? Etrange...mais ça ne m'étonne pas de toi.

Le chasseur la fixait toujours avec fureur.

- Oh, je t'en prie! Arrête ton cinéma! Je sais que j'ai pris des risques, mais c'était la seule solution pour qu'ils soient tous concentrés sur un même point. Et puis, ajouta t-elle en passant près de lui et se dirigeant vers la sortie, j'ai voulu testé ta rapidité.

Zero fut stupéfait, elle ricana.

- C'était pas trop mal, lança t-elle par dessus son épaule.

Le chasseur ne put s'empêcher de sourire, malgré lui. Tous les éléments pour l'exaspérer étaient réunis chez cette femme, mais au fond de lui, il avait admiré sa combativité.

- Comment ça pas mal? marmonna t-il en arrivant à sa hauteur, alors qu'ils s'éloignaient de l'immeuble.

Soudain, ils sursautèrent en même temps.

- Tu as entendu ça? fit-elle à l'affût en se tournant vers lui.

- Oui, gronda t-il.

Ils coururent alors vers l'endroit d'où était provenu le bruit. Ils se retrouvèrent quelques pâtés de maisons plus loin, et furent horrifiés par le spectacle morbide qui se déployait sous leurs yeux. Pas moins de quatre chasseurs gisaient sur le sol, sans vie, baignant dans le peu de sang qui leur restait, leurs corps à moitié déchiquetés. Zero et Mio se regardèrent, leur discours silencieux fut éloquent. Une ombre planait sur eux.

- Eh bien, dit une voix dans l'ombre, qui les observait de loin. C'est pire que ce que j'avais imaginé. Tu t'en aies bien tiré , et cette fille... a un sacré cran.

La voix émit un petit rire moqueur et s'éloigna.

Zero sursauta et se retourna. Avait-il rêvé ou avait-il réellement aperçu une ombre?




Il faisait nuit noire au Manoir Kuran. Kain voulait rendre visite à Ruka. Ces derniers temps, il avait essayé de lui parler, en vain. Mais il était bien déterminé à remédier à cette situation. Sortant de sa chambre, il traversa le couloir pour rejoindre celle de Ruka. Alors qu'il s'apprêtait à frapper, la porte s'ouvrit sur son amie qui lui sourit puis passa près de lui sans un mot. Elle était telle une apparition, parée d'une longue robe en mousseline blanche évasée sur le bas, si longue qu'elle effleurait le sol. Un long collier de perles blanches pendait à son cou , ses longs cheveux châtains clairs brillaient tels de la soie merveilleuse, de toute évidence son maquillage avait été étudié, l'éclat de ses yeux marrons étaient accentué par du fard à paupière doré , ses lèvres étaient peintes d'un rouge à lèvres de la même couleur.

- Ruka, dit Kain, s'arrachant à la contemplation de sa beauté, pourrais-je te parler une minute?

Très lentement, elle se retourna. Lui faisant face, elle lui sourit. Mais ce sourire et ces yeux qui le fixaient étaient si vide d'humanité, même pour un vampire, que le sang de Kain se glaça.

- Je suis désolée Kain, susurra-t-elle, mais je n'ai pas une minute à t'accorder. L'amour n'attend pas.

Elle s'approcha de lui, lui prit le visage entre les mains, puis lui déposa un baiser sur les lèvres avant de le dévisager. Kain avait été tellement pris au dépourvu qu'il n'avait pas été capable de réaction.

- Tu n'auras plus à m'attendre, souffla-t-elle d'une voix hypnotique, demain tout sera différent pour toi.

Sur ces mots, elle lui tourna le dos et s'éloigna. Kain eut du mal à se ressaisir. Alors qu'il en avait toujours rêvé, ce baiser ne le rendait pas heureux mais lui faisait peur. Un horrible pressentiment l'envahit.
Ruka frappa à la porte de Kaname.

- C'est Ruka, fit-elle, est-ce que je peux entrer?

« Bien », pensa Kaname, « il est temps qu'on règle certaines choses ».

- Entre Ruka.

Elle entra, la porte se referma. Allongé comme à son habitude dans son sofa, Kaname s'était redressé. Il ne fit aucun commentaire sur l'acoutrement de Ruka, mais n'en fut pas moins surpris. Ruka resta immobile, les yeux baissés.

- Approche, lui dit-il avec douceur, viens t'asseoir, je ne vais pas te manger.

Elle vint s'asseoir près de lui.

- J'aimerais m'excuser pour ce qui s'est passé la dernière fois, commença Kaname. Je pense que nous aurions dû éclaircir certains points pour éviter ce désastre.

- Tu n'as pas à t'excuser, répondit-elle à voix basse sans relever les yeux vers lui. Je m'y suis mal prise, tout est ma faute.

Le Sang Pur posa une main sur son épaule.

- Non, ne...

Ruka ne le laissa pas terminer sa phrase, elle le renversa dans le sofa. Ne voulant pas la blesser, il se laissa faire. Penchée sur lui, elle le regardait enfin. Kaname nota cette lueur particulière qui animait ses prunelles. Ces dernières descendirent vers son torse à moitié-nu sous sa chemise entrouverte. Il était là, devant elle et ne faisait rien pour la repousser, Shina avait raison depuis le début, elle ne pouvait le laisser à une autre. Elle défit totalement les boutons de sa chemise. Se penchant plus vers lui, elle posa sa bouche sur son torse et promena très lentement sa langue sur ses muscles tendus. Il n'avait toujours aucune réaction. Après son exploration, elle se releva, triomphante. Elle avait enfin pû goûter à la douceur de sa peau. Elle lui sourit, puis entreprit cette fois-ci de goûter à ses lèvres. Alors qu'elle se penchait déjà vers sa bouche, il l'arrêta en lui tenant solidement les deux bras.

- Ruka, entre nous c'est impossible, lui dit-il d'une voix douce mais ferme. Tu as le droit au bonheur, mais ton bonheur, ce n'est pas moi.

Elle le regarda. Ses yeux exprimaient une incompréhension et un égarement tels, qu'il se demanda si elle l'avait bien écouté.

- Ruka? Est-ce que ça va ? s'enquit le sang Pur.

Son visage se déforma en un rictus douloureux.

- Elle avait raison, murmura-t-elle en baissant les yeux, elle avait raison, je ne peux pas laisser une autre t'arracher à moi ...

De grosses larmes coulaient sur ses joues.

- Qu'est-ce que ...

Il aperçut la main de Ruka qui plongeait sous sa robe et comprit. Il la renversa sans ménagement sur le dos, lui arracha l'arme des mains et la fit voler à travers la pièce.

- Alors c'est comme ça que tu voulais en finir, lui dit-il avec un calme stupéfiant.

Les yeux de Ruka étaient livides.

- Nous ne sommes pas Romeo et Juliette, je n'ai pas l'intention de mourir de façon aussi tragique et sûrement pas avec toi.

Ruka se mit brusquement à hurler et à se débattre de toutes ses forces pour se libérer de lui. Ses cris stridents résonnèrent dans le manoir. Tous les autres accoururent vers la chambre de Kaname, Kain en tête. Ce dernier poussa la porte, affolé, et resta interloqué par la scène qu'il avait devant les yeux. Se ressaisissant, il fonça vers Kaname en lui tirant le bras avec force.

- Lâche-la! rugit-il , fou de rage. Qu'est-ce que tu voulais lui faire ?! Lâche-la tu entends!

Kaname se leva en silence, laissant Ruka retomber sur le sofa. Kain la prit dans ses bras, elle sanglotait. Mais contre toute attente, elle le repoussa violemment et se levant péniblement, chercha des yeux l'objet de sa convoitise. Lorsqu'elle la vit, elle se jeta sur elle pour s'en emparer. Kain, Rima, Ren, Shiki, Takuma et Aïdo ne furent pas sans remarquer la nature de cette arme. Ils s'élancèrent vers leur amie qui avait retourné l'arme pointue contre sa poitrine, tournée vers Kaname qu'elle regardait droit dans les yeux. Aïdo s'empara de l'arme qui lui brûla la main et qu'il rejeta loin dans la pièce, alors que Kain l'attrapa par le dos et la tint solidement entre ses bras. Le manoir fut hanté par les hurlements de Ruka, emportée par sa folie...



- C'est toi! s'écria Aya folle de joie en le rejoignant sur le pas de la porte.

Comme à son habitude, son coeur s'accèléra à la vue de Kaname Kuran. Nul mot n'était assez approprié pour dire à quel point il était beau. Ce soir, totalement vêtu de noir, il était tel un prince des ténèbres, époustouflant de splendeur, irradiant d'un magnétisme auquel nulle femme au monde ne saurait résister. Sa soeur disait de lui qu'il était un monstre, alors que devant elle, elle ne voyait qu'un Dieu, peut-être cruel, mais d'une magnificience et d'une fierté sans égal. Elle voulut le prendre dans ses bras, il la repoussa.

- Où est Shina? demanda-t-il, ses yeux de braise aussi froids que le vent soufflant au dehors.

- Dieu en personne me demande? railla Shina qui descendait les escaliers. Que me vaut cette immense honneur?

Kaname entra dans la pièce et se retrouva face à l'aînée des Takimora.

- Tu pensais vraiment que tes petites intrigues pourraient en finir avec moi? lui demanda-t-il en lui décochant un sourire cynique.

- Je ne vois pas de quoi tu veux parler, fit Shina en haussant les épaules avec indifférence.

- Je te pensais beaucoup plus inventive, reprit Kaname. Je suis déçu.

Il baissa les yeux et émit un petit rire moqueur. Puis il la regarda de nouveau, mais cette fois nulle moquerie ne perçait de son regard, seule la fureur d'un Sang Pur y luisait. Shina se mit à trembler de tous ses membres.

- Tu peux bien essayer d'en finir avec moi autant qu'il te plaira de jouer à ce petit jeu, rugit le vampire. Mais je te préviens, si tu t'approches une fois encore de Ruka, ou si tu tentes d'utiliser une autre personne pour m'atteindre, je te tuerai de mes propres mains. Garde bien cela en mémoire. Contrairement à toi, je ne raterai pas ma cible.

Sur ces paroles, il lui tourna le dos. Il passa près d'Aya qui avait assisté à la scène sans comprendre.

- Qu'est-ce ...? Kaname, je passerai te voir demain ... Nous...

- Ne te donne pas cette peine, coupa-t-il sèchement. Je m'absente pour quelque temps.

- Quoi? s'exclama t-elle. Mais pourquoi?

Il ne répondit pas.

- Bon très bien... Je t'accompagne. C'est bien mieux de voyager à deux, ajouta-t-elle en posant une main sur son épaule.

- Merci de ta sollicitude, mais c'est non, rétorqua-t-il en se dégageant, sans même se retourner pour la regarder. Oublie tout ça. Reste auprès de ta soeur, je n'ai pas besoin de toi.

Sur ces mots aussi tranchants qu'un couperet, il s'éloigna dans le vent du soir. Aya, bien qu'étant blessée par ces paroles , se tourna vers sa sœur qui n'avait toujours pas bougé. S'approchant d'elle, elle lui asséna une gifle magistrale qui siffla dans l'air. Shina ne riposta pas.

- Qu'est-ce que tu as fait?! s'écria-t-elle.




Zero et Yui étaient de sortie. Elle s'était laissée soudoyer par le chasseur, et ils étaient attablés dans la meilleure pâtisserie de la ville.

- Tu as l'air préoccupé, lui fit remarquer la jeune femme. Serait-ce à cause de ce qui s'est passé dernièrement?

- Oh! Oui il se passe des choses étranges, répondit-il les yeux dans le vague, remuant distraitement son café.

Yui soupira, elle n'aimait pas le voir ainsi.

- Ce ne doit pas être facile de faire face à la mort tous les jours, dit-elle au bout d'un moment.

- Au contraire! railla Zero. Ca m'excite de voir ces macchabées tous les jours!

Mais Yui ne s'y trompait pas. Elle se plongea dans ses pensées.

- Je suis désolé, fit soudain Zero en l'observant. Je suis égoïste. Tu as dû souffrir à la mort de ta mère, surtout que tu étais à des milliers de kilomètres d'ici...

- Je n'étais pas des milliers de kilomètres d'ici, lâcha Yui d'un trait.

Zero, stupéfait, l'interrogea du regard.

Elle lui ouvrit alors la porte sur les secrets de son existence pendant les dix sept premières années de sa vie. Zero l'écouta sans la couper une seule seconde. Au fil de son récit, les yeux du chasseur furent emplis tour à tour de rage, de tristesse, d'incompréhension. A l'image de Kaname avant lui, cette histoire incroyable le terrassa. Yui, de son côté, narrait le récit de sa vie sans sourciller. Zero admira cette maîtrise d'elle-même, se demandant par quelle force mystérieuse, elle arrivait à ne pas s'effondrer en larmes.

- Voilà, conclut-elle en lui souriant avec mélancolie. Tu sais tout.

- Pourquoi me dis-tu tout ça aujourd'hui? lui demanda Zero en s'efforçant de cacher la rage qui bouillonnait en lui.

- Je ne sais pas, répondit-elle en soupirant avant de planter sa petite cuillère dans son gâteau au chocolat, je suppose que le mensonge ne me va pas tant que ça.

Un long silence s'installa. Seules les conversations des tables voisines venaient la troubler. Zero ne pouvait détacher ses yeux d'elle. S'il existait un Dieu, pouvait-il laisser un être humain souffrir autant?
Elle avait connu l'enfer, le silence, la solitude. Elle avait appelé la mort de toutes ses forces pour qu'elle vienne la chercher, mais la faucheuse était restée sourde à ses appels. Zero en fut soulagé, le destin avait voulu qu'il la rencontre, à présent, tout ce qu'il désirait était de la voir sourire et lui donner foi à la vie.

- Pourquoi tu me regardes comme ça? s'enquit-elle en levant les yeux vers lui. Fais pas cette tête, ce n'est pas si grave que ça. Je suis en train de manger un gâteau succulent qui va aller directement se loger dans mes hanches, la vie est belle!

- J'aimerais que pour toi, elle soit toujours belle, répondit-il mystérieusement.

Il se leva, contourna la table et s'accroupit devant elle.

- Je crois qu'il est le temps que tu voies autre chose que cette grande maison froide, lui dit-il en souriant , plongeant intensément son regard violet dans le sien. De plus, ton père doit apprendre que la roue tourne. Je connais un appartement sympa et chaleureux, pas immense, mais où vit un garçon un peu compliqué mais plutôt sympa lui aussi. Je crois que tu aimerais.

Yui fronça les sourcils, interdite.

- Mais qu'est-ce que ???

Il lui prit les deux mains, et les joignant , y déposa un baiser . Puis il releva la tête vers elle, les yeux pétillants, mélange de malice et de joie.

- Yui, épouse-moi.
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MessageSujet: Re: PRINCE OF BLOOD   PRINCE OF BLOOD Icon_minitimeJeu 3 Juin - 17:00

Ah oui en effet, je vais avoir de la lecture ! Je lirais tout ça dans la soirée (sous entendu dans le mois à venir). x) Merci du post !
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MessageSujet: Re: PRINCE OF BLOOD   PRINCE OF BLOOD Icon_minitimeJeu 3 Juin - 17:01

CHAPITRE HUITIEME


DESCENTE AUX ENFERS


Chaud...toujours plus chaud. La fièvre s'était de nouveau emparée de son corps et de son âme. La chaleur était telle qu'il dormait sans vêtement. Il faisait pourtant si froid en cette mi-novembre. A l'extérieur, point de soleil, le ciel était maussade, le vent soufflait, l'automne plus froid qu'à l'accoutumée laissait présager un bien rude hiver. A l'intérieur, son corps nu perlait de sueur, la chaleur l'étouffait jusqu'aux tréfonds de ses cauchemars, les mêmes, qui revenaient sans cesse...


- Père, je suis là, dit Yui après avoir refermé la porte de son bureau.

- Ma chérie, l'accueillit Taka en souriant, assis derrière son bureau. Assieds-toi, j'ai à te parler.

- Je préfère rester debout Père, si ça ne vous ennuie pas, répondit-elle.

- Comme tu voudras, marmonna t-il tout en rangeant des documents éparpillés sur le bureau.

Après avoir terminé, il posa ses mains sur le bureau et fixa sa fille en arborant ce fameux sourire que Yui détestait, à savoir mi-cynique, mi-compatissant, en résumé, artificiel. Que mijotait-il à présent?

- Yui, commença t-il. Zero est venu me voir pour m'annoncer qu'il t'avait fait sa demande. D'ailleurs, ajouta t-il comme pour lui-même un ton plus bas, cet insolent n'a pas jugé bon d'avoir mon consentement, ah la jeunesse, enfin bref... Toujours est-il, continua t-il, que je suis pour ce mariage.

"Le contraire m'aurait étonné", pensa t-elle.

- Ca fait plus de deux semaines qu'il attend ta réponse, je me trompe ?

- Ce genre de décision ne se prend pas à la légère, rétorqua t-elle d'un ton acide en croisant les bras. Je n'ai pas le couteau sous la gorge que je sache.

- Certes, acquiesça son père en souriant, tu as raison. C'est que, avec tous les mariages dont j'entends parler autour de moi en ce moment, je suis un peu impatient moi aussi.

- Ah? Le mariage est à la mode? se moqua t-elle.

Taka sourit.

- Il faut croire que oui! répondit-il avec un peu trop d'entrain. Même chez les Sangs Purs d'ailleurs. Aya Takimora et Kaname Kuran sont fiancés et l'annonce de leur union semble imminente.

Sous le choc, Yui fut incapable de parler, incapable de bouger. La lame pourfendit sa poitrine, broyant sadiquement sa chair, sa gorge était tellement nouée qu'elle pouvait à peine respirer. Il fallait pourtant qu'elle trouvât la force de sortir de ce bureau avant de s'écrouler devant son père. Il fallait qu'elle parte maintenant.

- J'ai des choses à faire...Père, parvint-elle à articuler.

Sans un mot de plus, elle prit le chemin de la sortie. En refermant la porte, elle y appuya son dos afin de reprendre son souffle mais n'y tenant plus, glissa jusqu'au sol. Kaname... Kaname et cette femme... fiancés...futurs mariés... Le cauchemar de sa vie s'était mué en enfer perpétuel. Tout ceci n'aurait donc jamais de fin? Comment imaginer l'être que notre cœur appelle de toutes ses forces vivre auprès de quelqu'un d'autre? Cela faisait longtemps qu'elle s'était tant bien que mal faite à l'idée, que plus jamais elle ne retrouverait ses bras aimés, que jamais plus elle ne sentirait son odeur, ni ne goûterait à la chaleur de ses lèvres, ni ne se perdrait dans les profondeurs merveilleuses de son incomparable regard de braise. Elle l'avait vu avec elle, pourtant elle n'aurait jamais imaginé un tel scénario. Les larmes attendues lui obscurcirent la vue. Lorsque Zero lui avait fait cette curieuse demande, la première chose qui lui était venue à l'esprit, la seule chose à laquelle elle avait pensé, avait été lui. Il était le seul auprès duquel elle voulait vivre. Avant cette entrevue avec son père, elle avait déjà pris sa décision. Elle avait eu l'intention d'aller trouver Zero et de refuser son offre, jugeant préférable de vivre seule que de ne pas vivre avec celui qu'elle aimait du véritable amour, pour elle comme pour le chasseur. Mais quel était donc ce véritable amour? Cet amour n'était plus, Kaname n'avait été qu'un rêve, il ne l'avait jamais aimée. Le plus beau rêve de toute sa vie, mais juste un rêve. Elle était parfaitement éclairée pour savoir que son père lui avait annoncé cette nouvelle intentionnellement. Il n'ignorait rien de ses sentiments envers ce Sang Pur qu'il détestait tant, aussi avait-il voulu la ramener à la réalité de cette façon cruelle. Mais au fond, c'était mieux ainsi, il valait mieux qu'elle sache. Dés lors, pouvait-elle sacrifier sa vie au nom d'un seul rêve, vestige du passé?



- Le manoir est bien vide sans Kaname, fit Aïdo en soupirant, allongé sur le canapé, une main sur le front. Même s'il n'est pas bavard, sa présence emplit cette endroit.

- Mon pauvre Aïdo, tu te lamentes comme une femme qui pleure son mari parti à la guerre, se moqua Shiki.

- Tais-toi! pesta l'intéressé. D'ailleurs, qu'est-ce que ça fait après tout? Oui, il me manque, au moins, moi, j'ai le courage de l'admettre, pff.

- Il reviendra vite, dit Ren à son tour, il est parti parce qu'il avait de bonnes raisons, ajouta t-il en regardant Kain assis près de lui qui ne disait mot.

- Tu n'as pas à t'en vouloir Kain, renchérit Aïdo. Tu ne pouvais pas savoir que c'est Ruka qui voulait lui faire du tort, Kaname le sait lui aussi.

- Quand je pense qu'elle a voulu le tuer avec cette arme anti-vampire, murmura Kain en se prenant la tête dans les mains. J'aurais dû voir venir, être plus vigilent, l'éloigner de cette femme.

- Tu crois vraiment que Shina Takimora y est pour quelque chose? s'enquit Rima.

- Shina a toujours détesté Kaname, répondit Takuma à sa place, d'une voix blanche. Ce n'est pas étonnant.

Les traits de Kain se crispèrent, il serra les poings.

- Ecoute Kain, lui dit Ren après l'avoir observé, ne fais pas quelque chose que tu pourrais regretter sous le coup de la colère. Ca ne servirait à rien. Cette femme aura ce qu'elle mérite, en temps et en heure. Apaise ta vengeance, tout sera réglé le moment venu. Pour le moment, il nous faut nous occuper de Ruka, c'est tout ce qui importe.

- Tu as raison, répondit Kain en fermant les yeux. Je donnerais tout pour qu'elle redevienne comme avant.

Ren posa une main compatissante sur son épaule.

- En parlant de redevenir comme avant, lâcha brusquement Aïdo en se tournant vers ses camarades. Je crois qu'à moindre échelle, Ruka n'est pas la seule à se comporter étrangement dans cette maison.

- Qu'est-ce que tu vas encore chercher Aïdo? interrogea Shiki d'un ton las.

- Oh moi? railla t-il. Rien du tout... Les intéressés se reconnaîtront.

Sur ces mots, il dévisagea Ren et Takuma qui firent semblant de l'ignorer.



Il faisait nuit noire. Tout était si calme au dehors. Cette maison appartenait à la famille Kuran depuis des siècles, c'est ici qu'il venait se réfugier lorsque son seul silence ne suffisait plus à le tenir à l'écart des autres. Elle se trouvait au beau milieu de nulle part. Il n'y avait nulle âme qui vivait à des kilomètres à la ronde, le village le plus proche étant à une heure de voiture de là. La bâtisse était cernée par de hauts arbres qui semblaient aussi âgés que l'était sa famille. Kaname, les cheveux encore humides après la douche, avait enfilé un peignoir en soie noir et était descendu au salon. Il se tenait sur le rebord de la fenêtre qu'il avait laissé ouverte, à la quête d'un brin de fraîcheur.

- Brrr, grelota une voix féminine derrière lui.

Il se retourna.

- Bonsoir Misao, la salua t-il avec respect, je suis désolé, je n'ai pas pensé que vous auriez froid.

Misao laissa échapper la serviette qu'elle tenait entre les mains. En effet, la gouvernante avait beau avoir une soixantaine d'années, elle n'en fut pas moins choquée de le voir dans une tenue aussi légère qui ne cachait pas grand-chose de imbécile corps parfaitement sculpté . Rouge comme une pivoine, elle se ressaisit et ramassa la serviette qui était tombée. Le vampire en fut amusé, il ne la savait pas si facilement gênée.

- Maître, dit-elle en fronçant les sourcils, visiblement fâchée, vous ne devriez pas vous baladez aussi légèrement, et en plus vous avez ouvert la fenêtre! Nous sommes en novembre!

- Pardonnez-moi, répondit Kaname en passant une main dans ses cheveux . J'avais chaud.

- Huh? fit Misao en écarquillant les yeux. Chaud? Etes-vous souffrant?

Le Sang Pur esquissa un faible sourire.

- J'étais à mille lieues de m'imaginer qu'un xuegi pouvait attraper la fièvre, marmonna-t-elle . Je vais vous chercher un médicament, ajouta-t-elle à haute voix, ne bougez-pas, et par pitié Maître, fermez cette fenêtre!

Elle se hâtait déjà pour aller chercher son remède.

- Je vous en prie, l'arrêta-t-il d'une voix posée, ne vous donnez pas cette peine, je vais bien.

Elle soupira et passa près de lui pour refermer la fenêtre.

- Bon, je vais préparer le dîner, fit-elle.

- Misao, l'interpela soudain Kaname.

Elle se retourna.

- Depuis combien de temps travaillez-vous pour notre famille? l'interrogea t-il d'un air évasif.

L'expression de son visage montrait à quel point elle était décontenancée.

- Maître, je commence sérieusement à douter de votre état, lui dit-elle les mains sur la taille, comme une mère sermonnant un enfant capricieux. Vous savez très bien que je connais votre honorable famille depuis ma naissance, puisque mes parents et leurs aïeuls avant eux vous ont toujours servis. Alors pourquoi diable cette drôle de question?

Kaname s'appuya contre la fenêtre et croisa les bras.

- Je me demandais juste... N'avez-vous jamais eu peur de nous?

- Peur? répliqua la gouvernante, un petit sourire moqueur animant son visage accusé par le temps. Pourquoi donc? Votre famille a toujours été une famille respectable, il y a des xuegis qui sont des démons mais pas vous.

Misao appelaient les vampires des xuegis, abrévation de Xīxuèguǐ en langue chinoise, car elle était très attachée à ses racines, bien que fort lointaines.

- Vous est-il arrivé de nous envier? s'enquit-il sous le même ton désabusé. Le fait que nous soyons ce que nous sommes, ne pas connaître la vieillesse.

Le jeune Maître avait l'air si fatigué, pensait-elle en l'observant avec plus d'attention. Avait-il seulement dormi depuis son arrivée? Et ces questions qui ne lui ressemblaient pas, lui qui habituellement n'ouvrait la bouche que pour proférer des paroles très formelles. Quel mal le ravageait ?

- J'aime le fait de vieillir, finit-elle par répondre en souriant. Vieillir c'est vivre, c'est apprendre. L'éternité ne m'intéresse pas, et puis j'ai Tasuki, mon cher époux, je n'ai besoin de rien d'autre. Vieillir avec lui, mourir avec lui, cela suffit à mon bonheur.

Elle rit.

- Qu'y a-t-il? fit Kaname alors que la réponse de la gouvernante l'avait fortement ébranlé.

- Je désespérais de vous voir un jour manifester de l'intérêt pour quelque chose d'essentiel, répondit-elle gaiement.

- Eh bien, je ne sais pas trop comment le prendre...

Elle soupira et balança la tête.

- Maître, vous avez trop tendance à oublier ce qu'il y a ici , déclara-t-elle en posant une main sur son cœur. Or c'est là le seul endroit où réside la réponse à votre véritable question.

Elle s'inclina et retourna vaquer à ses occupations. Ses mots avaient éveillé en lui de nouvelles interrogations.



- Pff, siffla Kaito, elle est en retard...

- Qui ça elle ? demanda Zero alors qu'ils prenaient un verre dans le salon.

Au sourire malicieux de son ami, il comprit.

- Ne me dis pas que! pesta Zero en fronçant les sourcils en le foudroyant du regard.

- Quoi? eluda Kaito, plus on est de fous, plus on rit, et puis Mio a parfois des éclairs d'illumination qui la font redevenir humaine de temps en temps.

Zero ne répondit pas, il appréciait moyennement la surprise. Mio et lui se supportaient bien mieux qu'avant, il avait appris à la connaître, à appréhender ses réactions durant les traques, et elle en avait fait de même, ils y avaient mis chacun du leur afin de rendre la cohabitation professionnelle tolérable. Néanmoins, la voir ici alors qu'il était avec Yui, il se sentit soudain étrangement mal l'aise, mais essaya de balayer cette sensation qui n'avait aucune raison valable.

- Oh, fit son hôte, vous vous ne êtes pas tirés dessus et à ce qu'on dit , vous formez une équipe du tonnerre, donc je ne vois pas le problème. D'ailleurs, dis-donc, tu changes de fusil d'épaule plus vite que ton ombre toi !

- Tu m'expliques?

- Ce n'est pas toi qui disais il n'y a pas si longtemps que tu n'en étais pas ce stade avec Yui Tsuruga?

Il rit puis se tourna vers la terrasse où Yui et Yori discutaient entre femmes.

- Et aujourd'hui, elle est là, bavardant avec ma tendre petite femme, arborant fièrement la jolie bague de fiançailles que tu lui as passé au doigt.

Ce disant, ce n'était pas Yui qu'il regardait, mais Yori. Le regard qu'il posait sur elle était tellement mélancolique que Zero sut que quelque chose n'allait pas. La distance qu'il avait perçue entre eux en arrivant se confirma.

- Est-ce que tu voudrais me parler de quelque chose? demanda-t-il à son ami.

Kaito sursauta et s'arrachant à la contemplation de sa femme, se retourna vers Zero qui ne lui laissa pas le temps de répondre.

- Il s'est passé quelque chose entre Yori et toi.

Il soupira et se massa les tempes avant de répondre avec un ton blasé que Zero ne lui connaissait pas.

- Tu sais, le mariage est un combat. Tu en feras l'expérience et tu comprendras ce dont je parle...


On sonna à la porte, l'invité tant attendue venait d'arriver.

- Yori! Si tu avais vu ça! Avant-hier, Yui est entrée dans la salle du Conseil. Comme par hasard, on y était tous, ou presque. Elle est allée tout droit vers notre cher top modèle que voici, fit Kaito en donnant un coup de coude à l'intéressé qui était assis à sa droite, elle l'a regardé droit dans les yeux et lui a dit « Oui ». Si tu avais vu la tête de Zero! Et de nous autres! Parce qu'on se disait que cette superbe femme avait un sacré courage pour accepter de se faire mettre la corde au cou par ce type là. Franchement, Yui , ajouta-t-il avec malice en regardant la jeune femme en face de lui, on peut dire que tu as le sens du romantisme! Tu nous as fait un digne remake de Casablanca!

Il partit d'un rire bruyant. La plaisanterie n'avait pas plu à Zero qui lui rendit son coup de coude mais en y mettant plus de conviction..

- Kaito, intervint Yori de sa voix douce, tu ne vois pas que tu l'embarrasses?

- Mais non, répondit Yui qui se retenait pour ne pas suivre Kaito dans ses rires convulsifs, ton mari est un excellent observateur! Ca s'est passé exactement comme il l'a dit, fit-elle en regardant avec tendresse la fine bague surmontée d'une rose en or ouverte qui brillait à son annulaire gauche. Une rose... Elle était certaine que Zero avait pensé au jardin de Kyra, ce qui la touchait. Pourtant, les raisons qui l'avaient poussée à accepter ce mariage n'étaient pas les bonnes. Tout en en étant parfaitement consciente, elle tentait chaque jour de balayer ses scrupules. Zero était un homme bien. Bien que ne le connaissant depuis peu, auprès de lui, elle savait que sa vie s'écoulerait dans la paix, ce qui était un comble au vu de ses activités. Elle était prête à le soutenir, à l'attendre lorsqu'il rentrerait au petit matin, à l'écouter quand il n'aurait pas le moral. Elle allait être femme de chasseur, elle avait choisi. Mais ô combien fortes étaient ses convictions, ô combien elle se préparait psychologiquement à cette voie qu'elle avait choisi d'emprunter, cet homme à qui elle avait promis de se lier pour la vie n'était pas lui, Zero n'était pas Kaname. Un éclair de tristesse passa sur son visage.

- Tu n'as pas l'air de jubiler pour une future mariée, trancha la voix de Mio assise à gauche de Kaito.

Tout à coup, la salle à manger devint glacée. Tout le monde s'était tu. Chaque visage exprimait un sentiment différent. Yori était interloquée, Kaito intrigué, Zero furieux, et Yui affolée, telle une voleuse qu'on venait de prendre sur le fait. Mio, indifférente aux regards des autres, la fixait, elle. Cette rousse pulpeuse et sauvage la foudroyait de son regard azur qui n'exprimait nulle sympathie à son égard.

- Toi, gronda soudain Zero, de quoi tu te ...

Il n'eut pas le temps de finir sa phrase. Yori, qui s'était levée, venait de s'écrouler sur le sol.



- Alors docteur, demanda Kaito, défiguré par l'inquiétude, au médecin qui refermait lentement la porte de leur chambre. Est-ce qu'elle va bien?

Mio, Zero et Yui se tenaient à quelques pas derrière lui.

- Oui, répondit le jeune médecin en souriant, les yeux pétillants derrière ses petites lunettes. Elle n'est pas malade... à moins que vous considériez la grossesse comme une maladie.

Tout se mit à tourner autour de Kaito, sa vue se troublait, il prit appui sur le mur et essaya de reprendre ses esprits. Zero vola à son secours.



- Je peux entrer? demanda timidement Kaito qui se tenait sur le seuil de la porte.

Yori se tourna lentement vers lui, et acquiesça d'un signe de tête. Son mari s'assit sur le rebord du lit et caressa sa joue en la couvant d'un regard empli d'amour. Elle avait l'air si perdue, ses yeux étaient voilés, son visage blafard.

- Le médecin nous a annoncé...

- Nous? murmura-t-elle .

- Oui, Zero , Mio et Yui étaient là .

Ainsi, ils étaient eux aussi au courant...

- Yori, j'ai été choqué, je l'admets, continua-t-il.

Il se pencha vers elle et posa sa tête sur son ventre.

- Mais je suis si heureux, souffla-t-il en fermant les yeux. Ces derniers temps, j'ai eu peur pour nous, je te trouvais... pas comme d'habitude. Je te demande pardon, je ne suis qu'un barbare. Je suis un bon chasseur, mais un piètre mari. Tout ce temps, tu portais notre enfant, et je ne me suis rendu compte de rien. Tu me pardonnes, hein ma Yori?

Ce fut la première fois que Kaito pleurait. Les larmes perlaient de se ses paupières closes mouillant le ventre de sa femme. Elle était incapable de réagir, incapable de dire les mots, juste ce dégoût d'elle-même, une culpabilité sans nom, et l'absence du père de cet enfant qui était la pire des punitions. Lorsqu'elle s'était rendue à la villa blanche pour la dernière fois, le majordome lui avait tendu un mot. En le dépliant, elle avait ouvert la porte sur les abysses. Son vampire s'était envolé. Alors qu'elle s'y était préparée depuis le début, elle n'avait pu retenir ses larmes, elle n'avait pu redevenir elle-même, errant chez elle, aveugle au monde extérieur et à Kaito. Elle savait depuis deux semaines déjà qu'elle était enceinte, mais elle n'avait pas voulu y croire, repoussant l'idée, cherchant d'autres théories pour expliquer l'état dans le lequel elle se trouvait. Mais à présent, la réalité l'avait rattrapée, emmenant dans son sillage Kaito et ses amis. Elle n'avait pas besoin d'analyses pour savoir de qui était cet enfant. L'esprit d'une femme était un mystère insondable. Et alors qu'elle devait penser à remédier à cette grossesse maudite, elle aimait déjà ce bébé, le bébé de la trahison et de la honte, car c'était celui de Ren. Elle l'avait perdu lui, mais ne laisserait personne lui enlever ce qui la rappellerait toujours à son magnifique souvenir. A cet instant, même les larmes de Kaito ne pouvaient lui faire faire machine arrière. Si tel était son destin, elle n'allait pas s'y dérober.



- Que d'émotions! fit Zero , alors qu'il avait raccompagné Yui jusque chez elle.

- A qui le dis-tu... répondit-elle en souriant. Je suis contente pour eux. Yori est vraiment une fille super, je suis sûre que la fille de Kaien était une personne aussi adorable qu'elle.

- Pourquoi tu dis ça?

- Yori m'a appris que Yuki était sa meilleure amie, j'en déduis qu'elle devait être aussi gentille qu'elle. De toute façon, ça ne peut être que vrai, vu les grandes qualités de cœur de son père.

- Fais attention, murmura Zero en la prenant par la taille, et l'attirant vers lui pour la serrer dans ses bras. Je vais finir par être jaloux de ce vieux croulant.

- Et moi alors? souffla-t-elle contre son torse. Je pourrais être jalouse moi aussi, de ta collègue Mio. Elle est très belle.

- Pas autant que toi, répondit le chasseur en lui soulevant lentement la tête et la fixant de ses yeux félins.
En parlant de ça, je suis désolé, elle est partie trop loin...

- T'en fais pas pour ça, coupa Yui, elle a du caractère, c'est tout. Et elle s'inquiète pour toi, c'est normal.

- Inquiète? railla t-il. C'est à peine si on peut rester ensemble trois minutes sans se prendre à la gorge. Cette fille-là me déteste, et je dois dire que c'est réciproque.

- Si tu le dis.

Zero se pencha vers elle et l'embrassa longuement. Ses mains glissaient le long de ses reins. Même sous son manteau, il pouvait deviner toute la douceur de sa peau. Quittant ses lèvres, il descendit vers son cou, sur lequel il déposa de petits baisers langoureux. Elle fermait les yeux, les caresses sensuelles du chasseur ravivaient des souvenirs brûlants et douloureux.

- J'aimerais pouvoir accélérer le temps, rien que pour être déjà à notre nuit de noces, Madame Kyriu, murmura-t-il entre sa gorge.

Elle avait décidé de ne se donner à lui qu'au premier soir de sa vie d'épouse. Elle avait été heureuse que le beau chasseur acceptât cette décision sans broncher, de toute façon, ils allaient franchir le pas dans deux semaines. La date avait été vite fixée, pourquoi attendre, puisqu'il n'y avait aucune raison. Elle devinait sa nature fougueuse, elle ne doutait pas qu'il serait un incroyable amant.

Après qu'ils se furent séparés, Zero prit le temps d'apprécier le vent du soir avant d'ouvrir la porte de sa voiture.

- Ca fait quoi pour un chasseur de perdre sa précieuse liberté?

Cette voix...Zero se retourna vivement. Il n'avait pas rêvé, cette voix venue du passé, c'était bien la sienne. Ichiru se tenait devant lui, souriant. Zero cligna des yeux plusieurs fois de suite pour s'assurer qu'il n'était pas victime d'une hallucination, mais il était bien là , il était bien bel et bien de retour. Il avait laissé pousser ses cheveux qui lui retombaient devant les yeux, il était vêtu d'une paire de jeans usés, et d'un long manteau bleu nuit en col mao, ouverte sur une chemise d'un bleu plus clair qui lui tombait jusqu'aux hanches. Son frère avait l'air vaguement dangereux.

- T'en fais une tête, dit-il d'un air moqueur, on dirait que tu viens de voir un fantôme.

- Et ça t'étonne? rétorqua Zero d'un ton sec en se ressaisissant. Ca fait cinq ans, et pas de nouvelles. Il ne t'est pas passé par la tête que les parents se rongeaient les sangs à ton sujet, surtout maman?

Il eut un petit rire sarcastique.

- Oh, je suis sûr qu'elle s'en est remis. Après tout, elle t'a toujours, toi. Elle n'a pas dû être longtemps chagrinée.

- Oh pitié! s'exclama Zero, exaspéré. Tu ne vas pas remettre cette histoire sur le tapis.

- Non, en effet, répondit son frère en s'approchant de lui. Je ne suis pas là pour ça.

- Alors pourquoi tu es là?

- En voilà des manières d'accueillir son jumeau après tant d'années, railla-t-il.

- Je suis content que tu ailles bien, répondit Zero à voix basse après avoir poussé un long soupir, à un moment j'ai bien crû que tu étais mort. Mais au fond, j'ai toujours su que tu étais vivant, quelque part.

Ichiru le prit brusquement dans ses bras.

- Et moi je suis heureux d'être revenu, murmura-t-il avec une étrange lassitude.

Il se redressa puis, sous l'œil interrogateur de son frère, contourna la voiture et se tint près de la porte côté passager.

- Bon, tu m'ouvres?

- Quoi?

- Eh bien oui, répondit-il, tout sourire aux lèvres. J'en ai un peu marre des hôtels, je me suis laissé dire que je serai bien mieux chez toi.

Zero sourit et passa une main dans ses cheveux.

- Vu que tu dois avoir beaucoup à me raconter, je ne suis pas contre.

- Sauf qu'avant de raconter, il faudra que tu m'expliques ce que tu fiches avec la fille de ce serpent de Tsuruga, alors que tu as une petite collègue qui est particulièrement appétissante.

Zero en resta bouche bée.

- Allez frangin , ouvre-moi, il fait froid.





Aya se tenait sur le seuil de la porte d'entrée. Shina se trouvait à l'extérieur, une valise à la main.

- Je crois que nous pouvons oublier les politesses d'usage, dit la plus jeune des sœurs Takimora avec froideur.

- Je reste ta sœur, et ça ne changera jamais quoique tu fasses, répliqua Shina avec tristesse.

- Oui, tu n'as pas besoin de me le rappeler, rétorqua Aya sans se laisser émouvoir. Nos liens sont ceux qu'ils sont, mais il est préférable que nous ne vivions plus sous le même toit. Dans un futur proche je n'aurais peut-être pas pu répondre de mes actes. Au revoir Shina.

Elle referma la porte et alla dans le salon. Assise derrière le bar qui faisait l'angle, elle se servit un verre. Après le départ de Kaname cette fameuse nuit, Shina n'avait rien voulu lui dire. En désespoir de cause, elle avait appelé au manoir Kuran et avait été soulagée d'entendre la voix de Rima et non celle de Takuma, à ce moment-là, elle n'était pas encore prête à lui parler. Rima lui narra toute l'histoire, évidemment sans mentionner sa sœur aînée . Mais Aya n'avait douté un seul instant qu'elle y était étroitement mêlée, au vu de la fureur de Kaname. En raccrochant le combiné, elle était allée trouver Shina, qui ne nia pas mais ne confirma rien, enfermée dans son silence. Les semaines qui suivirent, Aya avait fait de son mieux pour l'éviter, mais aussi grande que fut leur demeure, elle n'en restait pas moins limitée. Sa colère et son dégoût envers sa sœur s'étaient accrus de jour en jour, l'idée que le propre sang de sa chair ait pu intenter à la vie de l'homme qu'elle aimait lui était insoutenable. Répulsion, haine, envie de meurtre, voilà désormais tout ce qui lui inspirait Shina, alors que durant toute sa vie, elle s'était efforcée de n'éprouver aucun de ses sentiments désagréables. Elle, Aya Takimora, qui n'était aux yeux des autres qu'une femme de cour agréable et résolument optimiste, était à présent marquée au fer blanc du sceau de la honte. Elle savait sa sœur insensible et savait l'aversion qu'elle éprouvait envers Kaname Kuran, mais jamais elle n'aurait pu ne serait-ce qu'envisager un tel scénario. Et alors que les questions restées sans réponses avaient empli son esprit pour ne plus le quitter, elle avait signifié à sa sœur son désir de quitter leur demeure.

- Puisque tel est ton désir, lui avait répondu Shina d'une voix blanche, c'est à moi de partir.

A présent, elle s'en était allée, emportant avec elle leurs années de tendre complicité. Aya se retrouvait seule, face à elle-même. Où était Kaname? Elle aurait eu tellement envie qu'il fut là, auprès d'elle, en cet instant.

- Où es-tu Kaname... murmura-t-elle.




Le vent se déchaînait. Kaname avait fermé les volets de sa chambre et avait réussi à trouver le chemin du sommeil. Mais il avait toujours aussi chaud. Misao avait raison, un xuegi ne pouvait être malade, mais alors d'où pouvait donc provenir cette fièvre qui ne faiblissait pas? En sueur, le corps nu entièrement découvert, il sombra dans un sommeil agité et se retrouva dans un endroit désertique. Il était habillé mais le soleil lui brûlait la peau. Il chercha des yeux un coin d'ombre, mais il n'y avait rien, rien à part la terre brûlante sous ses pieds et les rochers disséminés ça et là, rien que ce désert à perte de vue. Il enleva sa chemise trempée sous l'atroce chaleur. Il la jeta sur son épaule. Torse nu, les rayons de ce soleil infernal consumaient ses yeux de vampires, ses cheveux humides lui collaient à la peau, sa gorge était horriblement sèche. Il entreprit d'explorer les environs, à le recherche de quelque chose ou de quelqu'un. A sa grande surprise, ses pieds étaient collés au sol, une étrange gravité l'empêchait de les soulever. Il lutta, lutta, en vain. A bout de forces, il ferma les yeux puis les rouvrit. Une ombre lui obscurcissait la vue. L'ombre s'éclaircit de plus en plus et il finit par voir. Elle se tenait devant lui, à quelques mètres seulement, vêtue d'une longue robe blanche, ses longs cheveux surmontés d'une couronne de fleurs blanches et flottant dans un vent qu'il ne sentait pas. Elle était plus belle encore, plus rayonnante, un ange envoyé des cieux pour le sauver de cet affreux désert. Elle pleurait à chaudes larmes. Elle pleurait? Mais pourquoi? Il ne supportait pas de la voir pleurer. Il fallait qu'il la rejoigne, qu'il la prenne dans ses bras, qu'il lui dise, qu'il lui avoue, il la sauverait de sa tristesse, elle le sauverait de cette sècheresse. Il se débattit comme un loup en cage mais ses pieds ne voulaient pas obéir. Elle tendait les bras vers lui, il essayait de toucher ses mains, mais elle était trop loin. Voyant qu'il n'y arrivait pas, elle cacha son visage dans ses mains, les larmes striant toujours son visage. Soudain, le vent sur elle souffla plus fort. C'est alors qu'il apparut derrière elle, entouré par deux ombres revêtues de cape, dont il ne distinguait pas les visages. Il avait toujours le même air sadique, ses yeux , l'un bleu, l'autre marron, étaient encore plus démoniaques que dans son souvenir, le même sourire diabolique animait son visage pâle.

- Comme on se retrouve, mon cher neveu, fit-il de sa voix rauque en ricanant. Ou devrais-je dire... mon vieil ami !

Kaname, fulminant d'une rage depuis trop longtemps contenue, voulut lui lancer une attaque, mais rien ne vint.

Il ricana de plus belle.

- Ceci est ton rêve. Ca voudrait donc dire qu'au fond de toi, tu ne voudrais pas vraiment me tuer n'est-ce pas? Excellente théorie. Après tout, je t'ai donné une seconde vie!

Kaname serrait les dents. Ceci ne pouvait être vrai, il n'avait toujours aspiré qu'à une chose, pouvoir être débarrassé à jamais de ce monstre.

- Par contre, tu m'excuseras j'espère, je prends mes aises.

Kaname le vit avec horreur incliner la tête de Yui et approcher ses canines acérés de sa gorge.

- Non, souffla t-il se débattant toujours désespérément.

Rido passa sa langue sur sa veine.

- Elle est à moi à présent, tu n'en as pas voulu, alors c'est moi qui vais façonner son destin!

Il planta ses crocs dans sa chair et elle se laissa faire, ses grands yeux chocolat embués de larmes tournés vers Kaname, impuissant face à cet horrible spectacle. Rido but longuement, très longuement, le cœur du Sang Pur se brisait. Soudain, un éclair fendit le ciel. Une lumière descendit sur le corps inerte de Yui qui se transforma sous ses yeux en la bête la plus immonde que le monde eut créée, une créature à la tête de hyène sur un corps aussi imposant que celui d'un ours, mais dépourvu de poils. Sa peau presque transparente et hideuse était recouverte de pustules , lacérée de toutes parts. A l'extrémité de ses mains, d'immenses griffes jaunies, de la bave suintait de sa gueule ouverte et affamée, ses yeux jaunes et purulents le fixaient avec une dégoûtante férocité. La créature poussa un hurlement effroyable, la tête hissée vers le ciel. Yui était devenue un yushen et elle le voulait, lui.

- Du calme, susurra Rido d'une voix mielleuse en lui caressant les épaules, nous reviendrons pour lui, nous reviendrons bientôt...

Rido, les deux ombres et la bête s'éloignèrent peu à peu dans ce vent qui soufflait sur leur funeste cortège. Avant qu'ils ne disparurent totalement de sa vision, la bête s'était retournée une dernière fois vers lui, et les yeux jaunes et purulents étaient l'espace d'une seconde redevenus marrons chocolat, l'espace d'une seconde, Yui l'avait supplié de la sauver.

Il se réveilla en sursaut. Il mit longtemps à retrouver sa respiration et son calme. Oui, cela n'avait été qu'un cauchemar, mais il ne pouvait s'empêcher de penser que ce songe d'horreur avait une signification. Pourquoi Rido lui avait-il pris Yui? Pourquoi n'avait-il pas été capable de bouger et de la sauver? Et pourquoi ce rêve avait réveillé à son souvenir ces créatures du passé qu'aucun vampire n'osait mentionner? Kaname ne put soustraire à sa mémoire les yeux de Yui, ces yeux qui pleuraient, ces yeux qui suppliaient.



- Alors, comment va-t-elle aujourd'hui? lui demanda Ren.

Kain venait de le rejoindre sur la terrasse du salon.

- Oh, répondit-il, elle va mieux, mieux que ce que j'avais espéré. Elle a honte, mais elle est consciente de la folie de son geste.

Il soupira et glissa une main dans ses cheveux roux illuminés par les rayons de l'astre lunaire, qui ce soir, était rond et plein. Les deux vampires semblaient encore plus irréels tant il les honorait de sa splendide lumière.

- On peut dire... que c'est ton amour qui l'a sauvée, murmura Ren, les yeux gris sondant le silence qui émanait du luxuriant jardin du manoir. Je ne te blâme pas Kain. J'admire ta patience. Attendre celle que tu aimes, c'est beau.

- Je ne veux pas te paraître le complice d'Aïdo, lui dit Kain de sa voix posée, après l'avoir observé, mais je vois bien que quelque chose te tracasse, ou plus exactement, quelqu'un. Si tu as besoin d'aide, tu peux compter sur moi.

- Parfois, on croit se connaître, mais il nous arrive de nous tromper et alors toutes nos convictions sont réduites en cendres, répondit Ren en se tournant vers son ami. Je te remercie Kain, mais je crains que personne ne puisse rien faire pour moi en l'état actuel des choses.



Shiki poussa la porte de Rima.

- Ca t'arrive de frapper? lui lança-t-elle d'un ton faussement contrarié.

Sa chambre était bien chauffée, elle portait une petite robe verte aux manches longues et était allongée sur son lit, un livre à la main. Shiki vint s'asseoir auprès d'elle.

- J'ai toujours tendance à croire que c'est ma chambre, lui fit remarquer Shiki en lui décochant un sourire désarmant. Et puis... j'avais faim, railla-t-il.

Elle fit la moue et se mit sur le côté, lui tournant le dos. Shiki lui caressa alors ses longs cheveux blonds qu'elle avait détachés. Elle frémit.

- Tu sais, je pense qu'on donnerait moins de travail aux femmes de ménages si on partageait la même chambre, bonne idée non?

Il la renversa sur le dos et s'allongea sur elle.

- Mauvaise idée, répliqua-t-elle calmement ses yeux plongés dans les siens. Je ne suis pas sûre qu'on se supporterait.

Il s'approcha de ses lèvres qu'il prit avec grande douceur, puis il couvrit son front de baisers.

- Tu m'as manqué Rima, murmura-t-il entre deux baisers.

Elle se redressa et retira elle-même sa robe. Puis elle enleva la fine chemise en lin blanche qu'il portait et parcourut son torse nu de ses lèvres tout en défaisant sa ceinture. Il la renversa une nouvelle fois sur le lit et prit son visage entre ses mains pour mieux la regarder.

- Comment pourrais-je te manquer? répondit-elle à voix basse en touchant du bout des doigts l'une de ses mains. Je suis là, je serai toujours là. Viens, imbécile.

Il s'exécuta, seuls leurs faibles soupirs vinrent troubler le silence de la chambre.



- Qu'y a-t-il Aïdo? s'enquit Kain alors que son cousin venait de pénétrer dans le salon, le visage fermé.

Il tenait une enveloppe ouverte dans la main ainsi qu'une lettre dépliée. Ren le lui prit des mains, et ses yeux s'écarquillèrent en la lisant.

Ce fut à ce moment qu'ils se retournèrent. Kaname était de retour et se tenait là, devant eux. Les trois vampires, pris au dépourvu, restèrent figés.

- Eh bien, fit le Sang Pur, je m'attendais à un accueil plus chaleureux.

- Bonsoir! répondirent-ils à l'unisson.

Kaname eut un petit rire et s'avança vers eux. Il remarqua l'enveloppe que tenait Aïdo dans la main et y lut son nom.

- Tu lis mon courrier maintenant Aïdo? lui demanda-t-il froidement.

- Heu... Excuse-moi Kaname, balbutia-t-il. Comme tu n'étais pas là, je pensais que c'était peut être important.

- Je te remercie de ta prévenance, rétorqua-t-il en tendant une main vers Ren qui lui remit la fameuse lettre.

Ses yeux parcoururent le billet avec attention. Son visage n'exprima rien de significatif.

- Excusez-moi, leur dit-il enfin. J'ai bon nombre de choses à faire.

Il quitta la pièce, la lettre serrée dans la main droite. Ren ne le quitta pas des yeux.

« Jusqu'où peut aller un homme? » pensa-t-il en son for intérieur.
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MessageSujet: Re: PRINCE OF BLOOD   PRINCE OF BLOOD Icon_minitimeJeu 3 Juin - 17:03

Citation :
Ah oui en effet, je vais avoir de la lecture ! Je lirais tout ça dans la soirée (sous entendu dans le mois à venir). x) Merci du post !

Il n'y a pas de quoi! Tu verras, je pense que ça se lit facilement si on s'imprègne de l'histoire. C'est de ma faute, j'aurais dû poster au fur et à mesure, mais comme je te l'ai dit, je pensais que personne ne me lisait, excuse-moi encore.
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MessageSujet: Re: PRINCE OF BLOOD   PRINCE OF BLOOD Icon_minitimeJeu 3 Juin - 17:05

CHAPITRE NEUVIEME


A L'AUBE DU PREMIER MATIN




L'épingle s'accrocha à son épaule. Elle laissa échapper un petit cri de douleur.

« Elle pourrait faire attention », maugréa-t-elle intérieurement.

- Oh! Je suis désolée Mademoiselle! Je vous ai fait mal?

« Quelle question! Ca fait un mal de chien »

- Heu non, répondit-elle en décochant un sourire forcé à la styliste du magasin, qui prenait à cœur de la torturer depuis plus d'une heure.

Debout, sur ce tabouret, elle commençait à avoir des crampes. Jun Kyriu observait. Assise dans le confortable fauteuil en face des deux femmes, elle semblait beaucoup s'amuser.

- Désolée Yui, fit sa joviale future belle-mère en pouffant de rire, ça me rappelle des souvenirs!

La styliste poussa un soupir soulagé.

- Voilà, c'est terminé! Regardez-vous, dit-elle en prenant les épaules de Yui et la tournant vers l'immense miroir ovale qui dominait la pièce.

Dans ce miroir, Yui vit une jeune femme brune parée d'une robe digne d'une reine. Le haut de la robe était un bustier en cœur décoré de broderies perlées formant une rose dorée, la jupe était relevée en ballon avec des appliquées perlés formant une ouverture sur le devant et se terminait par une petite traîne. La tortionnaire venait de rajouter des manches à cette superbe parure, Yui étant une mariée de décembre.

La mère de Zero se leva et s'approcha pour lui faire face dans le miroir.

- Splendide, complimenta t-elle, un sourire ému aux lèvres.

- Je ne pensais pas que les chasseuses pouvaient s'émouvoir de ce genre de choses, la taquina Yui en se penchant vers son oreille pour ne pas effrayer la styliste.

- Oh! s'indigna Jun. J'ai peut-être traqué des monstres, mais je n'en suis pas un, moi! En vérité Yui, tu me déçois, ajouta-t-elle une main théâtralement posée sur le cœur. Car vois-tu, je suis une grande sentimentale.

Yui partit d'un rire bruyant. Elle aimait la compagnie de Jun, c'était une femme joviale et d'une franchise déconcertante. La première fois que Zero l'avait emmenée chez ses parents, elle l'avait de suite appréciée, à présent, ce sentiment s'était accentué. Jun était survoltée à l'idée de ce mariage et ne se privait pas pour le montrer. Elle avait traîné sa future bru dans les meilleurs magasins de la ville, afin de l'aider à choisir ce qu'elle porterait le jour J, ou plutôt, afin de choisir à sa place ce qu'elle porterait, comme cette robe par exemple. Culpabilisant à l'idée de lui enlever cette joie, la jeune femme s'était prêté au jeu d'être la poupée de Jun pendant cette journée. Il n'en restait pas moins que la splendeur de cette robe lui brûlait les yeux, car elle ne contrastait que trop avec la pâleur de son cœur.

- Ah! soupira Jun en sortant de la boutique, les bras chargés. Je suis soulagée, cette journée à été très fructueuse, même si je t'avoue que j'avais quelques craintes.

Yui l'interrogea du regard.

- Eh bien oui, continua-t-elle, j'avais peur que nous n'ayons pas le temps de tout faire, et de le faire bien! Parce que, franchement, on peut dire que vous n'avez pas perdu de temps! Vous êtes si jeunes tous les deux. Ce mariage est arrivé si vite que j'en ai le tournis.
« Vous n'êtes pas la seule », pensa Yui.

- Zero ne voulait pas attendre, précisa la jeune femme en souriant.

- Ah! Mon fils! Il a toujours été la tempête, déclara sa mère le regard empli de tendresse.

Elle se tourna vers Yui.

- Tu sais, quand je vous ai vus la première fois, je n'étais pas dupe. A sa façon de te regarder, j'ai su que quelque chose chez mon Zero avait changé. C'était la première fois que je le voyais regarder une femme de cette façon.

Ses paroles touchèrent l'âme de la jeune femme. Si elle était capable d'offrir à Zero ne serait-ce qu'un peu de bonheur, elle s'y emploiera de son mieux, s'il était vrai qu'elle avait pû atteindre le cœur du chasseur, elle ne se dérobera pas à son devoir et fera son possible pour devenir au fil du temps l'épouse qu'il méritait d'avoir à ses côtés.

- Dites-moi Jun...

- Hum, acquiesça-t-elle d'un signe de tête.

Yui ne savait exactement de quelle manière formuler la chose, mais se jeta à l'eau.

- Vous avez... vous avez dû pleurer lorsque vous avez revu votre fils.

Jun interrompit sa marche et Yui fit de même. Elle l'observa, la mère de Zero regardait fixement le soleil qui s'endormait lentement.

- J'ai pleuré oui, admit-elle. J'ai pleuré deux jours et deux nuits entiers. Lorsque je l'ai vu arriver avec Zero, j'ai été projetée des années en arrière, lorsqu'ils étaient encore enfants, et avaient encore besoin de moi. Ils étaient là tous les deux, devant moi, et je me revoyais, leur faisant la lecture le soir pour qu'ils s'endorment, avant que Sho et moi partions pour faire notre accomplir notre devoir. Ce que j'ai ressenti en revoyant mon Ichiru, il n'y a pas de mot assez fort pour le décrire. C'était comme si on m'avait ramené à la vie... Mon fils, mon tout petit...

Ses yeux se remplirent de larmes timides. L'émotion scellait la bouche de Yui.

- Ce soulagement, reprit Jun, ce bonheur... Comme Zero, j'ai toujours su qu'il allait bien, mais son absence a été un calvaire, et même s'il continue à penser qu'on lui préfère son frère, je remercie le ciel, je suis la plus reconnaissante des mères.

Elle essuya ses larmes d'un revers de la main et se tourna vers Yui en souriant.

- Tu vois? Je te l'avais bien dit que j'étais une incorrigible sentimentale.

Yui lui rendit son sourire et elles reprirent leur route. Elle n'avait pas encore rencontré Ichiru. Lorsque Zero lui avait annoncé la nouvelle, elle en était restée bouche bée, mais avait été si heureuse et soulagée pour cette famille dont les liens avaient été si durement éprouvés par le départ soudain d'Ichiru.
Demain, lors du dîner organisé chez les Kyriu, elle allait enfin le rencontrer, elle avait hâte mais était à la fois un peu stressée. Après tout, Zero et lui étaient jumeaux. Quel effet cela lui fera t-il lorsqu'elle se retrouvera face son double?




De retour chez elle, les yeux de Yui furent attirés par un cahier ouvert posé sur un petit meuble de rangement alors qu'elle passait dans le couloir menant au living-room. S'en approchant, elle parcourut distraitement ce qui y était notifié. Son père avait semblait-il donné des instructions précises à Chidori, elle était en charge d'envoyer des invitations. Elle avait barré les noms au fur et à mesure. Yui eut un sourire blasée. Elle avait laissé à son père toute la liberté d'inviter qui il souhaitait, son cercle de connaissances étant limité, elle n'avait pas jugé utile de donner son avis. Pourtant, c'était de son propre mariage qu'il s'agissait. Elle tourna la page. Le cahier lui tomba des mains. Se précipitant vers le bureau de son père, elle entra sans prendre la peine de frapper.

- Qu'est-ce que ça signifie?! vociféra t-elle en posant ses deux mains sur le bureau paternel et le fixant avec fureur.

- Ma fille, je sais que dans une semaine, tu seras libérée de ton affreux père, lui dit-il calmement en souriant, mais ce n'est pas une raison pour oublier les bonnes manières.

- Parlons de vous, Père! Et vous? Que pensez-vous de vos manières?

- Yui, je ne suis pas un mage, répliqua-t-il en soupirant. Si tu m'expliques, j'essaierai de te répondre.

- Vous avez invité Kaname Kuran à mon mariage, lâcha-t-elle froidement à voix basse. Pourquoi?

Pour toute réponse, il lui décocha un sourire avant de se replonger dans ses dossiers.

- Je te prie d'enlever tes mains de ce bureau, lui signifia t-il sans la regarder, j'ai du travail, je n'ai pas le temps de répondre à de vaines questions.

- Vaines questions?! s'exclama t-elle, indignée, en tapant du poing.

C'était la première fois qu'elle s'emportait ainsi avec son père. Elle avait toujours pris soin de se contenir, même dans les pires moments, même lorsqu'au fond d'elle-même, elle avait eu envie de lui sauter à la gorge, tout ceci , par égard pour Kyra. « Apprends le pardon », lui avait-elle dit un jour, « ton père n'est pas un homme mauvais ma fille, ne laisse pas la colère ou la haine dominer ton esprit, qu'importe ce qu'il te dira ou fera ». En mémoire de sa mère, elle s'était toujours efforcée de ne pas élever la voix contre lui, de ne pas céder à ses pulsions, mais ce qu'il venait de faire dépassait les limites de ce qu'elle pouvait supporter.

- Vous n'aviez pas le droit! de me faire ça...

Sa voix se brisa dans sa gorge . Se redressant lentement, elle lui tourna le dos et se dirigea vers la porte, restée ouverte.

- Je l'ai fait pour qu'il voit de ses yeux qu'il a perdu, lança Taka d'une voix rude.

Elle se retourna. Il la regardait fixement. Des larmes lui montèrent aux yeux.

- Perdu quoi, Père? murmura-t-elle d'une voix étranglée.

- Ce qu'il convoitait, répliqua-t-il, indifférent au chagrin de sa fille. Kaname Kuran a appris qu'on ne peut se moquer impunément de Taka Tsuruga. Ne me prends pas pour un fou, je connais la nature des sentiments que tu crois éprouver pour ce Sang Pur, et je sais aussi qu'il t'a rejetée.

Les larmes de Yui redoublèrent.

- Pleure pour lui ma fille, continua son père du même ton implacable, pleure maintenant, parce que dans quelques jours, tu ne pourras plus le faire en face de ton mari. Kaname Kuran a juste voulu s'amuser avec toi. Ainsi sont les Kuran, sans pitié. S'il vient à ce mariage, il te verra t'unir à un autre, il fera face à sa propre défaite, et cette idée me plaît assez vois-tu. Quant à toi, peu m'importe si tu aimes ton mari ou non, il n'y a qu'une chose qui m'intéresse. Efface ce nom maudit de ta mémoire et enterre-le à jamais.

Après un long silence, elle ferma ses yeux humides.

- Comment pouvez-vous haïr une personne à ce point? chuchota t-elle.

Elle se retourna et sortit en refermant la porte en silence. Après son départ, l'homme de fer se plongea dans ses pensées. Oui, il haïssait Kaname Kuran, mais était-il possible que Yui le haïsse de la même manière?




- C'était sûrement une de mes dernières parties de chasse aux côtés d'un homme libre, lui lança Mio alors qu'ils rentraient au siège du Conseil.

Il ne semblait y avoir personne dans la salle principale.

- Je suis fatigué, déclara sèchement Zero. Je ferai mon rapport demain. Salut.

Sur ce, il se détourna et se dirigea vers la sortie.

- Je désespérais, j'ai bien crû que tu étais devenu muet, railla Mio derrière lui. Ca ne m'aurait pas déranger plus que ça, mais je me demandais ce que j'avais bien pu faire pour te mettre en colère.

Zero s'arrêta et se retourna. Elle était assise sur une table près d'une étagère immense remplie de livres en tous genres, les jambes croisés. Ses yeux azur le scrutaient.

- Tu fais semblant de l'ignorer? lui demanda froidement Zero en fronçant les sourcils.

- Vas-y, éclaire-moi.

Il soupira.

- Je n'ai rien à ajouter.

Il pivotait déjà sur ses talons quand la voix grave de la chasseuse l'arrêta.

- Je vois. Mais si tu attends des excuses, tu risques d'être déçu. Je ne regrette jamais rien de ce que je dis ou fais. Cette fille-là n'est pas faite pour toi, et même si je ne te connais pas depuis longtemps, je sais que ce mariage ne te ressemble pas.

Brusquement, Zero se retourna et traversa la pièce à grandes enjambées pour la rejoindre. Il fut près d'elle si vite qu'elle n'eut pas le temps de bouger. Se penchant vers elle, il l'encadra de ses deux bras, posés sur la table, et la fixa d'un air si menaçant que pendant un instant, la belle assurance de la rousse chasseuse s'évanouit.

- Tu n'avais pas à lui parler de cette façon, gronda-t-il en ne la lâchant pas du regard. Tu es allée trop loin.

Mio ne répondit pas. La raison de ce silence résidait dans le fait qu'elle luttait intérieurement pour ne pas répondre à l'appel de ses yeux violets. Mais elle luttait contre un moulin à vent. Ce regard de fauve, ce regard de chasseur indomptable et indompté, l'aspirait dans une spirale infernale. Zero, furieux qu'elle ne se défendit pas face à ses accusations, crispa encore plus ses doigts sur le bureau et se pencha instinctivement un peu plus vers elle. Il était en colère, il avait passé cette colère sous silence pendant une semaine. Mais à présent, elle était là, à sa merci, il attendait quelque chose d'elle.

- Excuse-toi, lui ordonna t-il entre ses dents.

- Non, parvint-elle à articuler en fronçant les sourcils pour se donner une contenance.

Elle ne se souvenait pas avoir jamais vu un tel regard. Elle ne se souvenait pas de la dernière fois où elle avait ressenti une attirance aussi incontrôlable envers un homme. Cela lui était insupportable. Bien sûr, elle avait connu beaucoup d'hommes, mais aucun d'entre eux n'avait su la troubler, aucun d'eux n'avait su susciter un véritable intérêt. Son père, Sefuru Seburi, lui avait bien appris. Il ne lui avait pas appris à détester les hommes, non, mais il lui avait appris la maîtrise de soi, il lui avait appris ce que c'était que d'être une meneuse. Alors qu'elle venait de prendre la relève, il lui avait prodigué un ultime conseil, être sans pitié et sans regrets, cela avait sous-entendu également envers les hommes. Mais pouvait-elle appliquer ces règles auxquelles elle vouait un grand respect face à un homme tel que Zero? De son côté, il fut saisi de ressentir une seconde fois ce qu'il avait ressenti lors de leur première chasse. Ces yeux azur et sauvages le retinrent captifs l'espace d'un instant. Elle le provoquait ouvertement, elle ne voulait pas céder et admettre ses torts. Quelle punition serait assez appropriée pour écraser une telle impertinence, venir à bout d'un tel tempérament? Il ne prit plus le temps de trouver la réponse. N'obéissant plus à son esprit, ses mains décroisèrent violemment les jambes de Mio et la prenant par la taille, il l'attira à lui d'un geste sec et il se retrouva serré entre ses cuisses. Glissant une main dans ses cheveux frisés, il caressa sa bouche pulpeuse de l'autre main avant de se pencher vers elle. Il la sentit frémir contre lui, un petit soupir s'échappa de sa bouche entrouverte. Se rapprochant encore, ses lèvres prirent le chemin qui menait aux siennes, mais contre toute attente, il se figea alors que sa bouche se trouvait à deux centimètres à peine de celle de l'incendiaire jeune femme. Elle attendit, tendant inconsciemment les lèvres, il ne fit rien. Elle sentait son souffle chaud pénétrer sa bouche, sa poitrine se gonflait sous sa respiration devenue rapide. Après une dizaine de secondes, il brisa le silence.

- Et maintenant? souffla-t-il. Peut-être auras-tu quelque chose à regretter, Mio .

Sur ces mots, il se redressa et sans la regarder, se retourna et sortit de la pièce, la laissant seule face aux innombrables sentiments qui l'assaillirent, la colère évidemment, mais étaient également de la fête, la honte, la déception, la culpabilité et ... le désir.



A la manière dont il claqua la porte en arrivant à son appartement, il sut que son frère n'était pas dans son meilleur jour.

- Eh bien! Cache ta joie , railla son jumeau allongé de tout son long dans le canapé, la télécommande de la télévision à la main.

Zero vint s'asseoir en face de lui et enlevait ses chaussures tandis qu'Ichiru l'observait avec un petit sourire en coin.

- Tu as envie d'en parler à ton frangin?

Zero soupira, ferma les yeux, puis les rouvrit pour le fixer.

- Questions confidences, lui fit-il remarquer froidement, c'est plutôt toi qui a un train de retard. Tu as à peine parler depuis que tu es ici.

- Hum... Si tu me disais ce qui te tracasse? Ce sont les choses étranges qui se passent avec les chasseurs? Ces quatre chasseurs de l'autre soir n'avaient aucune chance de s'en tirer.

- Comment tu sais ça? s'enquit Zero, ébahi. Tu étais là?

- Je passais par là, éluda son frère en souriant. Peu importe. Que compte faire le Conseil?

- J'en ai parlé à notre Maître, répondit lentement Zero en se levant pour aller à la fenêtre. Il est en train de mener son enquête, mais jusqu'à présent, on a rien trouvé.

- On vous a piégé comme des rats, constata Ichiru qui s'était retourné vers la boite à images et zappait distraitement d'une chaîne à l'autre. Et je pense que cette petite accalmie ne va pas durer.

- Ichriru, pourquoi ne viens-tu pas nous rejoindre? l'interrogea son frère de la fenêtre, bras croisés. Tu es un chasseur, tu ferais honneur à notre Maître.

- Je n'aime pas le « notre », répliqua l'intéressé sans le regarder. Yagari et moi on n'a jamais vraiment accroché, et ne me fais pas croire que tu l'ignores. Et puis, je ne renie pas mes instincts, mais me faire mettre en cage par un Conseil ridicule ne me réjouit pas vraiment.

- Je suis libre je te signale, rectifia Zero d'un ton sec. Je n'aime pas particulièrement ce Conseil, je suis là pour accomplir mon devoir, ça s'arrête là.

- J'en suis ravi pour toi. Mais dis-moi, fit-il en se retournant vers son frère, je ne pense pas que c'est ça qui te met dans un état pareil... Est-ce que par hasard, tu aurais des doutes? C'est dans une semaine, ça approche...

Zero sursauta.

- Qu'est-ce que tu vas encore chercher? dit-il avec empressement.

- Moi? Rien..., se moqua-t-il. C'est juste que j'ai du mal à te comprendre. Je ne doute pas que ta future épouse soit charmante, mais tu as une femme fatale devant les yeux et qui n'a pas froid aux yeux justement, juste là devant toi, et tu choisis la mauvaise...

- Qu'est-ce que tu racontes? s'insurgea Zero, irrité. Primo, Mio est une collégue, et c'est tout ce qui nous lie, secondo, tu ne connais pas Yui, tu ne sais rien d'elle ni des raisons pour lesquelles je l'ai choisie. Si tu avais aimé une femme, tu comprendrais sûrement.

- Détrompe-toi, coupa Ichiru avec acidité, j'ai aimé une femme.

Zero eut un petit mouvement de surprise. Son frère ferma les yeux et prit une pause avant de continuer.

- Ca t'étonne hein? Mais oui, j'ai aimé. C'est même pour ça que j'ai quitté la maison, je suis partie vivre avec elle.

- Qu'est-ce que tu dis?! s'indigna Zero. Tu as disparu juste parce que tu avais rencontré quelqu'un? Tu étais obligé d'en arriver là? De faire du mal à maman pour ça ? Tu aurais pû vivre ton histoire en restant chez nous, et tu n'avais que quinze ans je te signale.

- Si seulement ça avait été aussi simple...murmura Ichiru comme pour lui-même.

Zero voulut l'assomer de questions mais son frère ne lui en laissa pas le temps.

- Elle s'appelait Shirin. Nous nous sommes rencontrés un soir alors que j'étais parti faire des courses pour maman. J'ai tout de suite su que c'était elle. Ses longs cheveux noirs étaient si beaux, elle avait l'air si fière, si femme, je n'ai plus vu qu'elle et quand j'ai su que ça avait été la même chose pour elle, j'ai décidé de vivre cette histoire et de tout abandonner pour elle.

- Où est-elle maintenant? s'enquit son frère à voix basse, interloqué par la douceur avec laquelle Ichiru parlait d'elle.

Il découvrait une nouvelle facette de sa personne, mais après tout, il avait cinq ans à rattraper, Dieu seul savait combien de choses encore il ignorait à son sujet.

- Elle est morte, lâcha-t-il d'une voix blanche, assassinée, il y a quelques mois.

- Ichiru... Je...

- Excuse-moi frangin, l'interrompit-il en se levant d'un bond. Je suis fatigué, j'ai besoin d'un bon bain.

Il alla s'enfermer dans la salle de bains et après s'être débarassé prestement de ces vêtements, il se mit sous la douche et ouvrit l'eau. Fermant les yeux, les mains contre le mur, l'eau glissant abondamment sur son corps, il réentendait les derniers mots que Shirin avait prononcés alors qu'elle était agonisante, dans ses bras, après qu'il l'eut trouvée en rentrant chez eux cette fameuse nuit funeste. Avant de disparaître dans la poussière, elle avait balbutié des paroles inintelligibles, mais deux noms avaient rentenu son attention , Zenako et Tsuruga.


L'esprit de Zero, resté seul après le départ de son frère, fut embué par la multitude de questions qui le rongeaient. Il ne pouvait même pas s'imaginer ce qu'avait du endurer Ichiru en perdant, de façon aussi cruelle, l'être qu'il chérissait. Il ne pouvait ni ne voulait le brusquer, mais se demandait cependant quelle sorte de monstre avait pû commettre un tel acte et surtout pour quelles raisons. Alors qu'il ressentait en lui la souffrance d'Ichiru, sess pensées se brouillaient. Ne pouvait-on pas le considérer lui aussi, d'une certaine façon, comme un monstre au vu de ce qu'il avait fait ou avait failli faire ce soir? Sa fureur envers Mio s'était mué en désir sans qu'il ne s'en était réellement rendu compte, ses agissements étaient condamnables alors qu'il s'apprêtait à épouser celle qu'il aimait. Pourtant, il ne pouvait effacer de sa mémoire la satisfaction qu'il avait éprouvée lorsqu'il l'avait sentie réceptive à son audace, lorsqu'il avait senti ce désir qui émanait d'elle. Désir? A ses yeux, Mio était une sauvageonne, ignorante de sentiments humains tel que le désir. Mais qu'importait après tout, quelles qu'avaient été les agissements de la chasseuse, elle n'avait pas mérité son manque de respect. Balayant ces images d'elle et de lui, ses pensées revinrent à Yui. Il avait hâte de la revoir...


Lorsque Zero et Yui arrivèrent chez les Kyriu, Ichiru y était déjà. Ce dernier avait devancé son frère qui était passé récupérer sa fiancée. Lorsqu'elle pénétra dans le salon, Yui eu comme une impression de déjà-vu. Comme la première fois, elle ne vit que des cheveux argents qui dépassaient du fauteuil, comme la première fois, cette couleur atypique la surprit et losrqu'il se leva pour lui faire face, comme la première fois, ses incroyables yeux violet la pétrifièrent. Mais alors qu'elle revivait cette scène, le personnage, en dépit de cette troublante ressemblance, n'était pas le même. Le jumeau de son fiancé la dévisageait des pieds à la tête sans auncune gêne. Était-ce son imagination ou était-ce du mépris qu'elle lisait dans ce regard?

- Yui ! s'exclama Jun, rayonnante, en venant vers elle pour lui prendre les deux mains avant de se retourner vers son fils, je te présente mon fils, Ichiru.

- Bonsoir, dit ce denier avec une politesse cependant dénuée de chaleur.

Ce ton lui rappela quelqu'un. Elle sursauta. Il lui rappela son père.

- Bonsoir, répondit-elle en lui offrant un large sourire.


Le dîner se déroula paisiblement. C'était la première fois depuis cinq ans que les Kyriu étaient véritablement réunis. Le bonheur qu'elle lisait sur les visages respectifs de Jun et Sho semblait contagieuse, et finit par la contaminer. Zero adoptait une attitude plus réservée, Ichiru ne semblait pas totalement à son aise, ce qui n'était pas surprenant au vu de la situation. Cette famille était de nouveau réunie mais Yui pressentait que le temps devra faire son œuvre afin de reforger les liens depuis trop longtemps brisés. Elle observait discrètement tour à tour son futur mari et son futur beau-frère. Ils étaient si semblables mais pourtant si différents à la fois. Ils paraissaient tous deux dotés d'une nature aussi fière, aussi rebelle, aussi entière. Mais dans le regard pourtant empreint de malice d'Ichiru, elle devinait une sorte de cynisme indéfinissable qu'elle ne retrouvait pas chez Zero.

- Qu'est-il arrivé à ton frère? demanda Yui à Zero alors qu'ils prenaient un bol d'air froid assis sur leur balancelle.

- Hum? fit le chasseur en l'interrogeant du regard.

- Il a l'air, comment dire...tellement fermé, répondit-elle en baissant les yeux. En fait, précisa t-elle en se tournant vers Zero, c'est comme si quelque chose de terrible lui était arrivé.

Zero ne répondit pas de suite, scrutant l'horizon nocturne. Elle émit un petit rire gêné.

- Tu me trouves folle, n'est-ce pas?

- Non, répondit-il lentement.

Il se tourna vers elle et lui décocha un sourire taquin.

- Je me disais juste que tu étais très perspicace. Peut-être que tu as un pouvoir que j'ignore? Un don obscure?

Se disant il se penchait vers elle, les yeux malicieux. Soudain, Yui aperçut le changement qui s'opéra dans son regard. Son sourire disparut, son visage se ferma.

- Celle qu'il aimait a été assassinée, lâcha-t-il d'un trait sans la regarder, après s'être redressé.

- Qu'est-ce ... tu ... dis? fit Yui, tétanisée par le choc.

- Il ne s'est pas étendu sur le sujet. Tout ce que je sais, c'est qu'il aimait vraiment cette femme.

- On parle de moi à ce que je vois, lança soudain Ichiru qui s'avançait vers eux avec nonchalance.

Il s'appuya à la rambarde et fit face au couple.

- Je suis désolée, s'excusa Yui, n'osant pas le regarder. C'est de ma faute, j'ai été indiscrète, je n'aurais pas dû.

- En effet, acquiesça son futur beau-frère en l'affublant d'un regard noir. J'y pense, ne t'en fais pas Yui, j'ai trouvé un appartement, je ne troublerai pas vos moments d'intimité.

Sur ces mots acides, il prit congé.

- Il n'a pas l'air de beaucoup m'apprécier, constata-t-elle à voix basse.

Zero l'attira dans ses bras.

- Laisse-lui le temps, murmura-t-il. Et toi dis-moi? Qu'est-ce qui ne va pas?

- Hein? fit Yui contre son torse en sursautant.

- Tes yeux me disent que quelque chose te préoccupe, continua-t-il en lui caressant les cheveux.

Quelle ironie! Et c'était lui qui la trouvait perspicace... Mais à dire vrai, avouer à l'homme qu'elle allait épouser d'ici quelques jours, qu'elle avait passé une nuit blanche, toujours hantée par ce même homme qui n'était pas lui et qu'elle était terrifiée à l'idée de le voir le jour de son mariage, ne semblait pas être de bon goût.

- Le stress d'une future mariée, éluda-t-elle en soupirant.




- On se voit demain de toute façon, sussura la voix cristalline d'Aya à l'autre bout du fil.

- Oui, répondit Kaname d'un ton neutre. A demain.

Elle aussi avait été conviée au joyeux spectacle auquel il allait assister le lendemain. Cela faisait deux semaines qu'il était revenu au manoir et deux semaines qu'il avait reçu cette invitation funeste. La vie est une catin. Elle peut vous donner des instants extatiques un jour, et vous toiser avec une totale indifférence le lendemain. Ainsi pensait Kaname, assis derrière son bureau, déplaçant distraitement les pions de son échiquier. Une horrible migraine l'assaillait depuis des jours. Il s'était longuement penché sur la question. Allait-il se rendre à ce mariage? Allait-il répondre à la provocation de Taka Tsuruga? Il n'était pas dupe des intentions du Président du Conseil des Chasseurs. Cet homme, qui pour une raison encore obscure, avait juré sa perte, le narguait, se riait de lui. A première vue, il semblait évident que le Sang Pur ne devait pas rentrer dans son jeu, donc rester en dehors de cette affaire qui lui avait définitivement et peut-être à jamais fait perdre le sommeil. Mais pouvait-il réellement rester ici sans la voir? Car il voulait le voir pour le croire. Il voulait voir de ses yeux ouverts et être frappé de plein fouet par la réalité, ainsi aurait-il peut-être une chance de tirer un trait sur son souvenir, et de poursuivre son éternité sans se retourner.

- Qu'est-ce que l'éternité? murmura-t-il.

Soudain, il revit le visage empli de bonté de Misao lorsqu'elle lui avait dit , une main posée sur le cœur : « vous avez trop tendance à oublier ce qu'il y a ici. Or c'est là le seul endroit où réside la réponse à votre véritable question ».




- Entrez!

La porte s'ouvrit. L'homme vêtu d'une cape resta un moment sur le seuil. Son visage était à moitié obscurci par la capuche mais à la vue de ses dents, luisant en un sourire démoniaque, Hotohori sut que c'était lui. Il voulut se lever mais l'homme interrompit son geste, le signifiant de se rasseoir. Le Président de l' Ordre obéit, il ne sentait plus ses jambes, son sang semblait s'être dérobé. Il entra, referma la porte et s'avança lentement vers lui. Otant sa cape, il ne se départissait pas de ce sourire en coin qui lui était si familier.

- Bonsoir, fit Rido Kuran en le toisant avec moquerie. Comme je suis heureux de vous revoir, cher Président.

- Bonsoir Votre Altesse, répondit respectueusement Hotohori Ushikudo s'efforçant de garder son calme. Prenez place, je vous en prie.

Rido se laissa tomber dans le fauteuil, en face de lui, et une jambe sur un des accoudoirs, il appuya sa joue contre une main tout en fixant son hôte avec amusement.

- Vous... Vous avez fait fait bon voyage? s'enquit le Président de l'Ordre, visiblement peu à son aise en face du terrifiant Sang Pur.

Chez ce vampire, tout était sujet à l'effroi. De la lueur diabolique qui émanait de ses yeux qui avaient toujours l'air affamés, à sa démarche de tigre prêt à bondir à tout moment sur sa proie, en passant par ses vêtements qu'on croierait tout droit sortis d'une ére baroque et lointaine, il ne pouvait qu'aspirer la peur et le respect. Et ce sourire... ce sourire qui ne le quittait jamais, comme faisant partie intégrante de son effrayant visage.

- Très fructueux, répondit Rido en passant la langue sur ses lèvres, comme s'il venait de déguster un délicieux repas.


Hotohori tressaillit.

- On m'a dit que vous étiez venu aux nouvelles, continua Rido. Je vous remercie de vous inquièter, mais tout se passe à merveille, et même mieux que je ce que j'avais espèrer.

Il ricana avant de poursuivre.

- Tout sera prêt bientôt, il est temps que je revienne sur le devant de la scène... Qu'en dîtes-vous Président?

- Vous avez raison, acquiesça l'interpelé qui avait repris un peu d'assurance. Nous sommes à l'aube d'une nouvelle ère, et sans Kaname Kuran.

- Hum! Pesta Rido. J'en finirai avec lui une bonne fois pour toute! Mais j'y pense... vous l'avez laissé un peu trop tranquille depuis l'échec cuisant de la dernière fois. Que feriez-vous sans moi! Je me le demande...

- A dire vrai, répliqua Hotohori, nous voulions lui envoyer un comité d'accueil demain, puisqu'il sera probablement de sortie pour le mariage de la fille de Taka Tsuruga, mais je pense que...

Il n'eut pas le temps de terminer. Rido, qui s'était levé à une vitesse éclair, lui enserrait la gorge d'une main. Il le souleva de sa chaise.

- Qu'est-ce que vous venez de dire ?! rugit-il , les yeux embués de haine et trahissant une indescriptible soif de meurtre.

- Vous avez bien dit la fille de Tsuruga?! continua-t-il en resserrant l'étau de ses doigts dans le cou du Prséident de l'Ordre d'où commençait à jaillir le sang.

Mais cet interrogatoire musclé était inutile, point de son ne pouvait sortir de la bouche de sa victime qui s'égosillait. Rido le relâcha, il retomba sur sa chaise et toussota en se tenant la gorge.

- Je ne comprends pas... murmura Hotohori, terrifié.

- Taka Tsuruga a un enfant?! vociféra Rido en posant ses deux mains sur le bureau et se penchant dangereusement vers son interlocuteur.

- Heu...oui, une fille, lâcha ce dernier. Personne ne le savait, même pas moi, jusqu'à il y a peu.

- Et c'est maintenant que vous me l'apprenez! rugit Rido de plus belle.

- Je n'y ai pas pensé! s'empressa-t-il de répondre, je ne pensais pas que cela pouvait vous intéresser....

Rido resta un moment dans la même position à le dévisager comme se demandant ce qu'il allait bien pouvoir faire de lui, puis Hotohori fut soulagé lorsqu'il le vit retourner à son siège.

- Puis-je vous demander pourquoi cela vous inquiète t-il tant, Votre Altesse? s'enquit prudemment le Président de l'Ordre à voix basse.

- Ce vautour de Tsuruga a pris soin de cacher l'existence de sa fille, répondit-il, cette fois avec un calme qui n'était cependant qu'apparent. Qui l'aurait crû? murmura-t-il pour lui-même.

Il fixa de nouveau Hotohori.

- Elle se marie demain, dites-vous?

- Oui, avec un chasseur, Zero Kyriu.

Rido se leva.

- Je vois, railla-t-il, encore lui... J'imagine qu'elle doit être aussi délicieuse que sa pauvre mère!

Il ricana.

- Heu... elle est très belle oui, balbutia Hotohori, confus.

- En ce cas, je ne la tuerai pas de suite, lâcha Rido en passant une main dans ses cheveux ondulés.

A ces mots, le Président de l'Ordre ne put dissimuler sa stupeur.

- Eh bien? lui demanda le Sang Pur. Qu'y a-t-il? Le sort de cette fille vous intéresse à ce que je vois...

- Pas du tout, répondit l'intéressé avec empressement en baissant les yeux. Vous, mieux que quiconque, savez que le sort de ces humains inutiles ne m'intéresse pas le moins du monde.

- Sauf que cette fille n'est pas comme les autres, rétorqua cyniquement Rido. Elle pourrait devenir... très gênante.

Il remit promptement sa cape, puis pivota sur ses talons, s'apprêtant à prendre congé.

- A mon grand regret, je dois repartir cette nuit, déclara-t-il en tournant le dos au chef de l'Ordre. Mais d'autres vont s'acquitter de cette tâche à ma place. Ils s'occuperont de la mariée jusqu'à ce que je revienne.

Il ricana.

- Ensuite, souffla-t-il entre ses dents, je l'honorerai comme il se doit avant de m'en débarasser.

Sur ces mots, il disparut. Hotohori Ushikudo resta sous le choc de cette visite. Il était évident que Rido Kuran l'impressionnait, le terrifiait, à chaque fois qu'il le gratifiait d'un entretien, mais bien qu'étant de marbre quant au sort funeste qui attendait Yui Tsuruga, il se demanda en quoi cette insignifiante humaine pouvait s'avérer gênante pour un vampire aussi terrible que lui.



- Et dire que je vais y aller... se plaignit Shiki, alors qu'il appréciait un nectar pourpre dans la cuisine entouré de Ren, Kain et Aïdo.

- Pff! Rien ne t'y oblige, objecta Aïdo en le pointant du doigt. Ce n'est pas parce que l'invitation précisait « tous les résidents du manoir », qu'il faut te forcer à y aller .

Il ricana. Shiki soupira sans lui accorder un seul regard.

- J'y vais parce que le chef y va, précisa t-il, blasé.

- C'est vrai qu'il va y avoir des gens peu recommandables, intervint Kain. Et surtout les membres de l'Ordre...

- En effet, c'est pourquoi on ne peut laisser Kaname y aller seul, surenchérit Aïdo. Mais tout de même, je me demande bien pourquoi il a été invité... Tout ceci n'est pas normal.

- Tu me fatigues Aïdo.

- Et toi Shiki, tu me désespères.

- Ok, match nul.

Ren ne pipait mot. Immergé dans ses pensées, une seule et même question lui revenait sans cesse: comment Kaname allait-il pouvoir faire face à ça?

- Tiens... On dirait bien qu'il pleut, fit remarquer Kain les yeux rivés vers la fenêtre.

- J'y vais moi aussi.

Ils se tournèrent tous d'un même mouvement. Ruka venait d'entrer et les regardait, un sourire timide aux lèvres. La jeune femme semblait s'être peu à peu remise après l'évènement tragique qui avait mis le manoir en émoi. Ses yeux paraissaient sereins, mais n'en restaient pas moins éminemment tristes. Personne, parmi ses amis, ne lui avait jeté la pierre, Kaname y compris. Elle n'avait pas encore eu le courage de lui demander pardon, du fait que, dans son esprit torturé et ravagé par la culpabilité, aucun acte ni mot ne serait jamais assez pour espérer expier ses fautes envers cet homme qu'elle respectait le plus et qu'elle avait voulu tuer dans un accès de folie, qu'aujourd'hui encore, elle n'arrivait pas à comprendre. Cependant, dans son malheur, elle s'estimait touchée par la grâce. Car la folie l'avait malgré tout épargnée. Alors même qu'elle avait prié pour être embrassée par la mort, elle s'était rendue à l évidence, la force de l'amitié était une chose bien mystèrieuse. Peu à peu, elle s'était ranimée, peu à peu, elle était redevenue quelque chose qui s'apparentait à elle-même. Et à présent, bien que son esprit fusse encore fragile, elle ne nourrissait qu'un unique et fol espoir, pouvoir un jour se racheter.

- Bonsoir Ruka, la salua Kain avec douceur, tu es sûre de vouloir nous accompagner?

Elle lui sourit et acquiesça d'un signe de tête.

Un bruit de porte les firent sursauter.

- Kaname vient de partir, constata Ren, ses yeux gris fixés sur les gouttelettes de pluie s'abattant sur les carreaux.



Comment espèrer trouver le sommeil? Elle était agitée, elle ne parvenait pas à rassembler les images qui défilaient à une vitesse folle dans son esprit, pour penser de manière cohérente. Seuls les cliquetis de la pluie au dehors lui parvenaient distinctement. A présent, il pleuvait averse. « Demain, à cette heure-ci, je serai déjà Yui Kyriu », se dit-elle, les mains derrière la tête, les yeux fixés sur le plafond. Elle se remémora les mots de Zero en la quittant ce soir après qu'il fut passé la voir, « c'est ta dernière nuit en tant que Yui Tsuruga, ce soir, fais tes adieux à ton passé ma Yui ». Oui, demain elle serait la femme de Zero, tout s'était passé si vite... Elle ferma les yeux, elle ferait une piètre nouvelle mariée si elle ne dormait pas, ne serait-ce qu'une heure ou deux. Comme elle s'y attendait, ce visage lui apparut de nouveau, ce visage aimé qu'elle n'aurait désormais plus le droit d'aimer, même dans son cœur, elle se devait de le repousser le plus loin possible, pour celui qu'elle avait choisi, pour Zero. Mais tenter de rallier sa raison était une périlleuse mission, son cœur lui criait quelque chose, mais elle ne voulait pas entendre. Allait-elle le voir demain? Cette seule idée la terrorisait, car qu'y avait-il de pire que de s'unir à un homme sous les yeux du seul que son cœur désirait? Pourquoi Dieu laissait-il naître les amours impossibles? Était-ce une punition conçue pour l'expiation de nos péchés? Si tel était effectivement le cas, quel péché avait-elle bien pû commettre? Kaname... Kaname... son nom lui martelait le cerveau, alors qu'elle devait être emplie de celui de Zero. Elle se leva. Elle passa un manteau blanc au dessus de sa longue robe de nuit de la même couleur et sans mettre de chaussures, sortit de sa chambre sans bruit pour ne pas réveiller son père et descendit au rez de chaussée. Traversant le vestibule comme un fantôme, elle atteint le grand salon qui demain ferait office de salle de réception. Allumant la lumière, elle s'arrêta un moment pour observer la magnificience des décorations qui l'aveugla. Des lianes de fleurs blanches tombaient du haut plafond, des lustres tout en dorures parés d'une multitude de pampilles en cristal avaient été rajoutés de part et d'autre des façades murales. Les tables rondes étaient recouvertes de nappes blanches brodées de fils dorés qui tombaient au raz du sol. Sur chaque table, trônaient t un bouquet de roses blanches reposant sur un lit en osier vert et or et une bougie aussi limpide que le cristal en forme de rose. Son père n'avait pas fait les choses à moitié. Lorsqu'il avait proposé d'organiser la réception dans cette demeure, Yui n'avait pas eu la force de s'y opposer, gageant que Zero ferait le travail à sa place. Mais à son grand étonnement, il n'y avait pas mis son veto. Plus tard, il lui avait expliqué que son attitude n'avait pas été dictée par compassion envers son père, mais que ce serait une bonne façon de faire ses adieux à cette maison et à son passé à jamais pour un meilleur renouveau. Après réflexion, elle lui avait été reconnaissante pour sa prévenance, mais ce soir, ce qui se dressait sous ses yeux lui donna la nausée. On aurait dit un décor de théâtre. S'arrachant à la contemplation de cette salle de spectacle, elle se dirigea vers la baie vitrée qu'elle ouvrit silencieusement après avoir éteint la lumière. Se retrouvant sur la terrasse, elle ouvrit son parapluie et descendit les quelques marches pour traverser le jardin de Kyra et arriver enfin à son repaire, le kiosque qu'elle chérissait tant. Une fois à l'abri, elle referma son parapluie et n'alluma que la plus petite lanterne. La faible lumière était suffisante pour qu'elle ne fut pas totalement plongée dans le noir, elle en était satisfaite. L'ambiance claire-obscure lui convenait. S'appuyant contre l'un des fins piliers, elle apprécia en silence la mélodie des larmes des cieux. Etaient-elles un reflet de ses propres larmes? Un vent souffla soudain, elle frissonna. Son cœur sursauta, il y avait quelqu'un. Elle se retourna et se sentit dangereusement défaillir.

- Bonsoir Yui.

Était-ce un rêve? Était-elle réellement sortie de sa chambre en pleine nuit pour sortir sous cette averse? Allait-elle se réveiller d'un instant à l'autre bien au chaud, dans son lit? Ou était-elle réellement ici, paralysée, en face de la seule personne qu'elle aurait souhaité ne plus voir pour sa propre santé mentale? La créature magnifique la regardait. Il était trempé des pieds à la tête. Ses cheveux mouillés lui collaient au visage. De grosses gouttes d'eau s'échappaient de son long manteau noir ouvert et tombaient sur le sol. Elle connaissait si bien les traits de son visage, elle connaissait si bien la profondeur insensée de ce regard plus brûlant que le feu lui-même. Elle n'aurait pas crû possible d'être encore plus happée par ces yeux, par cet aura, qu'elle ne l'avait été jusqu'à maintenant. Et pourtant, la force qui la poussait vers lui semblait s'être encore décuplée au fil de tout ce temps durant lequel elle ne l'avait pas revu et n'avait fait que pleurer son nom. Nul adjectif ne saurait définir à quel point il était sublime, ainsi trempé, en face d'elle. Son ténébreux prince sorti tout droit d'un rêve impossible se tenait là, devant elle. Désemparée, elle eut un mouvement de recul, s'enfuir était très certainement la meilleure solution pour son salut.

- Tu me hais donc à ce point? lui demanda-t-il doucement en faisant un pas vers elle.

Il avait deviné ses intentions.

Kaname avait précipitamment quitté le manoir mû par une seule conviction, il voulait la revoir. Il n'avait pas pensé à ce qu'il lui faudrait dire ni à la manière dont il devrait se comporter. Il avait oblitérer toute pensée, à part l'image de Yui qui ne le quittait pas. A présent qu'il l'avait trouvée, il se demandait si cela avait vraiment été une bonne idée de venir. Mais elle n'avait jamais été aussi belle qu'à présent. Ses cheveux bruns irradiaient sous la pâle lueur de la lanterne, elle semblait si vulnérable, ses yeux étaient si perdus, les bras enroulés autour d'elle comme pour se protéger d'un danger imminent. D'ailleurs, était-ce lui, ce danger? Les yeux de Kaname se posèrent sur ses pieds nus, qui avaient foulé sans hésitation la terre mouillée. Il sourit avec tendresse, ce naturel était l'une de ces choses innombrables qu'il chérissait chez elle.

- Que fais-tu là? lui demanda-t-elle d'une voix à peine audible, respirant péniblement, incapable de le quitter des yeux.

- Je te cherchais, murmura t-il. Je t'ai trouvée.

Quelle était cette tristesse qui émanait de lui?

- Je... Pardon Kaname, mais je dois m'en aller, balbutia-t-elle douloureusement.

Vacillante, elle se retourna, s'apprêtant à fuir loin de lui.

- Yui, je ne veux pas que tu te maries.

Elle se retourna d'une traite et l'observa, bouché bée. Il avait prononcé cette phrase de ce ton autoritaire qui imposait le silence et empêchait toute contradiction, pourtant, quelque chose dans sa voix trahissait une certaine détresse, même contenue.

- Je ne crois pas... commença-t-elle.

Marquant une pause avant de poursuivre, elle ferma les yeux et se frotta le front d'une main, sous son regard, elle avait perdu en cours de route le fil de ses pensées. Elle lui fit face de nouveau.

- Je ne crois pas que ce soit le moment ni le lieu pour avoir ce genre de discussion, reprit-elle d'un ton qu'elle voulut ferme.

- Devrais-je attendre que tu aies commis l'irréparable avant de te le dire? fit-il, accusateur.

- Tu en as du culot, rétorqua-t-elle avec un regain d'assurance en le toisant durement. Tu es bien placé pour parler.

- Je vois, lui répondit-il. Peut-être avais-je tort de croire que tu ne l'aimais pas Yui. C'est juste que... te savoir liée à un autre...

- Comment oses-tu dire une chose pareille? le coupa-t-elle, indignée.

Son cœur blessé se rebellait. Comment pouvait-il se permettre?

- Tu ne me feras pas croire une seule seconde que cette idée t'est si insupportable! s'emporta-t-elle. Tu n'avais pas l'air de penser à moi lorsque tu as fait l'amour à cette femme!

Elle suffoquait, revivant ses scènes d'horreur, Kaname prenant cette femme dans la pénombre, Kaname buvant son sang, Kaname la serrant plus fort, encore plus fort, dans ses bras... Yui se laissa tomber contre le pilier et cacha sa tête dans ses mains. Kaname avait reçu un choc frontal. Comment était-ce possible? Brusquement, il se raidit. Il revit les tableaux en accéléré, Aya et lui s'aimant dans cette chambre, ses amis qui lui apprirent que Yui s'était évanouie, sa course dans ce couloir pour la retrouver, et enfin la découverte de la jeune femme, allongée sur ce lit, consolée d'une peine inconnue par Zero Kyriu. Il comprit. Soudain, toutes les pièces du puzzle furent rassemblées. Par un malheureux hasard, Yui l'avait vu avec Aya cette nuit-là, elle avait tout vu. Il s'approcha d'elle et voulut la toucher, elle le repoussa d'un geste brusque, la tête baissée.

- Yui, murmura-t-il, ce n'est pas ce que tu crois, je...

Il s'interrompit. Quelle sorte d'explication était suffisamment acceptable dans une telle situation?

- Je l'ai fait pour essayer de t'oublier, lâcha-t-il d'un trait.

Elle leva les yeux vers lui. Pouvait-elle se laisser prendre à ce mensonge ignoble? Pourtant, ses yeux, ses sublimes yeux, n'avaient pas l'air de lui mentir... Ou bien, était-ce sa naïveté qui refusait de le voir?

- Rien ne peut justifier ce geste, continua-t-il, mais sache Yui, que je n'aime pas cette femme.

Elle ne put s'empêcher de rire, un rire triste, un rire blessé.

- Tu n'aimes pas cette femme... répéta-t-elle comme pour elle-même en tournant la tête sur le côté et plissant ses yeux marrons chocolat.

La pluie avait redoublé d'intensité. On disait toujours qu'une mariée qui se mariait sous la pluie serait une mariée heureuse. Et elle, entrerait-elle dans cette catégorie?

- Yui...

- J'en sais suffisamment sur toi pour savoir que tu ne ferais jamais rien sous la contrainte, personne ne t'a forcé la main Kaname... chuchota-t-elle.

- Regarde moi, souffla-t-il.

Elle n'en fit rien. Son corps trembla lorsqu'elle sentit ses mains entourant sa taille, lorsque l'odeur de son parfum boisé imbibé dans ses vêtements trempés l'enveloppa, alors qu'il posa la tête de la jeune femme sur sa poitrine. Elle sentait son souffle chaud dans ses cheveux, malgré son corps mouillé, elle n'avait pas froid, la chaleur qu'elle avait tant redouté prenait peu à peu possession de tous ses sens.

- Personne ne pourrait obliger Kaname Kuran à épouser une femme qu'il n'aime pas, murmura-t-elle, déjà perdue.

Elle le sentit se raidir soudainement. Il se redressa pour la regarder sans lui lâcher la taille.

- Qu'est-ce que tu dis ?

- Les mariages sont à la mode de nos jours, répondit-elle avec lassitude. Mon père m'a appris que tu allais faire le pas toi aussi, avec Aya Takimora, cette même femme que tu dis ne pas aimer.

Kaname laissa échapper un petit cri de suprise.

- Je ne sais pas où est-ce qu'il est allé chercher ça, finit-il par répondre d'une voix calme, mais c'est un mensonge.

Yui sursauta. Kaname lui prit le menton et tourna son beau visage vers le sien.

- Je n'ai jamais eu l'intention de me marier avec elle Yui, prétendit-il, les yeux emplis d'une douceur qui la fit chavirer.

- Pourquoi est-ce que je te croirais? lui demanda-t-elle faiblement.

- Lis dans mes yeux, pourquoi est-ce que je te mentirais?

Elle lut et sut. Il ne lui mentait pas. En ce cas, une seule explication lui traversa l'esprit. Ce mariage fictif était une pure invention de son père. Pourquoi n'en était-elle qu'à moitié étonnée?

- Je te crois, chuchota-t-elle.

Kaname lui sourit. Il caressa sa joue du bout des doigts et dessina le contour de ses lèvres. Un poids énorme s'était soudain enlevé du cœur de la jeune femme, Kaname n'allait pas se marier. Mais pour autant, cela ne changeait rien à leur situation actuelle.

- Est-ce que tu t'aies donné à lui? lui demanda-t-il d'un ton autoritaire tout en la déshabillant des yeux.

- Non, répondit-elle comme un automate. Nous avons décidé d'attendre demain, d'attendre le mariage.

Elle se libéra de lui et voulut s'enfuir, mais plus rapide que l'éclair, il l'attrapa par le bras et la plaqua contre un autre pilier du kiosque. Son regard resta longtemps plongé dans celui de Yui. Ses superbes boucles brunes mouillées lui retombaient à moitié devant les yeux. Il se pencha vers elle, elle attendit, frémissante, fièvreuse. Mais il se redressa. Très lentement ses yeux descendirent le long de son corps, puis d'un geste brusque il lui ôta son manteau immaculé qui tomba sur le sol. Kaname découvrit ses courbes. Ses seins pointaient sous la fine étoffe de satin blanc, la longue robe de nuit fendue sur un côté, laissait entrevoir une jambe qu'il dévora des yeux. Sous son regard assoiffé, Yui sentit de nouveau le feu la consumer. Il ne l'avait même pas touchée, se contentant de l'observer, pourtant elle laissa échapper un gémissement dont elle eut immédiatement honte, mais qui n'échappa pas à Kaname. Elle avait envie de lui de la même force qu'il avait envie d'elle, cela le remplissait d'une satisfaction sans pareil. Il se jeta avidemment sur sa bouche, elle glissa frénétiquement ses mains dans ses cheveux humides et s'accrocha à lui avec l'énergie du désespoir. Elle lui rendait son baiser avec une fièvre douloureuse. Et dire qu'elle avait crû que plus jamais il ne la toucherait, ni ne l'embrasserait, or, son ange noir était revenu, et elle était là, perdue, dans ses bras. Elle glissa sa tête contre son torse après avoir défait avec empressement quelques boutons de sa chemise et couvrit sa peau de baisers. Il se laissa emporter, heureux de son désir. Il la releva pour prendre de nouveau ses lèvres, tout en glissant une main sous sa robe qui remonta le long de sa jambe pour atteindre cet endroit si chaud, son intimité. Enroulant ses deux bras autour du pilier derrière sa tête pour pouvoir apprécier toute l'étendue des caresses de Kaname, elle soupira sous la pression de ses doigts et ferma les yeux, abandonnant son corps à son bon vouloir. Retirant ses doigts, il fit descendre les fines bretelles de sa robe et rédécouvrit ses seins éclairés par la lumière de la lanterne. Ses lèvres les effleurèrent l'un après l'autre, les soupirs de Yui se firent plus intenses et plus saccadés. Puis sa langue remonta le long de sa poitrine, de sa gorge pour enfin venir lécher son oreille.

- Ne t'avais-je pas déjà dit que personne d'autre que moi n'avait le droit de te caresser ainsi? lui souffla-t-il à l'oreille.

- Oui, répondit-elle à voix basse en respirant difficilement par à coups.

- Je ne veux pas qu'il te touche...

Il posa ses lèvres sur sa gorge qu'il embrassa avec violence, il s'en fallait de peu pour qu'il sorte ses canines et boive à sa substance vitale, mais il se retint, même si en lui bouillonnait ce volcan, même si en lui sa soif était à l'agonie, hurlant à la mort. Elle enroula instinctivement une jambe autour de ses hanches, Kaname savait ce que cela signifiait. Alors qu'il avait repris ses lèvres tremblantes, et qu'elle avait noué ses bras autour de son cou, il défit sa ceinture, puis il colla plus fermement son corps contre le sien.

- Je vais te prendre là, maintenant Yui, cette nuit, souffla-t-il entre ses lèvres.

- Oui, réussit-elle à répondre malgré les flammes incandescentes qui lui brûlaient le corps.

Les mains de Kaname glissèrent sur sa jambe humide pour relever sa robe. Il lui mordit les lèvres.

- Oh Kaname... gémit-elle. Je veux être tienne.

- Oui, fit-il d'une voix rauque, tu es à moi, à personne d'autre. Et tu ne te marieras pas avec lui.

Alors qu'elle ne sentait plus son corps, prête à l'accueillir enfin, après avoir tant attendu, la lame douloureuse lui transperça le cœur. « Quel acte irréparable vas-tu commettre? » lança une voix pleine de reproches, au fin fond de son esprit. « Que crois-tu qu'il fera de toi? Crois-tu vraiment qu'il t'emmènera avec lui? ». Avec une force inattendue, elle le repoussa violemment et il recula de deux pas. Le regard qu'elle posa alors sur lui fut un regard désespéré mais accusateur. Il voulut se rapprocher d'elle, très prudemment, mais elle l'arrêta.

- Ne me touche pas, murmura-t-elle. Tu te joues de moi, je ne suis qu'un pion pour toi.

- C'est faux, se défendit-il avec calme en la regardant fixement.

- Tu veux juste mon corps et te débarrasser de moi ensuite, accusa-t-elle.

- C'est faux, répéta-t-il.

- Alors pourquoi es-tu venu?! s'insurgea-t-elle.

- Yui, calme toi.

- Pourquoi?!

- Je voulais te revoir, répondit-il.

Un long silence s'installa entre eux, seulement rompu par la pluie qui ne cessait de tomber.

- Et ensuite? continua-t-elle avec tristesse. Tu vas m'emmener avec toi? Me promettras-tu de me garder auprès de toi? Qu'as-tu à répondre Kaname?

Il soupira.

- Yui...

Le cœur de la jeune femme se brisa une fois encore. Allait-il en rester quelque chose?

- Demain je deviendrai la femme de Zero. Lui, me gardera auprès de lui.

Kaname s'avança vers elle et l'attirant à lui avec rudesse, l'embrassa une nouvelle fois mais avec plus de férocité qu'auparavant. Malgré elle, elle capitula de nouveau, et ne put retenir ses soupirs lorsque sa langue parcourut avidement son visage puis sa gorge. Il se redressa, il avait gagné.

- Tout ceci n'a pas de sens, gronda-t-il.

Il prit son menton et l'obligea à le regarder.

- Regarde-moi dans les yeux et ose me dire que tu ne m'aimes pas.

Une larme coula sur la joue de Yui.

- Je ne t'aime pas, murmura-t-elle en soutenant son regard, prête à fondre en sanglots. J'ai appris à aimer Zero, je l'aime.

Il resta un moment immobile, sondant l'âme de la jeune femme à travers ses fenêtres chocolat, qui lui disaient pourtant le contraire. Mais après tout, peut-être refusait-il cette vérité, peut-être avait-il trop présumé de sa personne, peut-être devait-il tout simplement se rendre à l'évidence. Car il avait fui alors que Zero Kyriu était resté, la logique voulait qu'elle l'aimât. Se penchant une dernière fois vers elle, il essuya lentement de sa langue le filet de larmes qui perlait sur sa joue et se redressa, puis recula de deux pas.

- Alors soit, conclut-il en lui souriant tristement. Si c'est le bon... sois heureuse. Tu le mérites plus que personne, ma tendre Yui.

Il tendit lentement la main vers sa joue pour toucher une dernière fois sa peau mais se ravisa. Elle eut juste le temps de cligner des yeux que son ange noir avait déjà disparu dans la nuit. Tel que le lui avait conseillé Zero un million d'années plus tôt, elle avait bel et bien fait ses adieux à son passé. Mais son cœur s'était fendu sous le regard langoureux de Kaname, sous ses caresses, au son de sa voix aimée, et son départ l'avait brisée, car elle n'avait eu qu'une envie, le retenir et lui dire ces mots... Pourtant elle était restée sourde à l'appel désespéré de son coeur. Ainsi donc se terminait leur histoire, entachée par le plus pitoyable et le plus douloureux des mensonges.
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MessageSujet: Re: PRINCE OF BLOOD   PRINCE OF BLOOD Icon_minitimeJeu 3 Juin - 17:06

CHAPITRE DIXIEME


MISSA DEFUNCTORUM IN REGINA



- Où est-elle passée? demanda Kaien à Chidori, affolé.

- Je ne sais pas Monsieur, répondit-elle confuse. Je l'ai aidée à s'habiller, je me suis absentée cinq minutes, et quand je suis revenue, elle avait disparu. On l'a cherchée partout, on ne l'a pas trouvée.

- Elle ne peut pas être bien loin, conclut l'ancien chasseur comme pour lui-même. Elle est forcément dans la maison...


Il était 16 heures passées. La splendide cathédrale néo romane était bondée de monde. Ils étaient tous là, parés de leurs plus beaux atours. Vampires, chasseurs, et humains n'ignorant rien du monde de la nuit, y étaient rassemblés. Assis, tous attendaient. Kaname, entouré de ses amis et d'Aya Takimora, se trouvait à une dizaine de rangée de l'autel, sur la gauche. En dépit des évènements de la veille, il n'avait pas failli et s'était rendu, comme prévu, au mariage de la femme qu'il aimait. En rentrant au manoir, il s'était enfermé dans sa chambre, pour tenter de reprendre ses esprits et digérer ce qui s'était passé avec Yui. Il souhaitait réellement la voir heureuse, aussi, si cet homme qu'elle avait choisi, en dépit de tout, pouvait suffire à ce bonheur, il se devait de l'accepter. Faire acte de présence aujourd'hui signifiait ne pas fuir la réalité. En arrivant à l'église, il avait de suite été accaparé par Aya, sublime comme à son habitude, parée d'un long fourreau émeraude, moulant ses formes de haut en bas, les cheveux dorés relevés par un haut chignon laissant échapper quelques mèches qui encadraient délicatement son visage. Kaname resta froid et insensible à sa beauté, alors même que Takuma, croisant le regard de la Sang Pur ne put s'empêcher de l'admirer, même s'il s'arrangea pour éviter de l'avoir comme voisine sur le banc de l'église, ce que fit également Ruka. Car bien qu'elle n'aspirait qu'au repentir, il lui fallait encore du temps pour accepter la présence d'Aya dans leurs vies et surtout celle de Kaname, même si plus aucune haine envers la Sang Pur ne l'animait, elle gardait ses distances. Le prêtre, venant de s'entretenir à voix basse avec Taka Tsuruga, sous les yeux des convives, s'avança vers le micro pour s'adresser à l'assemblée.

- Mesdames et Messieurs, la cérémonie aura un peu de retard, je vous prie de nous excuser pour ce léger contretemps. Merci pour votre compréhension.

Ca et là, des murmures et des chuchotements s'élevèrent. Cette annonce était pour le moins surprenante, et pour plus d'une personne.


Taka avait rejoint Zero, entouré de ses parents, de Kaito et de son frère, dans la petite arrière salle de la cathédrale, qui n'était pas visible par les invités.

- Eh bien, je crois que nous avons un problème, annonça-t-il en refermant la porte.

- Comment ça? s'enquit Jun, inquiète.

- Ma fille a décidé de nous faire une farce, répondit froidement Taka.

Zero se leva d'un bond de sa chaise.

- Et pourquoi ne pas aller voir ce qui se passe chez vous au lieu de rester planté là ? trancha le chasseur d'un ton méprisant.

- Calme-toi mon fils, intervint calmement Sho Kyriu. S'énerver ne sert à rien.

- En effet, surenchérit Taka en le gratifiant d'un sourire sarcastique. Kaien est là-bas, j'ai une totale confiance en lui. Il va vite la retrouver et nous la ramener. Sur ce, veuillez m'excuser.

Il quitta la pièce et Zero, crispé, soupira tout en se rasseyant. Qu'avait-il bien pu arriver à Yui? Était-elle en train de fuir son propre mariage? Allait-elle changer d'avis?

- Je te plains mon cher frère... railla Ichiru, adossé au mur, à l'autre bout de la pièce.

- Oh la ferme Ichiru! s'énerva son jumeau. Tu crois vraiment que le moment est bien choisi pour cracher ton venin sur Yui? On ne sait pas ce qui lui est arrivé...

- Qui t'a dit que je la blâmais? répliqua son frère d'un ton posé. Je te plaignais juste d'avoir un beau-père aussi atroce. Bon, je vais prendre l'air.

Il sortit à son tour. Il était vrai qu'il avait besoin d'aérer son esprit. La proximité de Taka Tsuruga le rendait nerveux, tenait tous ses sens en éveil, mais il ne pouvait agir maintenant, il devait se retenir, connaître les raisons. D'une manière ou d'une autre, Shirin n'avait pas cité son nom de façon hasardeuse, et d'une manière ou d'une autre, il découvrirait la vérité, avant de le tuer de ses propres mains s'il s'avérait être le coupable de sa mort.

Jun soupira.

- Tu sais comment il est Zero, lui dit-elle après le départ d'Ichiru.

- Je dois dire que ton frère est un sacré morceau! lança joyeusement Kaito pour détendre l'atmosphère pesante qui s'était installée.

Il donna une tape sur l'épaule de son ami.

- Ne t'inquiète pas va! Elle doit avoir le trac, voilà tout. Et puis, ajouta-t-il en riant, les plus grandes stars se font toujours attendre!

Mais Zero n'était pas d'humeur joviale. Regardant à travers la fenêtre sans rien voir, il pensait à elle, et l'angoisse lui nouait la gorge.



Dans l'assistance, beaucoup profitèrent ce cette pause forcée pour sortir et jouir des rayons du soleil encore haut, même si l'astre béni ne réchauffait plus depuis longtemps, ou encore converser avec leurs voisins. Ren n'avait pas résisté à cette force incontrôlable qui avait attiré son regard vers la femme aux cheveux blonds assise au premier rang à droite aux côtés d'une rousse à la peau bronzée. Il n'avait pas mis longtemps à la reconnaître. C'était bien elle, celle qu'il avait eu le bonheur, bien trop court, de tenir dans ses bras. Soudain, elle se retourna. Yori fut pétrifiée, lorsqu'elle retrouva ce regard gris qui lui était si familier. Elle fut prise de vertiges. Ren s'était levé, quelques secondes après qu'elle eut posé ses yeux sur lui. Yori l'avait regardé s'éloigner dans l'allée gauche de la cathédrale.

- Qu'y a-t-il? lui demanda Mio, inquiète, en posant une main sur son épaule. Tu es sûre que ça va?

Après tout, son amie était enceinte et si faible ces temps-ci...

Yori, pâle comme un linge, se retourna vers elle.

- Excuse moi, répondit-elle l'air hagard, je reviens.

Sur ces mots, elle se leva à son tour et s'empressa d'emprunter la même direction que Ren avant elle, sous le regard intrigué de la chasseuse. Ce petit manège n'avait pas échappé à Kaname, qui connaissait à présent le visage de celle qui troublait tant le brun vampire.


- Si j'avais sû... bougonna Shiki, les mains derrière la tête, je ne me serais pas réveillé si tôt...

- Mon pauvre Shiki, se moqua Aïdo, tu ne penses qu'à ça. Un jour, il faudra que tu songes à devenir un être civilisé.

- Civilisé? répéta Shiki tout en fermant les yeux. Ca signifie être comme toi? Quel destin!

Kaname ne les écoutait pas. L'inquiétude le rongeait. Ce retard n'était pas anodin. Une vague de culpabilité l'envahit. Allait-elle bien? Était-il allé trop loin la veille? Pourtant, il serait le plus heureux des hommes si ce mariage n'avait pas lieu. Néanmoins, seul le bonheur de Yui comptait. S'il l'avait rendue malheureuse, il n'aurait pas assez d'une éternité pour se le pardonner. Où était-elle?


Kaien atteignit le dernier étage de la demeure Tsuruga, il avait pris le temps de la chercher encore dans chaque recoin de la maison, en vain. Ses recherches l'avaient finalement conduit ici, dans la bibliothèque. Il était sûr de ne pas se tromper. Pénétrant la vaste pièce, il la traversa et s'arrêta net devant deux étagères immenses se dressant sur sa droite. Glissant ses mains entre la jointure qui les séparait, il tira vers lui celle de droite qui bougea instantanément et s'ouvrit telle une porte. C'était bel et bien un passage dérobé, un passage donnant sur une autre pièce légèrement plus sombre. Kaien s'y engouffra et l'aperçut au fond , assise à même le sol, le visage dans les mains. Elle releva la tête lorsqu'elle l'entendit, et il en eut, l'espace d'un instant, le souffle coupé. Telle une fleur épanouie, sa longue robe de mariée flottait sur le sol. Ses yeux, même embués de larmes, n'avaient jamais été aussi incroyablement beaux qu'à cet instant. Il lui rappelait tellement Kyra, un être si resplendissant qu'à son contact, on se sentait touché par la grâce. A l'image de sa mère, Yui était une reine, même si à cet instant, cette reine semblait plus désœuvrée que jamais. S'avançant lentement vers elle, Kaien lui souriait avec une infinie douceur. Arrivant auprès d'elle, il s'accroupit pour être à sa hauteur et planta ses yeux noisettes dans ceux de la jeune femme.

- Tu m'as fait une belle frayeur, la taquina t-il gentiment.

Elle ne répondit pas, se contentant de le regarder, semblant totalement perdue.

- Yui, tu sais que tu peux te confier à moi, l'encouragea-t-il.

- Kaien, murmura-t-elle, vous est-il arrivé de vous retrouver à la croisée des chemins, et que vous ne sachiez pas lequel prendre?

Il soupira et lui sourit.

- Oui, répondit-il, ça m'est arrivé.

- Et qu'avez-vous fait?

- J'ai crû que je n'allais jamais arriver à en choisir un. Mais, après avoir laissé mûrir mon esprit, j'ai fini par me dire que rester au carrefour était parfaitement inutile, que rester là à attendre ne me ferait pas avancer. Alors j'ai choisi.

- Mais... Comment avez-vu su choisir la bonne route? s'enquit-elle.

Il posa une main sur la joue humide de la jeune femme.

- Je n'ai jamais su si c'était la bonne route, répondit-il. Tu sais Yui, je ne pense pas qu'il y ait de bonnes ou de mauvaises routes, il est des routes plus faciles et d'autres plus sinueuses, mais aucune n'est droite ou parfaite. Aujourd'hui est le jour où tu feras un choix, je comprends que cela t'effraie. Mais même si cette route n'est pas parfaite, je pense que Zero saura te guider, du moment que ton cœur le veuille vraiment.

Penchant la tête sur le côté, elle médita sur les paroles de son ami. Oui, à n'en point douter, malgré la peur qu'il l'assaillait, malgré cette douleur inhumaine qui la tiraillait de toutes parts, malgré l'image obsédante de Kaname qui saccageait son âme, Zero saurait la guider. Et peut-être, le long de ce chemin, prendra-t-elle conscience que son cœur aura guéri des plaies béantes laissées par les souvenirs magiques et sulfureux de moments de bonheur volés avec ce vampire qu'elle aura éperdument aimé.

- Zero m'attend, murmura-t-elle.

Kaien acquiesça d'un signe de tête et l'aida à se relever.

- Regarde-moi ça, fit le Directeur en posant ses deux mains sur les épaules de la future mariée, glissant sur elle un regard admiratif. Tu es magnifique, et encore, le mot est bien faible. Si on m'avait dit qu'un jour j'aurais l'honneur de te contempler ainsi...

La douceur de sa voix était mêlée d'une étrange tristesse qui se reflétait même dans son regard noisette.

- Oh, répondit Yui, en baissant les yeux, gênée, je ne dois plus ressembler à grand-chose, il m'a fallu une minute montre en main pour gâcher le dur labeur de la maquilleuse.

Posant une main sur son menton, Kaien lui releva lentement la tête et la fixa pendant un long, très long moment.

- Sèche ces vilaines larmes, lui dit-il.

Elle lui sourit. Lui seul avait toujours su la réconforter aux instants les plus noirs, aujourd'hui, de nouveau, c'était grâce à lui qu'elle n'était pas tombée.

- Je pense que Chidori se fera un plaisir d'arranger tout ça, conclut-il gaiement en la menant vers la sortie.

- Au fait Kaien...

- Hum? interrogea-t-il alors qu'il s'apprêtait à ouvrir la porte secrète donnant sur la bibliothèque.

- Comment avez-vous su que je m'étais cachée ici?

Il eut un petit rire et redressa ses lunettes.

- Je me suis rappelée que tu venais toujours te cacher ici pour pleurer quand tu étais petite, répondit-il avec nostalgie. Même si tu es devenue une splendide jeune femme, il y a des choses qui ne changent pas. Tu es bien la fille de ta mère, vu que c'est elle qui avait supplié ton père de fabriquer cette pièce pour qu'elle puisse s'isoler de temps à autre. Il était logique que tu sois ici.

Elle lui offrit un sourire empreint de gratitude et ils sortirent.



- Bonjour...

Au son de cette voix, Ren sursauta et se retourna d'un trait. Il n'avait pas oublié. Il se souvint de cette première fois où, par le plus pur des hasards, il l'avait aperçue, quittant les murs de l' université. Il se souvint de ce qu'il avait ressenti, une fascination mêlée de curiosité, de désir et de tendresse. Il se souvint combien il avait été foudroyé par la beauté de son âme qui irradiait tel un soleil de son visage d'ange. Toutes ces sensations étaient restées imperméables au temps. Il la trouvait aussi désirable que par le passé. Elle avait revêtu une robe en satin blanc cassé aux longues manches, serrée jusqu'à la taille et évasée jusqu'en bas en une multitudes de plis délicats, et n'avait relevé ses cheveux dorés que d'un seul côté à l'aide d'une fine barrette blanche en forme de papillon. Pourtant, quelque chose avait changé. Il tenta de la définir, en vain. Peut-être cela était-il dû aux cernes que même son maquillage parfait n'arrivait pas à dissimuler? Ou encore à ses joues étrangement creusées? Ce malaise qu'il ressentait...

- Bonjour, la salua-t-il en adoptant un ton neutre.

Elle ne s'était pas attendue à ce qu'il fut chaleureux, aussi, ce ton impersonnel ne la surprit pas. A présent qu'elle était là, quelles étaient les bons mots à utiliser? De plus, son esprit avait du mal à se concentrer tant elle était éblouie par la beauté éclatante de son vampire. Elle fut en admiration devant tant d'élégance. Le costume couleur sable qu'il portait épousait son corps à la perfection. Le pantalon, très près du corps, soulignait la musculature de ses jambes, la veste, fermée par quatre boutons d'un sable plus foncé et en col officier, rehaussait sa prestance. Elle n'avait rien oublié de ses cheveux noir ébène dans lesquels elle aimait plonger les doigts pour en apprécier toute la douceur, ni de ses yeux gris qui la fixaient sensuellement pendant l'amour. Tant de temps, tant de questions restées sans réponses, et comment lui annoncer que le fruit de leur histoire grandissait en elle?

- C'est une surprise... murmura-t-elle, je ne m'attendais pas à te revoir, et ici...

Une lutte sans merci s'était engagée dans la conscience de Ren, il aurait tant voulu la prendre dans ses bras.

- Notre chef a été invité, répondit-il à voix basse, et nous avec.

- Votre...chef? s'étonna-t-elle.

Elle imaginait mal Ren avoir un chef.

- Oui, nous vivons auprès de Kaname Kuran, un Prince de sang pur, qui est aussi notre ami.

Sang pur... Kaito avait fait vaguement allusion à cette race supérieure de vampires, il y avait longtemps.

- Et toi Yori? l'interrogea-t-il, s'étant quelque peu radouci. Tu es du côté de la mariée ou du marié?

- Eh bien... répondit-elle en baissant les yeux et esquissant un faible sourire, on va dire des deux. Mon... mon mari est le meilleur ami du marié, et je me suis liée d'amitié avec la mariée.

Elle le regarda, prête à fondre en larmes.

- Ren...

Instinctivement, il s'avança d'un pas. Ce fut alors qu'une sensation singulière surgit de nulle part. Le sentant si proche d'elle tout à coup, elle fut comme happée par son odeur, mais ce n'était pas celle de son parfum qui dominait, une autre fragrance la surpassait, bien plus sucrée, bien plus subtile, irrésistible. Elle se rapprocha de lui, les yeux hypnotisés par la veine de son cou. Ce sang... son sang... c'était donc ça ce parfum... la faim... Prenant subitement conscience de cette soif de sang qui lui faisait mal, elle se pétrifia sur place, horrifiée. Une douleur lui tenailla le ventre et elle se courba sous la souffrance. Passé le premier moment de surprise, Ren s'affola et voulut lui venir en aide. Posant ses mains sur les épaules de Yori, les traits de son visage étaient déformés par l'inquiétude.

- Yori, qu'y a-t-il? Tu as mal quelque part? S'il te plaît, réponds-moi!

Elle releva les yeux vers lui, elle pleurait. Puis elle se redressa. Ils restèrent un moment, les yeux dans les yeux. Ren lisait un tel désespoir dans son regard. C'était lui, le seul fautif.

- Ca va aller... souffla t-elle. Juste une petite douleur.

- Yori... murmura-t-il, je sais que j'ai été lâche, tu n'as eu droit qu'à une lettre aussi pitoyable que je le suis, mais si seulement je pouvais t'expliquer les raisons...

- Tu n'as pas à te justifier, l'interrompit-elle à voix basse en lui décochant un sourire d'une désarmante tristesse, qui lui fendit le cœur. Nous savions tous les deux...

Elle marqua une courte pause avant de continuer.

- Mais... il y a une chose dont j'aimerais te...

- Ren! susurra une voix mielleuse derrière Yori. Tandis que Ren enlevait précipitamment ses mains de ses épaules et reculait d'un pas, elle se retourna pour voir le visage de l'intruse. Une femme grande et élancée, aux longs cheveux lisses aussi noirs que ceux de Ren et à la poitrine opulente s'avançait vers eux, un large sourire étirant ses lèvres carmins. C'était une vraie beauté, mais Yori sut de suite que cette beauté n'était pas humaine.

- Gin! s'exclama Ren avec un naturel qui stupéfia la jeune femme, lui qui avait l'air si troublé quelques secondes plus tôt. Je ne t'avais pas vue.

Gin passa près de Yori, l'embaumant de son parfum épicé, sans daigner la regarder, et vint enrouler ses bras autour du cou de Ren en plongeant ses yeux verts dans les siens.

- Moi je t'ai vu, murmura-t-elle, lascive. En fait, ajouta-t-elle en passant un doigt parfaitement manucuré sur l'arrête du nez de Ren, je n'ai vu que toi... Tu m'as manqué...

Ce disant elle se collait à lui sans aucune honte, faisant fi de la présence de Yori. Ce fut à ce moment que Kaito, parti à la recherche de sa femme, aperçut le trio. Stoppant sa marche, il observa de loin en prenant soin de ne pas être vu. Que diable faisait son épouse en compagnie de ces deux vampires?

Ren se libéra avec grande élégance de l'étreinte de Gin en lui décochant un sourire désarmant de séduction.

- Ca fait longtemps, lui dit-il. Allons discuter ailleurs.

Il se tourna vers Yori, qui n'avait pas bougé, spectatrice de cette effroyable scène. Ren et cette femme, c'était la combinaison parfaite, vampire comme lui, divine comme lui, et il n'avait même pas pris la peine de la repousser. Elle avait compris qu'il s'agissait là d'une de ses conquêtes et la douleur de son cœur était telle que ses membres semblaient soudain anesthésiés. Au fond de lui, Ren aurait souhaité que Yori n'assistât pas à l'assaut sulfureux de Gin, il voyait à ses yeux qu'elle souffrait. Mais l'intervention de son ancienne maîtresse était peut-être un don de la fortune, peut-être qu'ainsi Yori pourrait cesser de l'aimer, car il aurait plus de chance de l'oublier si elle ne le désirait plus.

- Yori, j'ai été heureux de te revoir. Tu ne m'as pas l'air en forme, j'espère que tu te rétabliras vite. Mes amitiés à ton mari.

Sur ces mots, il lui tourna le dos et s'éloigna. Gin, pendue à son bras, lui lança un regard dédaigneux par-dessus son épaule, comme si elle se demandait pourquoi un être comme Ren s'entretenait avec une humaine aussi banale. Yori ne les quitta pas des yeux, jusqu'à ce qu'ils disparurent. Devant cette femme, il s'était adressé à elle poliment, mais sans chaleur, l'amour qu'elle avait crû revoir dans ses yeux quelques instants plus tôt s'était envolé. Malgré son chagrin, les sentiments de la jeune femme étaient inchangés, son cœur éteint s'était rallumé en le revoyant, et elle finirait par lui dire la vérité. Il le fallait. Néanmoins, quelque chose d'autre lui martelait la tête, qu'était-il arrivé tout à l'heure? Pourquoi s'était-elle sentie aussi attirée par la veine de Ren? Il ne l'avait pas transformée en vampire, alors pourquoi? Egarée et affolée, elle se prit la tête dans les mains et poussa un long soupir fatigué.

- Yori?

Sursautant, elle se retourna. Kaito la dévisageait.

- Je t'ai cherchée partout, lui dit-il calmement. Ne disparais pas comme ça, tu vas me faire mourir d'inquiétude. Viens.

Il lui tendit la main, qu'elle prit, puis ils longèrent ensemble le couloir menant à la salle de la cathédrale. Kaito ne fit aucune allusion à ce qu'il avait vu, préférant pour le moment la laisser en paix. Cependant, il n'arrivait pas à chasser de son esprit l'image de ces deux vampires, surtout l'homme. Il n'avait pas aimé ce regard qu'il posait sur sa femme.



Debout près de Kaname qui était resté assis, ne jugeant pas utile de se dégourdir les jambes, Aïdo discutait bruyamment avec Kain, qui semblait être médusé par le débit impressionnant de son cousin et ne l'écoutait plus que d'une oreille.

- Eh ! s'exclama Aïdo, vexé. Tu m'entends?

- Oui oui, répondit l'intéressé en soupirant, difficile de faire autrement.

- Bonjour, fit Shina qui passait près d'eux dans l'allée principale.

Elle s'arrêta et ses yeux se posèrent de prime abord sur sa sœur qui la toisa avec dégoût, assise auprès de ce monstre qu'elle haïssait. Evitant le regard noir de Kaname, elle remarqua la présence de Ruka, à l'autre extrémité entourée de Takuma et de Rima, et lui adressa un petit sourire narquois. Se détournant, elle s'apprêtait à continuer sa route lorsqu'un bras ferme faillit la faire tomber. Ebahie, elle se retourna. Les beaux yeux de Kain étaient assassins, luisant d'une envie de meurtre. Il réclamait sa vengeance. Elle ricana.

- Pauvre sot, que crois-tu pouvoir faire? railla-t-elle à voix basse. Tu veux profiter de ce mariage pour célébrer des funérailles? Mais prends garde que ce ne soit toi la vedette du jour.

- Sang Pur ou pas, gronda Kain en crispant plus fort ses doigts dans sa chair, vous paierez pour ce que vous avez fait à Ruka.

Ruka s'était levée.

- Kain! Laisse... Ca n'en vaut pas la peine, ajouta-t-elle avec lassitude.

- Vous n'allez pas vous en tirer comme ça, rugit le roux vampire sans quitter l'aînée des Takimora des yeux.

- Kain! l'interpela Kaname d'un ton sans appel en fixant Shina avec une effrayante froideur. Ce n'est pas le lieu. Nous réglerons cela plus tard.

A contrecœur, Kain la lâcha, et après lui avoir souri, elle alla s'asseoir près d' Hotohori Ushikudo et de son ombre Aoi chisato, placés quant à eux à la deuxième rangée de droite, juste derrière Mio, qui venait d'être rejointe par Ichiru. Aya ne put s'empêcher de ressentir un malaise à la vue de sa sœur avec Hotohori, et elle n'était pas la seule à être intriguée. Kaname, lui aussi, les observait du coin de l'œil. Le Président de l'Ordre, sentant des regards peser sur lui, tourna la tête et salua le Prince de sang pur en lui souriant avec cynisme.


- Tu en fais une tête, chuchota Ichiru à l'oreille de Mio. Une tête d'enterrement... Tu es au courant que c'est un mariage, rassure-moi?

Elle le poussa d'une main ferme, et le fusilla des yeux.

- Quel regard revolver! se moqua-t-il. J'adore les tigresses!

Elle ne riposta pas, bien qu'elle n'appréciait que très moyennement l'humour caustique et la familiarité du double de son partenaire. Elle l'avait rencontré au siège du Conseil, alors qu'il accompagnait Zero et il l'avait immédiatement agacée. Autant l'air taciturne et prétentieux de Zero lui tapait sur les nerfs, autant le tempérament joueur et moqueur de son jumeau lui était insupportable. A eux deux, ils se complétaient parfaitement. Mais au-delà de leur stupéfiante ressemblance physique, l'éclat des yeux de Zero était différent de celui de son frère, au fond d'elle-même, elle en était consciente, mais elle voulait continuer à croire le contraire, et à croire qu'elle se moquait éperdument de ce mariage.

- Je te comprends, reprit Ichiru en fixant l'autel, pensif. Moi non plus, ce mariage ne me réjouit pas...

- Qu'est-ce que tu vas chercher? s'insurgea-t-elle d'un ton sec. Zero peut se marier avec qui il veut, ça m'est complètement égal.

- Ah? répliqua-t-il sans la regarder. Toujours est-il que rien n'est joué tant que le prêtre n'aura pas prononcer les mots « mari et femme »...

Mio ne répondit pas, s'interrogeant silencieusement sur Ichiru. Pourquoi voyait-il cette union d'un si mauvais œil? Yori fut de retour.

- Ca va? lui demanda son amie.

- Oui, oui, un peu d'air frais, ça fait du bien, lui répondit-elle.

Yori tourna la tête pour le chercher des yeux, mais ne le vit pas. Était-il toujours en compagnie de cette femme vampire? Et si tel était le cas, que faisaient-ils depuis tout ce temps? Tentant de balayer les images de Ren et Gin dans des positions équivoques, elle croisa le regard d'un vampire qui la fixait froidement. Elle sut de suite que c'était lui, le chef qu'avait mentionné Ren. Au-delà de son aveuglante beauté, il y avait cette fierté, ce charisme presque effrayant, que seul pouvait dégager un roi. Elle se retourna vivement, elle s'était sentie espionnée intimement sous le regard du Sang Pur.

La porte de l'arrière salle s'ouvrit brusquement.

- Elle est arrivée! leur annonça joyeusement Kaito.

Zero poussa un soupir de soulagement. Sa mère et son père se sourirent.


Les personnes se trouvant à l'extérieur furent invitées à rentrer dans l'église. D'un même mouvement, ils obéirent, et la lourde et immense porte se referma derrière eux tandis qu'ils regagnaient leurs places respectives. Kaname prit une profonde inspiration. Ainsi donc, le moment était enfin venu.

Alors qu'il étaient arrivés par la cour arrière de la cathédrale, Kaien et Yui la contournèrent pour atteindre l'entrée principale.

- Bon, dit l'ancien chasseur en lui prenant la main. C'est ici que je passe le relais à ton père.

L'émotion nouait la gorge de la mariée.

- J'aurais aimé que ce soit vous qui m'accompagnez jusque l'autel, murmura-t-elle au bord des larmes. Vous êtes plus qu'un père pour moi...Vous êtes mon protecteur, mon...

- Chut ... lui signifia Kaien en posant un doigt sur sa bouche. Je sais.

Il la regarda avec tristesse, il ne pouvait plus dissimuler son chagrin. Elle avait grandi si vite.

- Ne recommence pas à pleurer, pense à ton maquillage, la taquina t-il en se ressaisissant. Je ne serai pas loin, je serai le témoin en costume noir.

- Très drôle, fit Yui en souriant à contrecœur. Au fait, je ne vous l'ai pas dit, mais vous êtes très beau.

Il était vrai que ce Kaien Cross, vêtu d'un costume noir à la coupe parfaite et d'une chemise blanche ornée d'un nœud papillon de la même teinte, les longs cheveux châtains lisses et dénoués brillant comme de la soie, était d'une très grande élégance.

- Je sais, plaisanta-t-il.

Après lui avoir adressé un dernier regard 'encouragement, il s'éloigna et retraversa la cour d'un pas rapide, bouleversé. Il croisa Taka.

- Elle t'attend, lui dit-il.

Son vieil ami lui sourit et alla rejoindre sa fille.

Quelques minutes plus tard, à l'intérieur, Zero fit son entrée, suivi de Kaito et de Kaien. Il aperçut immédiatement Kaname et le gratifia d'un regard haineux, ce qui n'échappa pas à son frère et à Mio, lesquels, tournant la tête, remarquèrent le Sang Pur, fixant Zero avec la même sympathie. Kaien, lui non plus, ne semblait pas fort heureux de revoir Kaname en ces circonstances. Il était tendu, se demandant si sa présence ne risquait pas de compromettre cette cérémonie qui avait déjà pris un mauvais départ. Zero ne comprenait pas les intentions de son beau-père, lui qui semblait détester Kaname Kuran, s'était donné la peine de l'inviter au mariage de sa fille. Il le connaissait assez pour savoir qu'il ne laissait rien au bon vouloir du hasard, alors pourquoi? Cela étant, il regrettait de n'avoir pas pris le temps de passer en revue la liste de Taka Tsuruga, il regrettait son manque d'intérêt en ce qui concernait l'organisation du jour le plus important de sa vie, mais il était trop tard pour s'apitoyer. Détournant son regard de Kaname, il croisa celui de Mio et ce qu'il y lut le mit mal à l'aise. Était-ce des reproches? En talons aiguilles, parée d'un tailleur pantalon couleur saumon et d'un bustier blanc faisant ressortir les courbes de ses seins, elle respirait la féminité. Se détournant bien vite d'elle, il se redressa.

- Tu es nerveux mon vieux, chuchota Kaito à son oreille. Ne t'en fais pas, ce n'est que le début.

- Je savais que tu étais un vrai ami, lui répondit Zero à voix basse en passant une main moite sur son front, merci de ta sollicitude.

- De rien, railla son témoin, c'est un plaisir.


Yui tenait le bras de son père. Elle leva les yeux vers le ciel, il n'avait pas plu aujourd'hui. Le soleil s'inclinait doucement mais semblait lui sourire avec moquerie. Serait-elle malgré tout une mariée heureuse? Ou cela présageait-il quelque sort funeste? S'efforçant d'oublier les pensées morbides qui l'assaillaient, elle frissonna.

- Tu as froid? lui demanda gentiment son père.

- Oh! Un peu, mais ça ira, répondit-elle un brin surprise par le ton inhabituel de son sombre père, d'ordinaire si distant.

Était-il possible qu'à l'aube de sa nouvelle vie de femme, il éprouvât une once de remords pour toutes ces années passées? Elle en doutait cependant. Soudain, les cloches retentirent et firent vibrer la cathédrale. Le cœur de Yui se mit à cavaler si vite qu'elle sentait sa poitrine sur le point d'exploser.

- Voilà, c'est le moment, annonça Taka. Prête?

Non, elle ne l'était pas, mais elle acquiesça d'un signe de tête.

La porte s'ouvrit. La mélodie de l'Ave Maria de Schubert lui parvenait au dehors. Elle avait elle-même choisi cette chanson qui était la préféré de Kyra. La première fois que sa mère lui avait fredonné cet air de sa voix fluette, elle en était tombée amoureuse. Peut-être que Kyra lui donnerait un peu de sa force et de son courage aujourd'hui?

A l'intérieur, toutes les têtes se retournèrent. Yui se serait sans doute évanouie , n'eut été le bras de son père pour la soutenir. Ils atteignirent le seuil de la porte. Prenant une profonde inspiration, même si cela était parfaitement inutile pour ralentir le rythme effréné de son cœur, elle posa le premier pas sur le sol de marbre gris clair de la cathédrale et instantanément, des lianes de tulles blanches descendirent comme par magie de la voûte, laissant l'assistance sans voix et émerveillée. Elle marcha très lentement, au rythme de la musique, sa vision s'obscurcissait à mesure qu'elle avançait. Elle fixait le bel homme qui l'attendait tout au fond, et dire qu'il lui fallait traverser cette allée interminable pour le rejoindre. Elle ne remarquait pas les regards admiratifs et interloqués des personnes présentes, mais Yui était telle une déesse, flottant sur le sol, passant dans cette allée ornée de sublimes roses blanches de bout en bout. Les rayons du soleil perçaient à travers les immenses vitraux et l'auréolaient d'un halo qui lui conférait une aura presque surnaturelle. Ses longs cheveux bruns avaient été coiffés en une raie sur le côté. Minutieusement lissés, ils se terminaient par de magnifiques vagues ondulées et étaient parsemés d'une multitude de fines perles dorées. A son front pendait une goutte en diamant retenue par une chaîne composée de fines feuilles revêtues d'or. Zero ne pouvait détacher son regard de cette vision onirique, hypnotisé.

- Oui, conclut Kaito, lui aussi troublé, comme tous, par l'apparition de la mariée. J'avais tort, c'est bien plus qu'une star mon vieux. Ca valait la peine d'attendre.

Zero ne pouvait qu'être d'accord, mais il était incapable de mots cohérents, fixant cette femme splendide, s'avançant vers lui, qui allait être sienne, qui bientôt serait sa femme.

Kaname ignorait si son corps était encore là , dans cette église. Il se sentait si vide qu'il avait la désagréable sensation que son enveloppe charnelle l'avait quitté. En apercevant Yui, le temps s'était arrêté. Toutes ces personnes autour de lui s'étaient évanouies pour fondre dans les abysses de son esprit. Il ne voyait plus qu'elle, et son âme entière s'était vidée pour disparaître dans ses yeux. Sa reine, irradiée de lumière, glissait telle une plume vers l'homme qui allait la lui prendre à jamais. Pour la première fois de sa vie, Kaname sut ce que c'était que la force des regrets véritables. Lui, qui pendant toute son existence, avait eu à cœur de tout contrôler, de tout planifier comme du papier à musique, n'avait pas prévu l'arrivée d'une reine aussi lumineuse dans sa vie de vampire depuis trop longtemps habitué aux ténèbres. Aujourd'hui ne faisait que confirmer ce qu'il avait su le soir de leur première rencontre, Yui était et serait toujours la seule. S'obligeant à s'arracher à cette contemplation qui lui était par trop cruelle, il se retourna et fixa une statue de la Vierge, qui semblait se moquer de sa peine, alors que les autres continuaient à suivre l'ascension de la mariée jusque l'autel. Elle y était presque, elle avait fait un peu plus de la moitié du chemin... et elle n'était pas tombée. Cependant, son soulagement fut de courte durée. Elle le sentit avant même de l'avoir vu. Tournant légèrement la tête sur sa gauche, elle le vit et son cœur appela à l'aide. Il ne la regardait pas. Ses jambes se mirent à trembler, sa respiration devint rapide et saccadée. Son père, percevant son trouble, la tint plus fermement et se pencha.

- Ca va aller, lui chuchota-t-il au creux de l'oreille.

Elle lui en fut reconnaissante. Non, elle n'avait pas le droit de flancher maintenant. Elle s'obligea à poser ses yeux égarés sur Zero qui n'était plus qu'à quelques pas, un sourire triomphant aux lèvres. Aux pieds des petites marches, Taka lui embrassa les mains et posa l'une d'elle sur celle de Zero, signe qu'à partir de maintenant, il la lui confiait, puis il rejoignit Jun et Sho, assis à la place d'honneur. La mère de Zero pleurait à chaudes larmes, appuyée sur l'épaule de son mari. Yui monta les marches et la musique s'arrêta. Main dans la main, elle fit face à Zero, rayonnant dans son costume gris clair chiné qui se mariait à la perfection avec l'argent de ses cheveux. Il avait laissé sa boucle d'oreille, c'était un futur marié mais il n'en restait pas moins un chasseur rebelle. Elle sourit. Zero, sentant les tremblements de la main de Yui, la serra plus fort, et les jeunes gens se tournèrent alors vers le prêtre qui commença son discours. Kaname vivait la scène comme une pièce de théâtre, le corps tendu comme un arc, il n'entendait pas le flot de paroles que débitait le prêtre, ne percevant que le souffle de Yui et ne voyant que la main de Zero tenant la sienne. Ren l'observait du coin de l'œil et même s'il ne prétendait pas savoir ce que ressentait Kaname à cet instant, il admirait la grande noblesse dont il faisait preuve face à un tel spectacle. Kain et Aïdo lui jetaient également des regards furtifs, se demandant si l'indifférence qu'ils lisaient sur le visage de leur ami était réelle ou juste une façade. Vint le moment des discours des mariés. Zero et Yui se tournèrent l'un vers l'autre. Le chasseur prit les deux mains de la jeune femme et ce fut lui qui ouvrit le bal.

« La première fois que je t'ai vue, je t'ai trouvée non seulement très belle, et un peu insupportable il faut le dire», il sourit avec malice, ce qui amusa l'assemblée, « mais j'ai tout de suite lu en toi un grand courage. Et je ne m'étais pas trompé. J'ai découvert que tu étais une femme forte et fragile à la fois, les épreuves que tu as traversées ont fait de toi celles que tu es aujourd'hui, une femme complète, une personne qui force le respect et qui donne envie de croire que la vie peut être quelque chose de beau même quand on a dû surmonter des moments de souffrance ».

A ces mots Taka se raidit. Qu'est-ce que cela signifiait? Zero connaissait donc leur secret? Kaname n'en fut pas surpris, après tout, il était naturel qu'elle eut révélé son passé à celui qu'elle avait décidé d'épouser.

« Tu m'as donné cette envie à moi aussi, Yui. Avant de te rencontrer, je ne vivais que pour mon travail, j'aimais être seul ».

Il lui sourit avec tendresse. L'émotion faisait briller ses yeux violets tels des étoiles. Yui sentit les larmes lui monter aux yeux, était-il possible que Zero débordait autant de bonheur? Était-elle réellement digne de ces merveilleux mots qui sortaient de sa bouche?

« Maintenant, grâce à toi, je sais que nul n'est fait pour être seul, Yui. Je ne te promets pas qu'avec moi, la vie sera belle tous les jours, je sais que je n'ai pas un caractère facile, mais j'apprendrai à être un bon mari, si tu m'en laisses le temps...Tout ce que je peux te promettre, c'est de ne jamais te faire pleurer et de t'aimer comme tu mérites d'être aimée. Je suis fier que tu m'aies choisi. »

Yui resta sans voix. Les yeux plongés dans ceux de Zero, ses paroles l'avaient bouleversée. Comment allait-elle se montrer à la hauteur d'une telle déclaration? Cette dernière avait suscité une vive émotion dans l'assistance. Kaito regarda sa femme avec amour, il se rappelait leur propre mariage, célébré dans la plus stricte intimité. Ren s'en aperçut et comprit. Le témoin du marié était le mari de Yori. Il sursauta. Se pouvait-il que cet homme fut un chasseur lui aussi? Mio s'était sentie mal tout le long du discours et Ichiru, sentant l'agitation qui la parcourait, avait posé une main compatissante sur la sienne, qu'elle n'avait pas repoussée. Hotohori se pencha vers Chisato, un sourire moqueur aux lèvres, pour lui parler au creux de l'oreille. Son ombre hocha la tête.

- Cet humain sait comment parler à une femme, chuchota Aya à l'attention de Kaname.

- En effet, répondit-il d'un ton glacé.

C'était à présent au tour de Yui. Son compagnon l'encouragea du regard. Prenant une profonde inspiration, elle ferma les yeux et les rouvrit pour prendre la parole. Ce fut alors qu'elle prit conscience qu'elle avait Kaname dans son champ de vision. Alors qu'elle s'apprêtait à ouvrir la bouche pour parler, son regard sur elle lui transperça le cœur et la pétrifia. Ce regard marron pourpre qui allumait un brasier en elle à chaque fois qu'elle avait le malheur de s'y laisser couler. Tout de blanc vêtu, sa stupéfiante magnificience éclipsait toutes les personnes présentes, y compris l'homme qui se tenait en face d'elle. Ses yeux fouillaient en elle, cherchaient des raisons, une explication à ce mariage. Soudain, pour Yui, ce fut une évidence. Kaname n'était pas indifférent. La présence de la sublime Sang Pur à ses côtés ne suffit plus pour chasser sa conviction. Kaname la voulait, elle, Yui Tsuruga. Néanmoins, elle fit un effort surhumain pour se concentrer à nouveau sur Zero qui avait failli tourner la tête pour voir ce qui l'avait perturbée pendant un court instant. Elle tenta de reprendre ses esprits, elle avait chaud, son front était humide humide, le diamant qui y pendait était soudain très lourd.

« Zero... » s'entendit-elle dire, « ce que ... en fait je... », elle passa une main sur son front et soupira.

Dans l'assistance, on commençait à se poser des questions, à se regarder les uns les autres, l'incompréhension se lisait sur bon nombre de visages. Taka fronçait les sourcils, se demandant ce que fabriquait sa fille. Kaien, sentant Yui faiblir, avait envie de la prendre dans ses bras pour la réconforter.
Yui vit la panique voiler le regard de Zero. Il fallait qu'elle se reprenne.

« Jai...J'avais préparé un beau discours » , reprit-elle d'une voix mal assurée, « mais je crains... que ma mémoire ne me fasse défaut aujourd'hui. Aussi, tout ce que j'ai à te dire Zero...c'est que je suis heureuse d'être à tes côtés... ».

Les derniers mots s'étaient terminés en murmure. Elle baissa les yeux, honteuse. Zero lui releva la tête et lui fit un clin d'œil. Il ne lui en voulait pas, mais elle ne pouvait pas en dire autant. Car ne venait-elle pas de mentir de manière éhontée, tout comme elle avait menti depuis qu'elle avait accepté sa demande?

- Zero Kyriu, fit la voix du prêtre avec grandiloquence, voulez-vous prendre pour épouse Yui Tsuruga ici présente selon le rite de Notre Sainte Mère l'Eglise? Lui jurez-vous fidélité et de la chérir dans les bons et mauvais moments jusqu'à ce que la mort vous sépare?

- Oui, répondit-il sans l'ombre d'une hésitation, en la couvant d'un regard amoureux.

- Yui Tsuruga, voulez-vous prendre pour époux Zero Kyriu ici présent selon le rite de Notre Sainte Mère l'Eglise? Lui jurez-vous fidélité et de le chérir dans les bons et mauvais moments jusqu'à ce que la mort vous sépare?

Ce fut alors que la mariée croisa de nouveau le regard de Kaname, car il était le seul qu'elle voulait chérir jusqu'à la fin de ses jours. Le prêtre avait-il bien posé cette question à l'attention de Zero? Ne s'était-il pas trompé de personne? Elle n'avait pensé qu'à Kaname, dans les bras duquel elle s'était abandonné la veille et qu'elle avait pitoyablement rejeté. Mais elle ne voulait ni ne pouvait plus le rejeter. Il l'avait fait souffrir, pleurer, cent fois elle avait crû mourir, cent fois elle avait crû tomber dans les filets de la folie, mais son amour pour lui n'avait jamais capitulé, malgré les jours et les nuits pendant lesquelles elle avait connu l'enfer, souffrant de l'absence de ses bras, de son regard, de ses mots, de ses caresses. Les yeux du Sang Pur se rallumèrent d'un feu nouveau, d'instinct, il sut qu'elle n'allait pas donné la réponse tant attendue qui condamnerait leur histoire à jamais. Yui se tourna vers Zero. Ce dernier avait perdu sa belle assurance, allait-elle répondre non? Allait-il la perdre? Il serra plus fermement ses mains dans les siennes en la regardant fixement comme s'il lui criait silencieusement « Reste avec moi! ». Une larme coula sur la joue de Yui.

- Je suis désolée, confessa-t-elle à voix basse.

Sous les yeux médusés du prêtre et de l'assemblée, la reine se détourna de lui et se tourna vers son roi qui s'était levé. Elle descendit les marches, et s'élança vers lui, ils ne se quittaient pas des yeux. Il était le seul, l'unique, il n'y avait jamais eu que lui, cela avait toujours été lui et ce sera toujours lui jusqu'à la fin, quelle qu'elle serait. Kaname l'attendait, plus que quelques pas et elle serait dans ses bras. Ses yeux lui disaient qu'il allait l'emmener loin d'ici, loin de ces gens dont elle n'avait que faire, puisque seul lui importait. Kaname... Un bras la tira violemment en arrière et lui arracha un cri de douleur. C'était son père, les yeux fulminant de rage.

- Laissez-moi, Père! s'écria-t-elle. Je ne vous appartiens plus!

- Et à qui appartiens-tu Yui?! s'insurgea-t-il . A ce monstre ?!

- Kaname n'est pas un monstre!

Les parents de Zero s'étaient levés, ainsi que Mio,Yori, Ichiru, Aya et Ren. Zero, resté près de Kaito et Kaien, n'avait pas bougé, trop ébranlé par ce revirement de situation. Car après tout, quelle était l'attitude à adopter? L'insulter? La retenir par la force comme son père? Un profond chagrin l'envahit, un sentiment qui dépassait de loin le fait d'avoir été trahi, au vu et su de tous.

- Intéressant, murmura Hotohori.

- Je vous conseille de la lâcher, rugit Kaname dont les yeux devinrent incandescents sous la colère, maintenant! ajouta t-il, menaçant.

- Qui croyez-vous être Kaname Kuran? rétorqua Taka avec haine. Je n'ai pas d'ordre à recevoir de vous! Vous n'aurez pas ma fille!

Yui réussit à se libérer de l'étau de ses mains et lui fit face.

- Vous ne pourrez rien y changer Père, lui dit-elle avec fermeté.

Elle se tourna vers Kaname.

- Je lui appartiens. Et je l'aime, murmura-t-elle en échangeant avec lui un regard d'une stupéfiante évidence.

Aux yeux de tous, leur amour montrait enfin son visage. Cette reine auréolée de lumière et ce roi fier et magnifique s'aimaient. Yori n'éprouva aucun mépris envers Yui, elle, mieux que quiconque, ne savait que trop ce qu'elle pouvait ressentir. Elle regarda Ren et son cœur s'affola quand elle vit qu'il l'observait déjà. Mio, en revanche, serrait les poings et n'avait qu'une envie, sauter à la gorge de celle qui s'était jouée si honteusement de Zero. Ichiru affichait une expression désabusée, comme s'il avait toujours su que les choses se termineraient ainsi. Kain ne semblait pas le moins du monde étonné, ou tout du moins, n'en laissait rien paraître; Aïdo, l'air renfrogné, semblait apprécier moyennement la scène; Rima et Shiki s'étaient soudainement éveillés de leur nonchalance coutumière et écarquillaient les yeux; les regards de Ruka et Takuma faisaient le va-et-vient entre Kaname et Aya, laquelle avait les prunelles rivées sur Kaname comme si elle s'attendait à ce qu'il repoussat d'un instant à l'autre l'affection de cette humaine, et sa sœur, restée assise, l'observait avec gravité.

Kaname lui tendit la main, un sourire radieux illuminant son mirifique visage. Elle s'approcha lentement de lui, le cœur battant, et ses doigts étaient à quelques centimètres des siens lorsque la voix de son père l'arrêta net.

- Puisque tu aimes ce Kuran, sache que c'est un Kuran qui a pris la vie de ta mère, lui annonça-t-il avec rudesse.

A ces mots, la terre s'écroula sous ses pieds. Etait-ce un rêve? Ou était-ce la réalité? Elle laissa retomber son bras, regardant Kaname, sans comprendre. Il semblait aussi choqué qu'elle par cette brutale révélation. Les yeux du vampire s'obscurcirent. Si tout ceci était véridique, ce Kuran dont parlait Taka Tsuruga ne pouvait être que Rido. Son sang se glaça. Des cris de surprise s'étaient échappés d'un peu partout. Personne n'en revenait, tous étaient choqués, Kaien excepté. Lui seul connaissait l'horrible vérité. Mais deux autres personnes ne semblaient pas le moins du monde surprises, Hotohori Ushikudo et Aoi Chisato. Yui se dirigea vers son père et agrippa le col de sa veste avec violence.

- Vous mentez! s'écria-t-elle. Vous ne savez faire que ça! N'avez-donc aucun respect pour ma mère?!

- Je ne te mens pas, rétorqua-t-il froidement. Et c'est toi qui devrais avoir du respect et avoir honte de toi. Ta mère était tout à mes yeux, je ne pourrais pas souiller sa mémoire avec un mensonge aussi grave.

Yui se raidit puis le lâchant, recula de deux pas et le dévisagea. Elle revit son père auprès de Kyra, la façon dont il la regardait... Non, cette fois-ci, il ne pouvait s'agir d'un mensonge. Ainsi cet accident avait été monté de toutes pièces pour lui cacher l'horrible vérité...un meurtre. Elle se retourna vers Kaname, dont les yeux étaient emplis de compassion et de... culpabilité. Culpabilité? Était-il au courant? Qu'avait-il à voir avec le meurtre de sa mère? Qui était ce Kuran, ce monstre qui l'avait tuée? Kaname était un Kuran, était-il complice de cette atrocité? Comment regarder encore son visage alors que son propre sang avait pris la vie de sa mère? Tout se mit à tanguer autour de la jeune femme, les mots « meurtre » et « Kuran » lui martelaient le cerveau, elle secouait la tête, complètement perdue. Kaname voulut s'avancer vers elle, ainsi que Kaien qui avait précipitamment descendu les marches pour la rejoindre. Mais ni l'un, ni l'autre n'en eurent le temps. Soudain, de chaque côté, les vitraux volèrent en éclats. Passant au travers, quatre vampires surgirent dans l'église. Des cris et hurlements s'élevèrent de toutes parts, mais tout se passa à une vitesse vertigineuse. Ruka, Shiki, Aïdo, Rima, Takuma, Kain et Ren avaient bondi auprès de Kaname, en position d'attaque. Les chasseurs avaient fait de même. Mais avant que l'un d'eux ne réagisse, l'un des vampires s'était emparé de Yui et vola avec elle pour rejoindre les trois autres, restés en retrait . Kaname, les yeux rougeoyant, lança une attaque, aidé par Kain qui envoya de terrifiantes flammes sur les ennemis, mais rien n'y fit. Les assauts répétés de Kaname n'eurent aucun effet, les flammes de Kain s'évanouirent comme par magie à quelques mètres des quatre vampires qui les jaugeaient, amusés. Zero serrait les mâchoires, en lui, la tempête s'était manifestée, mais il n'avait pas son arme...

- Un aigis... souffla Ren.

Aïdo se tourna vers lui, ébahi.

- Il y a un vampire aigis parmi eux, rugit Kaname.

Tous les yeux étaient rivés vers les quatre créatures.

- Nous nous excusons pour cette entrée fracassante, leur dit celui qui tenait Yui dans ses bras. Il était blond, avec de longs cheveux. Au fait, je ne sais pas à lequel d'entre vous appartient cette jolie fleur, railla-t-il en regardant tour à tour Kaname et Zero avant de poser ses yeux luisants sur Yui, qui se débattait désespérément pour s'échapper, mais elle était déjà sous option.

Il ricana.

- On y va Zenako.

Ichiru sursauta. Zenako... Ce vampire aux cheveux courts, c'était donc elle! Il tressaillit de tous ses membres. Elle ne s'en aperçut pas. Elle acquiesça d'un signe de tête en souriant à son amant.

- Au fait, Kaname, ajouta Ryuu en se tournant une dernière fois vers l'intéressé, je suis ravi de te revoir, tu m'as l'air en pleine forme. On s'en occupera bien, compte sur nous.

Il eut un rire diabolique et posa sauvagement ses lèvres sur ceux de Yui, qui avait arrêter de se débattre, et dont les larmes coulaient abondamment sur le visage. Kaname n'avait jamais ressenti une telle envie de meurtre, une telle envie de jouer avec sa proie et lui faire endurer les pires sévices avant de l'achever, le goût du sang lui monta à la bouche. Il était là, impuissant, mais se jurait que Ryuu paierait chèrement ce qu'il était en train de faire à la personne qui lui était la plus chère.

Dans une bourrasque, ils s'envolèrent par là où ils étaient arrivés. Le dernier regard que Yui jeta derrière elle fut pour Kaname. Son cauchemar avait pris vie, et comme dans son cauchemar, elle le suppliait de la sauver, car à cet instant, apeurée, volant dans le couloir de la mort, elle avait oublié les terribles mots de son père. Ce dernier tomba à genoux, et murmura le nom de sa fille en tapant du poing sur le sol froid de la cathédrale. Glacé comme la pierre, Kaname se dirigea directement vers la sortie suivi de ses amis. Le bras de Zero le retint alors qu'il avait déjà atteint la porte.

- Pas si vite! s'écria le chasseur.

Le Sang Pur se retourna et planta ses yeux vides d'expression dans ceux de Zero.

- Je te conseille de retirer tes sales pattes maintenant si tu tiens à la vie, fit Aïdo, menaçant.

Mio, Kaito et les parents de Zero s'étaient approchés, parés à lui prêter mains fortes. Kaien était resté près de Taka et essayait, en vain, de le consoler.

- Et moi, je te conseille de la fermer, pesta Mio.

- Répète un peu ça! s'emporta Ruka.

- Du calme, intervint froidement Kaname qui n'avait pas quitté Zero des yeux. Que veux-tu ?

- Pour le moment, je me fiche de savoir ce qui se passe entre Yui et toi, répondit-il d'un ton haineux, par contre j'aimerais savoir qui sont ces vampires qui l'ont enlevée! Ce type et toi avez l'air de bien vous connaître, je me trompe? Réponds!

Kaname se dégagea de l'étau de ses doigts d'un geste sec.

- Je n'ai pas à te dire quoique ce soit, Zero Kyriu, répliqua t-il avec mépris. Je la retrouverai, ajouta-t-il comme pour lui-même.

Sur ces paroles il se détourna et entouré des siens, quitta la cathédrale, sous les yeux des chasseurs et d'Aya qui ne s'était pas encore remise de ce qui venait de se produire. Zero voulut le poursuivre, emporté par la rage, ne pouvant se contenter de cette réponse. Mais ses proches le retinrent, s'efforçant de le calmer.

- Echec et mat, murmura Hotohori en souriant.
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MessageSujet: Re: PRINCE OF BLOOD   PRINCE OF BLOOD Icon_minitimeJeu 3 Juin - 17:08

CHAPITRE ONZIEME


NOCTURNE DANS LA VALLEE DE LA MORT



« Je donnerais mille fois ma vie pour savoir ce qui peut t'être le plus utile, jamais je ne t'ai tant aimée, mon cher ange, ou plutôt, de cet instant seulement, je commence à t'adorer comme tu mérites de l'être. Que deviendrai-je loin de toi, et avec la conscience que tu es malheureuse par moi! » - Le Rouge et le Noir - Stendhal

La porte de la demeure Kuran se referma. Durant le trajet entre la cathédrale et le manoir, personne n'avait soufflé mot et à présent, le silence était toujours d'or. Ils se dirigèrent d'un seul mouvement dans le grand salon, chacun méditant sur les événements qui venaient de se dérouler et chacun optant pour la délicatesse de ne pas en débattre avec leur chef. Pourtant, à leur grand étonnement, Kaname les suivit et fermant la marche, referma la porte du salon derrière lui, contre laquelle il s'adossa, bras croisés, tête baissée. Ils s'assirent et attendirent. Le silence était si pesant qu'on ne percevait même plus leurs respirations.

- Je pense que je vous dois certaines explications, commença-t-il enfin. Cette femme, qui était sensée se marier aujourd'hui, et qui s'est faite enlever, est la seule qui compte à mes yeux.

Il prit une courte pause avant de poursuivre.

- Je pense avoir parfois abusé de mes aprioris, et je m'excuse pour certaines susceptibilités que j'aurais pu ébranler par des propos parfois trop durs. Je n'ai moi-même pas pu suivre ce que je prêche si ardemment.

Ren sut que Kaname faisait allusion à leur conversation, lorsqu'il lui avait intimé de cesser sa relation avec Yori. Mais son ami ne pouvait lui en vouloir. Il connaissait par trop les qualités de cœur de Kaname, il avait vu son visage éteint par la souffrance, puis se rallumer lorsque Yui Tsuruga avait quitté l'autel pour le rejoindre, son regard lorsqu'elle avait prononcé les mot « je l'aime ». Comment aurait-il pu le détester d'aimer? Et à présent, que ressentait-il, alors qu'il avait regardé celle qu'il chérissait se faire enlever par ces vampires, totalement impuissant? Les autres restaient terrés dans leurs pensées secrètes. Ils avaient tous été choqués autant par la révélation de cet amour improbable au grand jour que par l'attaque surprise de leurs congénères. Car ils avaient découvert un nouveau Kaname, un Kaname qui avait laissé, l'espace de quelques minutes, la porte de son cœur entrouverte, un instant qui avait suffi pour voir à l'intérieur. Ruka devait certainement être la plus bouleversée, mais elle n'en laissait rien paraître. Un éclair d'inquiétude traversa l'esprit troublé de Kain, il craignait une rechute de la jeune femme. Ce fut lui qui, le premier, prit la parole.

- Tu n'as pas à te justifier devant nous, Kaname, lui dit-il calmement en regardant son ami. Je pense parler au nom de tous, en disant que quels que soient tes choix, nous les respectons, nous n'avons pas à juger de tes sentiments ou de tes actes. Nous sommes venus ici pour t'aider, c'est le moment de le faire. Tu comptes partir à la recherche de Yui n'est-ce pas?

- Oui, répondit-il froidement sans les regarder.

- Alors nous venons avec toi, conclut Kain.

- Oui, je viens! surenchérit Aïdo qui s'était levé d'un bond.

- Et moi aussi, fit Shiki.

Kaname leva enfin les yeux vers eux.

- Vous avez parlé d'un aigis... dit Ruka. C'est à cause de lui qu'on a pas réussi à les toucher?

- Un vampire aigis a des pouvoirs particuliers et très utiles pendant les combats, expliqua Ren. Il peut créer une barrière entre l'ennemi et lui, ce qui fait qu'aucune attaque ne peut la percer, mais en contrepartie, ceux qui se trouvent de l'autre côté ne peuvent, eux non plus, pas attaquer. Rien ne passe à travers la barrière tant que l'aigis la maintient. Celui d'entre eux qui était un aigis doit être un des derniers de son espèce, du moins je l'espère. Il n'y en a presque plus.

- Je vois, répondit Ruka.

- J'ai reconnu deux de ces vampires, des Sangs Purs, continua Ren, pensif. Pourquoi Ryuu Fusazane et Zenako Hideyo auraient-ils enlevé cette femme?

- Ils sont à la solde de Rido, lâcha Kaname.

A ce nom, ils sursautèrent. Les mots de Taka Tsuruga n'avaient échappé à aucun d'entre eux et ils en étaient tous parvenus à la même conclusion. De tous, Shiki était le plus touché par la réapparition de Rido Kuran. Il tremblait intérieurement, pourquoi fallait-il qu'il eut été engendré par ce monstre? Au fond de lui, il en voulait à sa mère, malheureusement on ne pouvait pas effacer le passé... Rima l'observait du coin de l'œil.

- Ryuu, en particulier, ne m'a jamais porté en estime, précisa Kaname. Ce n'est pas si surprenant qu'il se soit rallié à Rido.

- Kaname, intervint Aïdo qui observait la nuit à travers la baie, penses-tu que tout ceci n'aie pour but que de t'atteindre ou te tendre un piège?

- Tout s'expliquerait, concéda Takuma.

- Non, répliqua sèchement Kaname. Ils ne pouvaient pas savoir pour Yui et moi. Il y a autre chose...

Ses yeux rougeoyèrent dangereusement.

- C'est l'heure de la chasse, gronda-t-il.



Le siège du Conseil des Chasseurs était allumé. Après le départ de Kaname, Taka Tsuruga avait réuni tous les chasseurs dans la salle principale. Alors qu'ils avaient souhaité rester à ses côtés, Zero avait demandé à Jun et Sho de rentrer, ce qu'ils firent, rongés par des sentiments contradictoires. Brisés pour leur fils, ils avaient encore du mal à croire que Yui l'avait trahi, en particulier Jun, qui avait accepté la jeune femme comme sa propre fille, et qui sentait la haine percer de son cœur, d'ordinaire si compatissant, tandis qu'une toute petite voix au fond d'elle-même s'inquiétait encore de son sort. Après avoir raccompagné Yori, Kaito avait rejoint les autres au siège. Taka s'apprêtait à prendre la parole lorsque la porte s'ouvrit brusquement. Yagari fit son entrée, vêtu d'un costume bleu nuit et d'une chemise noire. Il se dirigea tout droit vers Zero.

- Et dire que je suis rentré plus tôt pour pouvoir être à la fête de ton mariage, lui dit-il gravement. Mais je crois bien que j'ai raté quelque chose de bien plus intéressant.

- Je ne pense pas que ce soit le terme approprié, fit remarquer Mio d'un ton bourru, assise sur une table tout près.

Comme tous ceux qui avaient assisté à ce mariage avorté, elle n'avait pas eu le temps de se changer. Tous les chasseurs avaient les yeux rivés sur la même personne, ils l'observaient à la dérobée, pensant qu'il ne le remarquait pas, mais Zero savait ce qui se disait de lui, ce que pensait ses collègues de chasse. Avaient-ils pitié? Se riaient-ils de lui? Le discours du Président fut rapide et très clair: tous les chasseurs devaient partir sur le champ pour retrouver sa fille. Ils n'avaient aucun indice, ni aucune idée de l'endroit où elle avait pu être emmenée, mais ils devaient passer la ville et ses alentours au peigne fin. Taka parla d'une voix rigide et sans appel. Une heure plus tôt, il était encore anéanti, Kaien l'avait quitté après lui avoir fait comprendre que se lamenter ne ramènerait pas Yui plus vite, aussi s'était-il plus ou moins ressaisi. Après ses dernières consignes, il disparut dans son bureau. Personne ne doutait qu'il était abattu, même si le froid Taka Tsuruga ne montrait jamais un quelconque signe de faiblesse, nul n'oubliait son visage empli de désarroi dans la cathédrale. Il n'avait pas adressé un seul mot à Zero.

- Bien, fit Yagari en allumant une cigarette. Je propose de faire équipe avec toi Zero.

- Mio et moi venons avec vous, dit à son tour Kaito en donnant une petite tape dans le dos de son ami.

- Tu m'as demandé mon avis? bougonna la chasseuse.

- Non, rétorqua Kaito en lui souriant , moqueur. Mais on peut s'en passer... Et puis, je savais que tu allais venir, tu es tellement prévisible ma chère!

Elle avait déjà préparé une réplique cinglante mais Ichiru lui coupa la parole.

- Je me joins à vous, annonça-t-il , en jouant distraitement avec un crayon trônant sur une table.

- Hein? fit Kaito, qui ne cacha pas sa surprise.

- Qu'est-ce que ça signifie? l'interrogea Zero d'un ton glacial. Tu n'as pas à le faire, et de plus, tu n'apprécies pas particulièrement Yui, ça devrait te faire plaisir ce qui se passe non? Et puis d'abord, qu'est-ce que tu fais ici? Personne ne t'a obligé à venir.

- Zero... intervint calmement Yagari, tentant de l'apaiser.

Ichiru soupira.

- Ah mon frère! Je vais être franc. Il est vrai que le sort de Yui Tsuruga me laisse quelque peu de marbre, mais tu es mon frère, et puisque tu as décidé de la retrouver malgré ce qu'elle t'a fait, je vais t'aider.

Zero ne fut qu'à moitié convaincu par cette réponse. Ichiru n'était pas une mauvaise personne, mais pour autant, ce soudain altruisme l'intrigua.

- Comment ça ce qu'elle t'a fait? demanda brusquement Yagari à l'adresse de Zero après avoir confié une arme à Ichiru.

Ce dernier ne répondit pas, mains dans les poches, il se dirigea vers la sortie. Yagari interrogea les autres du regard, personne ne prit la parole.

- Nom d'un chien ! s'emporta le chasseur. Qu'est-ce qui s'est ...

- Yui a refusé de m'épouser à cause de Kaname Kuran, coupa sèchement Zero en arrêtant sa marche , sans se retourner vers eux. Ensuite les vampires en question ont débarqué dans l'église et l'ont emmenée.

Yagari fit les yeux ronds, stupéfait. Mio soupira et descendit de sa table pour suivre Zero, imitée par Kaito et Ichiru, qui n'émirent aucun commentaire.

- Décidément, je suis dépassé par cette jeunesse... murmura Yagari avant de les rejoindre.



Cette odeur d'humidité... elle était si forte. Péniblement, elle parvint à ouvrir ses paupières. La pièce n'était que très peu éclairée, mais assez pour qu'elle puisse définir l'endroit. Il était exigu, les murs étaient sombres et pavés... Pavés? On aurait dit l'intérieur d'un château moyenâgeux. Nulle fenêtre, juste une porte de bois en face d'elle. Allongée sur un grand socle en fer surélevé, ses pieds et ses poignets étaient liés. Faisant un mouvement pour essayer de se redresser, elle laissa échapper un cri. Quelle était cette atroce douleur? Ce fut alors que sa mémoire lui revint. Elle n'avait rien vu du trajet, par un étrange enchantement, elle s'était assoupie, puis avait repris connaissance dans cette pièce. Paupières closes, elle avait senti qu'on l'enchaînait, puis entendu le ricanement d'un homme. Elle avait entendu « jouons un peu, juste un peu », puis elle avait senti un objet s'abattre sur son corps, elle l'avait senti, transperçant l'étoffe de sa robe, une fois, deux fois, trois fois, la douleur avait été tellement atroce qu'elle n'avait même pas réussi à crier. Au bout de quinze coups, peut-être vingt ou plus, son esprit avait déclaré forfait et elle avait replongé dans le noir et le silence. Elle essaya d'examiner son corps. Sa robe n'avait pas résisté, elle était tailladée et maculée de sang, de la poitrine jusqu'aux mollets. Le sang ne coulait plus, mais de ce qu'elle réussissait à apercevoir de sa peau, elle était profondément entaillée. Les brûlures qu'elle ressentait étaient abominables. Pourtant, elle était apparemment seule dans cette pièce, il fallait qu'elle s'échappe. Elle commença à se débattre pour essayer de se libérer de ses chaînes, chaque mouvement désespéré qu'elle faisait lui arrachait un cri de douleur. Quelque chose derrière elle bougea, ce fut comme un grincement de porte mais beaucoup plus sourd.

- Eh bien, la jolie mariée voudrait s'enfuir? railla l'homme qui arriva tout près d'elle.

Elle reconnut sa voix, et leva les yeux vers lui. C'était lui qui avait ricané, lui aussi qui l'avait torturée, et lui aussi qui l'avait portée après l'avoir embrassée de force dans l'église. Debout, près d'elle, il la jaugeait avec mépris, un sourire en coin. Derrière lui, à quelques pas, se tenait une femme aux cheveux courts et acajou qui ne souriait pas, bras croisés, la fixant d'un regard empli de dégoût. Ces gens étaient des vampires, et elle ne comprenait pas les raisons de cet emprisonnement. En avaient-ils après son père? Elle avait crû entendre l'homme s'adresser à Kaname... Qui était-il pour lui? Ryuu se pencha vers elle et glissant ses doigts en haut de son front, lui tira violemment les cheveux en arrière. La douleur la fit grimacer.

- Que vais-je bien pouvoir faire de toi ? lui murmura-t-il les lèvres presque collées aux siennes. Ton odeur est très appétissante et pour une humaine, tu es assez intéressante... Je dois dire, continua-t-il en se redressant et laissant glisser son regard sur son corps, que Kaname a bon goût.

Ainsi, ils se connaissaient bel et bien... pensa Yui.

Ryuu glissa une main sous sa robe et remonta le long de ses cuisses.

- Ne me touchez pas... parvint-elle à murmurer.

Elle ne pouvait serrer les jambes, écartées et enchainées, elles était incapable de les bouger. Ryuu ricana.

- Je suis sûre que tu aimes ça, insinua-t-il d'une voix rauque. Dis-le!

- Non... répondit-elle faiblement, les larmes lui montant aux yeux.

Brusquement, il stoppa son exploration forcée et se redressa.

- Hum! fit-il. Je pourrais te dresser... Je sens que tu es vierge...Je me chargerais volontiers de ton éducation mais le Maître te veut intacte, alors je ne vais pas te toucher, du moins pas de cette manière-là. Mais je ne réponds de rien quant à ce qu'il fera de toi.

Yui frissonna d'effroi. Qui était ce Maître dont parlait son ravisseur? Il eut un rire sadique. Zenako le rejoignit et vint se blottir dans ses bras.

- Je n'en peux plus de cette odeur de sang, se plaignit-elle en faisant la moue. Et dire qu'on ne peut même pas en profiter. Pour une fois, j'aimerais bien ne pas être de sang pur...

Yui frissonna. Sang Pur? Comme Kaname...

- Tu sais ce qui arriverait ma belle, répondit-il après lui avoir déposé un tendre baiser sur le front. Même si j'ignore pourquoi, il veut se charger personnellement de son cas, n'oublie pas les consignes. Je pense qu'avant de l'achever, il voudra tout de même en profiter.

Le peur tétanisait le corps de Yui. Allait-elle pouvoir échapper à ce sort funeste? Quelqu'un allait-il arriver à temps avant le pire? Ou était-elle déjà condamnée?

- Calme toi, dit Ryuu à Zenako en lui caressant les cheveux, comme s'il consolait un enfant. Je vais te donner ce que tu veux. Quant à toi, ajouta-t-il en se tournant vers Yui, profite du spectacle. Je suis sûr que tu vas adorer ça.

Zenako pouffa d'un rire diabolique, puis se colla plus étroitement à son amant qui la souleva et la déposa sur un autre socle en fer qui était parallèle à celui sur lequel se trouvait Yui. Ryuu commença à lui prodiguer des caresses, et enleva la combinaison de cuir de Zenako qui se retrouva nue. Yui tourna la tête, elle ne voulait pas voir ça. Néanmoins, elle entendait leurs gémissements, leurs soupirs, leurs rires, leurs mots. Elle avait perçu le changement. Zenako suffoquait à présent tandis qu'il l'honorait . Elle aurait voulu être sourde, mais à son grand malheur, elle entendait tout. Soudain il y eut un bruit différent, un claquement. Le cri de Zenako la fit d'instinct tourner la tête. Horrifiée, elle vit la scène. Zenako était à quatre pattes; le vampire aux longs cheveux blonds, nu lui aussi, était derrière elle, un fouet d'une taille démesurée à la main. Souriant sadiquement, il la fouettait violemment tout en la prenant tout aussi violemment. Avec effroi, Yui entendit qu'elle en redemandait, elle le suppliait, et il s'exécutait d'office. Le sang abondant jaillissait de son corps , et dégoulinait le long de son dos. Ryuu se mit à le lécher sans en perdre une seule goutte. La bouche ensanglantée, il tourna alors la tête vers Yui et jubila quand il vit qu'elle les regardait.

- Je savais bien que la mariée n'était pas une prude, railla-t-il tout en passant une langue sur ses lèvres.

Elle aurait dû se retourner à ce moment même, mais cette scène effroyable la pétrifiait. Puis Ryuu se retira et retourna son amante qu'il prit dans ses bras. Se hissant vers sa gorge, elle y planta ses crocs et but avec voracité. Elle se releva, rassasiée, et regarda vers Yui, les yeux rougeoyants. La jeune femme tourna précipitamment la tête, elle se sentait nauséeuse, souillée, alors même que ce n'était pas elle qui avait été touchée. Ryuu se leva sans prendre la peine de s'habiller et vint vers elle. Lui agrippant les cheveux, il l'obligea à lui faire face.

- Tu as aimé pas vrai? rugit-il.

Après un court silence, elle finit par lui répondre faiblement.

- Vous êtes aussi répugnants l'un que l'autre...

En un bond, Zenako fut près d'eux. Elle poussa Ryuu et giffla Yui avec tant de force que cette dernière entendit même les craquements de sa mâchoire.

- Répète un peu ça pour voir! s'insurgea-t-elle, furieuse. Sale garce! Si tu faisais la même chose avec ton Kaname , tu ne trouverais pas ça aussi répugnant, n'est-il pas?!

Elle se calma et sourit.

- « Je lui appartiens... je l'aime », susurra-t-elle essayant d'imiter Yui. Pauvre chose, si tu savais à quel point tu avais l'air pathétique! J'ai beaucoup ri en t'écoutant... Mais quoiqu'il en soit, ton cher Kaname ne pourra pas te sauver, quel dommage n'est-ce pas? Remarque, tu as peut être changé d'avis, vu ce que tu viens d'apprendre au sujet de ta garce de mère!

Ses mots furent encore plus douloureux que sa giffle. En effet, elle avait appris cette horrible vérité. Un Kuran, Kyra avait été assassinée par un Kuran. Elle ne put retenir ses larmes. Kyra était un modèle de bonté, elle avait ce don si particulier de propager l'amour où qu'elle se trouvât, alors pourquoi? Pourquoi ne l'avait-on pas laisser vivre? Pourquoi la lui avait-on enlevée?

- Rahh , pesta Zenako, et pleurnicheuse avec ça. Ferme-là! ajouta t-elle en la giflant de nouveau, une fois, puis une deuxième fois.

- Attends mon amour, intervint Ryuu en souriant, vu qu'elle aime ça, je vais vraiment la faire pleurer pour quelque chose.

Ce disant, Yui, en sanglots, le vit prendre son fouet, resté sur le socle ensanglanté, puis revenir vers elle.

- La princesse sera honorée comme il se doit, déclara-t-il avec sadisme.

Le fouet s'abattit sur elle, lui lacérant le ventre, la poitrine, les jambes. Au début, elle hurla à la mort, le corps se tordant, s'arquant, tandis que Zenako lui assénait par à coups de violentes gifles, puis elle prit conscience que crier ne servirait à rien, aussi décida-t-elle de serrer les dents, d'endurer son supplice en silence, ses yeux embués de larmes fixés sur le plafond humide, priant pour que la mort arrive vite et la prenne, car elle en était de plus en plus persuadée, nul ne viendrait la délivrer de ce cauchemar. Elle n'était pas une princesse de conte de fée enfermée dans un donjon, elle n'était plus qu'une chose qu'on prenait plaisir à torturer, et qu'on s'obstinait malgré tout à laisser vivre, car elle allait servir de repas à un autre monstre, qui, elle n'en doutait pas un seul instant, était encore plus terrifiant... Oui, la princesse était honorée, mais nul prince ne viendrait la délivrer.



Kaname, accompagné de Ren, Aïdo , Shiki et Kain, arpentait encore les couloirs de la demeure sombre et abandonnée. Ils l'avaient fouillée de fonds en combles, mais il n'y avait nul indice dans cette maison, et ses résidents semblaient l'avoir oubliée depuis longtemps. Des nappes, qui avaient dû être blanches dans un lointain passé, mais à présent jaunies par la poussière, recouvraient tous les meubles. Sur le sol, ça et là, s'éparpillaient des débris de verres et de porcelaine cassés. Les murs étaient ornés de nombreux tableaux, dont la splendeur d'antan avaient disparu, sur certains d'entre eux, on ne distinguait même plus ce qui y était dépeint. Des toiles d'araignées avaient pris possession, non seulement de ces œuvres picturales, mais aussi de toute l'ancienne demeure de Rido Kuran.

- Je me doutais bien que cela aurait été trop facile de les trouver ici, dit Kaname en atteignant la porte, mais je voulais m'en assurer.

- Vu l'état de cette maison, Rido n'a pas dû y mettre les pieds depuis un moment... fit remarquer Kain.

Kaname ouvrit la porte d'entrée, le vent glacial qui soufflait avec force à l'extérieur les accueillit.

- Je pense maintenant savoir où ils l'ont emmenée, dit-il sans se retourner vers ses amis. Mais auparavant, je dois m'arrêter pour rendre visite à quelqu'un. J'ai une chose à clarifier.



Les équipes de chasseur ratissaient la ville, à l'aveuglette, se fiant juste à leurs instincts. La nuit défilait à toute vitesse, et ils ne trouvaient rien. Zero, Kaito, Ichiru, Mio et Yagari venaient d'inspecter une immense maison, un peu aux abords de la ville, dont on savait que personne n'avait déjà vu les habitants, et qui ne semblait pourtant pas abandonnée. Il s'y étaient introduits, et avaient passé en revue les moindres recoins, sans succès.

- Je pense que la tâche va s'avérer plus ardue qu'on ne le pensait, déclara Yagari alors qu'ils s'engouffraient de nouveau dans la ville.

- Et vous avez trouvé ça tout seul? se moqua Ichiru.

- Et toi? C'est comme ça que tu parles à ton Maître? rétorqua Yagari en rallumant une énième cigarette.

- C'est bien pour ça que vous ne l'êtes pas, répliqua immédiatement l'intéressé, un petit sourire en coin.

- Au secours... marmonna Kaito en se grattant la tête.

- Arrêtez-vous! ordonna soudainement Zero. Vous sentez cette odeur?

Ils humèrent l'air. Tous reconnurent une odeur exécrable de sang mêlée à une repoussante pestilence de carne. D'instinct, ils prirent la direction d'où provenait ce parfum atroce qui leur brûlait les narines. Ils coururent, traversèrent une première ruelle, une deuxième, puis une troisième, contournèrent un immeuble récent, pour parvenir au plus grand parc de la ville qui, à cette heure de la nuit, était fermé au public. Escaladant le grillage, ils atterrirent sans effort de l'autre côté.

- Je savais que tu étais une tigresse très leste, commenta Ichiru à l'adresse de Mio en se collant à elle d'un peu trop près.

- Qu'est-ce que tu peux être agaçant! pesta-t-elle en s'éloignant de lui.

- Le début de l'amour ma belle, rétorqua-t-il, provocateur.

Elle secoua la tête et le devança après l'avoir gratifié de son plus macabre regard.

- Quelle femme! siffla t-il, admiratif.

- Pas une femme, précisa Kaito en soupirant. Plutôt une bête sauvage. D'ailleurs, si j'étais toi, j'éviterais de m'en approcher de trop près.

Ichiru continuait à sourire. Zero avait observé la scène mais n'avait pipé mot, il n'avait pas le temps de s'attarder sur ce genre de détails futiles en pareil moment. Il était d'ailleurs particulièrement de mauvaise humeur, mais personne ne pouvait lui en vouloir, au vu de ce qui lui était arrivé. Ils l'admiraient tous, même s'ils évitaient le sujet. Avoir une telle rage de la retrouver après ça... Mio, plus que les autres, ne comprenait pas, mais elle ne pouvait rester de côté. Aux aguets, ils s'enfoncèrent dans les bois du parc, se laissant guider par l'odeur nauséabonde de plus en plus forte. Yagari fermait la marche et avançait à reculons, son fusil braqué, prêt à l'attaque. Quelque chose se passait ici, cela pouvait avoir un rapport avec l'enlèvement de Yui. Soudain, quelque chose vola devant eux, ils pointèrent tous leurs armes au même moment dans la direction de l'ombre, puis les rabaissèrent, ce n'était qu'un gros oiseau nocturne. Se calmant quelque peu, ils continuèrent à avancer. Soudain, ils aperçurent une fontaine , à une centaine de mètres de là, il y avait quelque chose sur le sol, l'odeur putride venait de là. Armes levées, ils avancèrent prudemment, mais ne percevaient aucun bruit. La fontaine était au milieu d'une place éclairée par trois réverbères. Lorsqu'ils y parvinrent, Ils furent tous sous le choc, Mio et Zero en tête de lice, car ils eurent un atroce sentiment de déjà vu. Ils étaient très nombreux, à vu d'œil une quinzaine ou plus, une quinzaine de cadavres éparpillés tout autour de la fontaine. Ces humains ne venaient pas d'être tués, leurs corps déchiquetés commençaient à se décomposer, d'où la puanteur, il était difficile de distinguer leurs visages, après un tel massacre, car leurs agresseurs, à n'en point douter des vampires Level E , ne les avaient pas épargnés.

- Mon Dieu, quel horreur... souffla Kaito.

- Pourquoi se sont-ils donné la peine d'amasser tous ces corps ici? interrogea Mio, lèvres pincées.

- C'est un piège... murmura Zero. On nous a attirés ici.

Ils sursautèrent et se mirent immédiatement en position d'attaque, en se plaçant tout autour de la fontaine. Nul son ne provenait des arbres, nul son à part le vent. Pourtant ils se sentaient épiés. Le silence dura une minute.

- Ils sont là, déclara Zero, le corps tendu.

Ils surgirent brusquement des bois, ils étaient une bonne trentaine, ou plus.

- Eh bien... fit Yagari, nous allons avoir du boulot.

- Fais attention, ne te casse pas un ongle, lança Ichiru à Mio.

Cette dernière n'eut pas le temps de répondre. Les Level E s'élancèrent vers eux et un combat sans merci s'engagea. Zero réussit à se débarrasser de trois assaillants à la suite, le fusil de Yagari faisait son travail, mais les créatures étaient coriaces et particulièrement rapides. Cinq d'entre elles avaient jeté leur dévolu sur Mio. Elle réussit à tirer sur l'une d'elle mais le temps de se ressaisir, un autre monstre la déstabilisa et fit glisser son arme sur le sol. L'arme vint atterrir aux pieds d'Ichiru , lequel s'en aperçut mais était trop accaparé pour lui venir en aide. La chasseuse se retrouva en difficulté et s'engagea dans un combat à mains nues, et malgré sa force, un vampire lui donna un coup si violent à l'abdomen, qu'elle vola dans les airs pour s'abattre violemment sur le sol une trentaine de mètres plus loin. Zero vit la scène avec horreur et voulut lui porter secours, mais deux autres créatures l'avaient déjà pris d'assaut. Mio essaya de se relever et ressentit une douleur atroce émaner de son bras gauche, il semblait être démis. Les quatre créatures qui l'avaient prise pour cible s'élancèrent vers elle, jubilant déjà à l'idée de leur futur repas. Elle s'apprêtait à se redresser pour leur faire face lorsque quelque chose glissa tout près d'elle, c'était son arme qu'Ichiru venait de lui lancer d'un coup de pied au beau milieu de sa lutte contre ses poursuivants. S'en emparant à la vitesse de l'éclair de la main droite, elle tira quatre coups l'un après l'autre sans l'ombre d'un tremblement, et les quatre créatures qui n'étaient plus qu'à trois mètres d'elle disparurent dans une poussière abondante qui vint lui chatouiller les narines. Elle ne perdit pas de temps, se relevant, oblitérant sa douleur, elle alla prêter mains fortes aux autres. Kaito était aux prises avec deux vampires, et tandis qu'il planta un couteau dans la gorge de l'un d'eux qui s'agrippait à lui, de sa main droite, il transperça le ventre de l'autre qui était derrière lui, prêt à le mordre. Après s'être débarrassé d'eux, il reprit son souffle, et ne s'aperçut pas qu'une autre créature débarquait sur sa gauche, le temps de la voir, il était déjà trop tard. La bête sauta sur lui , et le renversa au sol, dans sa chute ses couteaux lui avaient échappé des mains. L'étouffant avec son corps pour l'empêcher de se rebeller, le level E lui planta ses crocs dans la gorge, tout en lui arrachant la peau du ventre avec un acharnement sans pareil. Le hurlement du chasseur retentit dans la nuit. Il était perdu, le level E allait le vider de tout son sang...Il allait perdre connaissance lorsqu'un coup de feu retentit à un mètre de lui et la poussière du vampire enveloppa tout son corps. Ouvrant les yeux, il aperçut Zero qui le fixait, défiguré par l'inquiétude, puis il s'évanouit. Les quatre chasseurs entourèrent Kaito, gisant sur le sol, pour le protéger. En effet, le sang de leur ami coulait abondamment, et avait surexcité l'appétit des monstres. Le combat sembla durer une éternité, et lorsqu'ils vinrent à bout des vampires, ils étaient épuisés et tous plus ou moins blessés, en particulier Mio qui se tenait le bras gauche en grimaçant sous la douleur semblant irradier dans tout son corps. Yagari souleva Kaito pour le porter.

- Il faut qu'il se fasse soigner, vite!




La domestique entra dans le salon.

- On demande à voir Monsieur Kuran, annonça-t-elle poliment. Madame Takimora.

Les trois amis furent surpris, Takuma en premier lieu.

- Faites-là entrer, répondit Rima en poussant un soupir las.

Peu après, Aya apparut et les salua. Ils se levèrent et firent de même.

- J'aimerais voir...

- Il n'est pas là, coupa Ruka d'une voix qu'elle aurait voulu plus aimable.

- Où...est-il parti? demanda-t-elle avec une anxiété qu'elle ne pouvait pas dissimuler.

Un silence lourd s'installa.

- Il est parti la chercher , n'est-ce pas?

Le silence gêné perdurait.

- Oui, il est parti pour essayer de la retrouver, répondit alors Takuma d'un ton grave, en la fixant droit dans les yeux.

- Mais...

Elle s'emporta soudainement.

- Mais ça peut être dangereux! s'écria-t-elle. Ces vampires sont dangereux!

- A votre place, je ne m'inquièterais pas autant, répondit Rima d'un ton nonchalant. Ne le sous-estimez pas. Kaname reviendra sain et sauf, et il est plutôt bien entouré.

- Tout ça pour cette fille... marmonna Aya en serrant les poings.

- Personne n'a le droit de juger ses motivations, rétorqua Ruka avec humeur.

Aya leva les yeux vers elle et la toisa avec dédain.

- Et c'est vous qui dîtes ça, répliqua-t-elle. Vous êtes l'hôpital ou la charité?

- Vous, gronda Ruka, je vous interdis de...

- Du calme les amis, intervint Takuma de sa voix posée. Ceci ne mènera à rien. Aya, je te raccompagne à la porte.

Ce disant, il l'avait rejointe et avant de quitter la pièce, la Sang Pur jeta un dernier regard noir à Ruka, qui le lui rendit.

- Non, mais pour qui elle se prend celle-là?! s'emporta cette dernière.

Ruka avait pourtant pensé ne plus haïr Aya Takimora...

Pour toute réponse, Rima soupira.


- Ce n'est pas le meilleur moment, mais je voulais te dire... J'espère que tu pourras me pardonner pour mon attitude de la dernière fois.

Les mots de Takuma étaient sincères, même si son regard sur elle, autrefois si doux, avait bel et bien disparu.

- C'est oublié, éluda-t-elle.

Arrivée à la porte, elle se tourna vers lui.

- Je t'en prie, préviens-moi lorsque Kaname reviendra, lui dit-elle d'un ton suppliant. Je m'inquiète pour lui.

- Je le ferai, répondit-il. Au revoir Aya.

Elle le salua d'un signe de tête, reconnaissante, puis s'en alla. « Même après tout ça, ses sentiments pour lui restent inchangés... » pensa tristement Takuma en allant rejoindre les autres.




Kaname n'avait pas pris soin d'avertir Kaien de sa visite. Débarquant à l'Academy avec ses compagnons, il ne fut pas étonné de le trouver à son bureau. Il frappa et la voix du Directeur lui signifia d'entrer. En ouvrant, il découvrit avec stupeur que Kaien Cross n'était pas seul. Hotohori Ushikudo et Aoi Chisato se levaient de leur siège au même moment. Ils s'apprêtaient à sortir et se dirigèrent vers les nouveaux arrivants . Mais Kaname, se trouvant au beau milieu du passage, ne bougea pas d'un millimètre.

- Bonsoir Votre Altesse, le salua Hotohori en s'inclinant, imité par son ombre.

- J'aimerais savoir une chose, lui dit Kaname d'un ton glacial. Pourquoi Yui Tsuruga a-t-elle été emmenée par Ryuu Fusazane?

Hotohori lui sourit.

- Votre Altesse, je comprends votre « interêt » pour cette malheureuse affaire, répondit-il avec une fausse déférence, mais je crains de ne pouvoir répondre à cette question. Mais sachez que nous allons faire de notre mieux pour la retrouver. Je vous prie de m'excuser, j'ai fort à faire.

Il voulut sortir mais avant qu'il n'ait eu le temps de réagir, Kaname l'avait soulevé du sol et l'avait abattu violemment contre le mur en le tenant à la gorge d'une main. Les yeux du Sang Pur rougeoyaient. Hotohori tentait désespérément de dégager la main de fer du Sang Pur, en vain, il étouffait. Aoi Chisato voulut s'en mêler mais Ren, Âïdo, Kain et Shiki, ayant anticipé sa réaction, l'encerclèrent. L'ancien chasseur s'était levé et regardait la scène avec stupéfaction, les mains posés sur son bureau. Kaname resserrait plus fort sa main autour du cou du Président de l'Ordre, la rage déformant son visage parfait. Ses sourcils étaient froncés, ses mâchoires serrées, ses yeux incandescents avaient soif de vengeance.

-

- Je sais pertinemment que vous êtes mêlé à cette histoire, rugit-il en le serrant si fort que le mur derrière Hotohori commença dangereusement à se fissurer. Vous savez très bien de quoi il retourne, vous saviez ce que Rido avait l'intention de faire, vous avez dû vous délecter du spectacle!

Il le relâcha et Hotohori s'écrasa sur le sol en toussotant et suffocant.

- Vous avez outrepassé les limites, finit-il par dire en levant les yeux vers Kaname qui debout, devant lui, le jaugeant avec la même haine féroce. Croyez bien que ce geste ne sera pas impuni, vous paierez cher cet affront.

Kaname s'accroupit près de lui et l'attira à lui par le col de son manteau.

- C'est vous qui allez m'écouter, le menaça-t-il . Si je la retrouve abîmée, parce que croyez bien que je vais la retrouver, s'il lui arrive quoique ce soit, le moment venu, je vous écraserai comme un vulgaire insecte. Regardez bien mon visage, je vous fais la promesse que ce sera la dernière chose que vous verrez avant de rejoindre les abysses.

Hotohori grimaça, il voulut répliquer mais n'en fit rien, terrorisé par le Sang Pur. A cet instant, il était cent fois plus effrayant que Rido, il ne l'avait jamais vu animé d'une telle fureur, une aura de mort émanait de lui, lui qui prenait toujours sur lui pour se maîtriser. Kaname le libéra et se releva. Aoi, qui lui aussi, avait été libéré de la garde rapprochée du Sang Pur rejoignit son Maître et l'aida à se relever. Sans mot dire, ils quittèrent tous les deux la pièce. Avant de refermer la porte, Hotohori jeta un dernier regard à Kaname, qui était de dos et ne le vit pas. Un regard qui disait : « j'aurai ma vengeance ».

- Je crois que je vais m'abstenir de tout commentaire, déclara Kaien d'un ton las, en se rasseyant. Que me vaut cette visite tardive Kaname?

- J'ai besoin de quelques éclaircissements, répliqua-t-il sèchement. Est-ce que Rido a bien assassiné la mère de Yui?

- Oui, répondit Kaien sans l'ombre d'une hésitation en soutenant le regard du Sans Pur. Tu sais à présent pourquoi Taka ne te porte pas dans son estime et pourquoi cette histoire malheureuse avec Yui n'a pas lieu d'être.
« Il n'est pas nécessaire de lui parler de la prophétie » se dit-il en son for intérieur, « c'est tout ce qu'il a besoin de savoir ».

- J'étais très surpris que tu ne le saches pas, continua l'ancien chasseur.

- Quand cela est-il arrivé? s'enquit Kaname.

- Trois semaines après la mort de Yuki, il y a quatre ans.

- Je vois, fit le vampire. Cela s'est passé pendant mon absence, et je n'avais pas fait le rapprochement, mais tout s'explique. Rido a pris votre fille et la mère de Yui l'une après l'autre. Parce que vous savez aussi bien que moi que cette incendie n'était qu'un subterfuge pour masquer le meurtre de Yuki.

- Oui, confirma Kaien en se levant pour aller à sa fenêtre. Il plongea ses yeux dans la noirceur de la nuit.

- Pourquoi ne me l'avez-vous jamais dit? gronda Kaname, indifférent au chagrin que le souvenir de Yuki pouvait éveiller chez le Directeur.

- Je n'en voyais pas l'utilité. Il se tourna vers Kaname. Je n'avais pas prévu que les choses tourneraient de cette façon et que Yui et toi vous alliez à l'encontre de ce qui est contre-nature.

Il soupira et baissa les yeux.

- Tu comprends maintenant pourquoi vous deviez mettre un terme à tout ça, murmura-t-il, fatigué.

Il se rassit à son bureau et se cacha la tête dans ses mains avant de poursuivre.

- Outre le fait qu'elle soit humaine, une telle relation au vu des circonstances serait mal venue. De toute façon, maintenant, elle aussi connaît la vérité. Et dire que j'ai tout fait pour que jamais elle ne l'apprenne... Même si à présent, c'est un piètre détail comparé à ce qui lui est arrivé...je me demande si on pourra encore la sauver... Mon Dieu, pourquoi ne puis-je rien faire?

Il avait l'air si abattu, un tel désespoir le torturait. Kaname savait les liens qui l'unissaient à Yui, néanmoins, le voir en cet état, le déstabilisa l'espace d'un instant. Ren et les autres, restés en retrait, avaient suivi la conversation et considéraient à présent Kaien, son déchirement leur fit un étrange effet. Kaien Cross, le chasseur le plus célèbre de l'histoire, pouvait exprimer autant de souffrance sans aucune retenue.

- Je sais où elle se trouve.

Kaien releva les yeux vers lui et l'interrogea silencieusement.

- Ne vous inquiétez pas, nous la retrouverons.

- Si c'est le cas, répondit le Directeur avec gravité, je n'aurai pas assez d'une vie pour te remercier. Dieu seul sait ce qu'ils comptent lui faire.

Kaname le salua de la tête, ses amis firent de même, et il lui tourna le dos pour quitter le bureau.

- Au fait, lui dit-il en se retournant vers Kaien avant de sortir. Je sais à quel point vous tenez à Yui. Mais même si je n'ai pas le temps de m'engager dans un débat stérile, sachez ceci: l'Ordre est intimement mêlé à son enlèvement car l'Ordre est le filet de sauvetage de Rido. Donc par extension, l'Ordre est également mêlé au double assassinat de la femme de Taka Tsuruga et de Yuki. Vous défendez donc un des responsables du meurtre de votre propre fille. Que vous le croyez ou non ne changera rien à l'évidence. La réalité que vous tentez de fuir finira par vous exploser à la figure Kaien Cross.

Sur ces paroles cinglantes, il s'éclipsa, laissant un Kaien profondément marqué par son discours.

Ichiru venait de rentrer avec son jumeau à son appartement, il n'avait pas voulu le laisser seul. Après avoir conduit Kaito à l'hôpital, ils avaient appris avec soulagement que bien qu'étant grièvement blessé, ses jours n'étaient plus en danger. L'explication selon laquelle il s'était fait attaqué par une bête avait suffi aux médecins, qui ignoraient à quel point ils étaient proches de la réalité. Mio était restée à l'hôpital, malgré ses protestations, son bras cassé nécessitant des soins d'urgence. Yagari s'était proposé de rester et avait conseillé aux deux frères de rentrer se reposer.

- Je prends la douche, déclara Ichiru, alors que son frère était allongé sur le canapé, les mains derrière la tête, les yeux rivés au plafond.

Zero ne répondit pas.

- Ecoute frangin, poursuivit son jumeau d'un ton posé. C'est vrai que Kaito a été très éprouvé, mais l'important, c'est qu'il s'en sorte. Quant à Yui, nous reprendrons les recherches au plus vite, même si je sais que tu te ronges les sangs, ça ne sert à rien pour le moment. D'autant qu'on a un autre problème sur les bras, il n'est pas impossible que si on ressort maintenant pour continuer les recherches avec Yagari, nous aurons encore ce genre de visite surprise, et si on se retrouve à trois contre cinquante, on risque d'avoir quelques soucis, et on est pas au top de notre forme, pour couronner le tout.

- Oui, ces vampires ont été envoyés pour nous nettoyer, murmura Zero d'une voix blanche.

Ichiru soupira et fila à la douche. Les pensées de Zero étaient entremêlées et confuses. Cette journée suivie de cette nuit, tout ceci lui sembla soudain tellement irréel. Tout avait pourtant si bien commencé... Il s'était levé, trépignant d'impatience, accueilli par un soleil radieux. Mais tout avait viré au cauchemar, au pire scénario qu'il aurait pu imaginé, le refus de Yui devant l'autel, son amour pour ce Sang Pur... A cette pensée, il serra les poings, le cœur empli de haine. Puis il y avait eu ce spectaculaire enlèvement et la traque de cette nuit qui avait blessé deux de ses amis et avait bien failli coûter la vie à l'un d'eux. Mais comment retrouver Yui? Il se sentait si inutile... Qu'importait qu'elle l'eut trahi, il ne pouvait la laisser aux mains de ces monstres. Il devait aller trouver Kaname Kuran. L'homme qu'il haïssait à présent le plus au monde devait répondre de ses actes, lui seul pouvait avoir des indices sur là où se elle trouvait ... Malgré lui, ses paupières s'alourdirent, la fatigue le plongea dans de sombres cauchemars....



- C'est ici? demanda Kain en jaugeant la vielle église semblant à l'abandon qui se dressait devant eux.

- Oui, répondit Kaname, figé comme une statue.

La petite église se trouvait dans la contrée ouest de la ville. Il n'y avait que peu d'habitations autour, et des champs à perte de vue.

- Comment sais-tu que...

Aïdo n'eut pas le temps de formuler sa question que Kaname lui jeta une regard noir qui le fit tressaillir.

- Excuse-moi, dit-il en baissant les yeux, je ne voulais pas être indiscret.

- Nous allons avoir un problème, déclara Ren. Si ce vampire aigis est dans les parages, ce qui est plus que probable, il nous empêchera de rentrer à l'instant même où il nous apercevra.

- En effet, acquiesça Kaname. Mais pour le moment, j'ai masqué notre présence.

- Il faut juste être assez rapide pour le prendre par surprise, intervint Shiki. On doit le neutraliser avant qu'il ne dresse sa barrière.


Kaname fronça les sourcils. Il sentait qu'elle était là.

« Suis-je encore en vie ?», se demanda t-elle, les yeux clos. Plus de douleur, à force de souffrance endurée, son corps en morceaux était anesthésié. Elle ne sentait plus rien. Avait-elle encore une enveloppe de peau? Le silence... Un silence de mort... Elle ne distinguait plus aucun son, elle se souvint avoir entendu des bribes d'une conversation entre Zenako et Ryuu, puis plus rien. Etaient-ils encore dans la pièce? Ou étaient-ils partis? Un poids singulier l'empêchait d'ouvrir les yeux. Elle se retrouvait donc dans le noir absolu. Était-ce cela la vallée de la mort?

Kaname et les autres pénétrèrent la vielle bâtisse plongée dans la pénombre la plus complète et traversèrent la salle principale, très exiguë, à l'affût du moindre mouvement ou son. Arrivé devant l'autel, le sang Pur tourna à gauche et se dirigea vers une petite porte se trouvant tout au fond, cachée par des rideaux hirsutes. Kain et les autres furent surpris, Kaname connaissait très bien ce lieu. En effet, il le connaissait. Une nuit, alors qu'il était encore enfant, et qu'il passait non loin de là, son instinct l'avait conduit vers cette église. Il y était entré sans hésitation et s'était laissé guidé. Ayant trouvé un passage donnant sur une galerie souterraine, il s'y était engouffré et après avoir arpenté des couloirs humides, il s'était arrêté devant une porte et l'avait ouverte, découvrant Rido, qui finissait un repas, entouré de cadavres qu'il venait de vider... Le vampire lui avait souri et il avait de suite refermé la porte et quitté l'endroit maudit. C'était ici que Rido, à l'époque, emmenait ses victimes pour les déguster à sa guise. A présent, ils avaient déjà ouvert la trappe donnant sur le passage souterrain et découvrirent que ce passage était éclairé par de petites lampes disséminées sur les murs. Ils empruntèrent les escaliers et se retrouvèrent dans un long couloir. Ils suivaient Kaname, qui savait exactement où il allait, tournant à gauche, continuant tout droit, puis reprenant à gauche pour tourner à la première à droite. Qui aurait pu croire que sous cette minuscule église se dressait un labyrinthe aussi vaste.... Soudain Kaname s'arrêta net. Ils se trouvaient à un angle et la seule voie empruntable était de tourner à gauche. Tous l'avaient senti. Un vampire se tenait au fond de ce couloir, sans doute l'aigis qu'il fallait à tout prix neutraliser. Après un signe de tête de Kaname, Ren s'élança et vola à une vitesse vertigineuse vers le vampire trapu aux cheveux marrons foncés qui se trouvait bien au fond du couloir. Ce dernier l'aperçut avant que Ren ne l'atteignit, prêt à dresser une barrière, mais Shiki lui avait déjà lancé une lame de sang, jaillissant de son doigt, qui était passée en dessous de Ren et s'abattit sur l'aigis, le renversant en arrière. Ren , profitant de ce déséquilibre, l'écrasa de son poids, se mit sur lui à califourchon, releva sa tête, et la tournant, il l'arracha d'un coup sec de son corps. Le vampire disparut dans un nuage de fumée. Alors que des dizaines d'autres assaillants surgirent, Aïdo, Ren , Kain et Shiki s'en occupèrent, laissant le champ libre à Kaname qui s'engagea dans un autre couloir. D'autres vampires se dressèrent sur sa route, les yeux rouges vifs et menaçants, mais il les fit disparaître en des millions d'étincelles d'un seul regard, tout en continuant son avancée jusqu'au lieu où il était certain de la trouver. Du côté de ses amis, le feu de Kain, le sang de Shiki, la glace d'Âïdo et l'eau de Ren se mêlaient pour exterminer les ennemis tenaces. Ryuu et Zenako, qui s'étaient assoupis dans la pièce voisine de celle où se trouvait Yui, se réveillèrent brusquement.

- Il est là, siffla-t-elle .

- Oui, et il n'est pas venu seul, pesta Ryuu. Comment a-t-il pu nous trouver?!!

Kaname réduisit en miettes cette porte qu'il avait déjà ouverte auparavant, et ce fut ainsi qu'il la vit. S'approchant précipitamment d'elle, il découvrit avec horreur les meurtrissures de son corps flagellé et couvert de sang, son visage enflé par les coups. Le sang de Yui était l'unique chose au monde à laquelle il ne pouvait résister, mais passées les quelques secondes pendant lesquelles sa soif d'elle se fit sentir, il balaya son instinct animal. Il caressa très prudemment sa joue rouge et gonflée et elle cligna des yeux. Était-ce bien quelque chose de doux qu'elle sentait sur son visage? Tentant une fois encore d'entrouvrir les yeux, elle eut le temps d'apercevoir une forme, un visage , qui resta dans le flou. Néanmoins, ce visage ne lui était pas inconnu.

- Yui... murmura-t-il .

Cette voix... elle la connaissait ... Serait-il possible qu'il fut venu la chercher? Non, cela ne pouvait qu'être un rêve, ou une chimère croisée dans les couloirs de la mort... Le visage et la voix s'évanouirent, de nouveau, les ténèbres l'enlacèrent de leurs bras glacés.


- Yui! la hélà Kaname avec inquiétude, la voyant perdre connaissance.

Un seul regard lui suffit pour briser les chaînes qui la gardaient prisonnière et il la prit délicatement dans ses bras. Ryuu et Zenako avaient battu en retraite se gardant bien d'apparaître devant lui, mais Kaname renonça à les poursuivre, concentré sur Yui. Cependant, ces deux-là paieraient de leur misérable vie pour les sévices qu'avait subis celle qu'il aimait. Sa fureur était à son comble mais sa tristesse la dépassait en intensité. Posant les yeux sur elle, son corps endolori n'était que le reflet de ses propres faiblesses. Il n'avait pas été capable de la protéger, quand bien même Rido n'avait pas eu le temps de poser la main sur elle, on l'avait torturée. A quoi donc avait-elle pu penser lorsqu'elle avait été battue de la sorte? Avait-elle appelé à l'aide? Etrangement, Kaname avait l'intime conviction qu'elle avait enduré les coups en silence, il la connaissait. Après des années d'emprisonnement, pendant lesquelles elle ne s'était pas rebellée, elle avait témoigné d'une force de caractère surhumaine, nul doute qu'elle avait dû adopter la même réaction.

- Tu es si courageuse, murmura Kaname en admirant tristement son visage, qui restait à ses yeux la chose la plus merveilleuse au monde, en dépit de ses blessures.

Aïdo et les autres avaient terminé de faire le ménage et accourraient à sa rencontre.

Kaname s'arrêta juste devant eux, le regard froid comme la pierre, et ils ne purent cacher leur expression horrifiée en voyant l'état dans lequel la pauvre femme se trouvait.

- Heu... Bien... balbutia Aïdo qui s'empressa de tourner la tête de côté pour ne plus la dévisager, je suppose que nous pouvons rentrer.

Yui bougea légèrement, Kaname la regarda.

- M... Mère... Maman... murmura-t-elle, les yeux fermés.

Avec une grande douceur, il effleura de ses doigts son front et descendit lentement vers sa joue.

- Pourquoi... continua-t-elle , pourquoi ... m'as-tu ... abandonnée? Pourquoi... t-a-t-il ... tuée?

Elle se tut. Kaname la dévisagea avec gravité puis leva les yeux vers ses amis.

- Rentrez, leur ordonna-t-il calmement en passant près d'eux. Je vous remercie pour tout ce que vous avez fait. Je la ramène là où est sa place.

Alors qu'il s'éloignait dans le couloir, Aïdo tendit la main vers lui, et s'apprêtait à ouvrir la bouche, sans doute voulait-il l'accompagner, mais Kain le retint par le bras. Aïdo le regarda et son sage cousin balança la tête en signe de désapprobation. Le blond vampire soupira et baissa les yeux, pensif.

- Rentrons, fit Ren qui prit la tête de la marche, suivi de près par Shiki.

Chacun d'eux avait sa propre vision de ce qui venait de se produire. Kain pensait aux raisons pour lesquelles cette femme avait été enlevée, son esprit cherchait des réponses plausibles, mais aucune n'était satisfaisante; Shiki ne pouvait s'empêcher de penser à son géniteur, lui qui avait crû être débarrassé du poids de sa descendance, devait se résoudre au fait qu'il était de retour, et que, désormais, il fallait s'attendre au pire de la part d'un tel monstre; Aïdo pensait à Kaname, qui lui avait semblé si vulnérable tout à coup face à la souffrance de cette simple humaine, malgré son visage qui ne perdait rien de sa rudesse; les pensées de Ren étaient, elles aussi, tournées vers Kaname, il se demandait pour quelles raisons ce dernier n'avait pas voulu la ramener au manoir. Il connaissait ses sentiments envers Yui, et pourtant il allait s'en séparer à nouveau, surtout après l'avoir trouvée dans cet état... Il devait pourtant avoir envie de prendre soin d'elle...Mais les méandres de l'esprit du Sang Pur étaient si complexes que le brun vampire se perdit en conjectures.



Zero s'était rafraîchi, et regardait distraitement à travers la fenêtre, tandis que son frère se servait à boire dans la cuisine, lorsqu'on frappa. Le jeune chasseur traversa la pièce et regardant par le judas, eut un petit geste surpris, puis ouvrit. C'était Mio. Son bras gauche était plâtré et bandé, elle entra dans l'appartement sans attendre sa permission.

- Qu'est-ce que tu fais là? lui demanda Zero en s'appuyant contre la porte après l'avoir refermée. Tu n'es pas sensée être à l'hôpital?

- Tu n'es pas aveugle, rétorqua-t-elle avec suffisance, tu vois bien qu'ils m'ont soignée, non?

- Oui, mais ça n'explique pas pourquoi tu es là? répliqua t-il sèchement.

- Il faut croire que je m'inquiétais, répondit-elle en souriant d'un air moqueur. Kaito va bien selon les dires des médecins, ajouta-t-elle gravement, même si je n'ai pas pu le voir.

Un bruit la fit se retourner.

- Tiens, tu es là toi, fit-elle a l'adresse d'Ichiru qui la regardait, accoudé au petit bar.

- Comme tu peux le voir, railla-t-il. Je suis heureux de constater que tu te portes comme un charme. Au fait... j'attends...

Elle resta pendant un court instant incrédule, puis son expression changea.

- Oh! s'emporta-t-elle. Si tu crois que je vais te remercier, prépare-toi à attendre toute ta vie!

Ichiru s'apprêtait à répondre lorsque Zero poussa un soupir exaspéré.

- Je vais rendre une petite visite à Kaname Kuran, annonça t-il avec humeur en prenant son manteau.

Ichiru et Mio voulurent l'en empêcher, lorsque un vent glacial pénétra dans la pièce. Ils se tournèrent vers la fenêtre et virent que Kaname se tenait là, le long manteau noir flottant dans l'air du soir, tenant Yui dans ses bras.

- Ne me cherche pas, je suis là, dit froidement le vampire.

Zero se précipita vers lui, tremblant de rage, mais il s'arrêta net à quelques pas de lui, pétrifié par ce qu'il voyait. Était-ce bien Yui? Il voulut parler mais au premier abord, aucun son ne put sortir de sa bouche, il examinait des yeux le corps lacéré de la jeune femme. Avec une totale indifférence, Kaname passa près de lui et l'allongea sur le canapé. Puis il s'assit près d'elle et rapprocha ses mains de son corps.

- Qu'est-ce que tu vas lui faire?! s'insurgea Zero qui vint vers lui et s'arrêta lorsqu'il vit une lumière émaner des mains de Kaname, alors qu'il les imposait un peu partout sur le corps de la jeune femme.
Les plaies semblèrent devenir moins profondes à mesure qu'il continuait son investigation. Ichiru et Mio s'étaient approchés. Au bout d'un moment, le Sang Pur se releva enfin.

- Cela devrait suffire, murmura t-il en la regardant et lui caressant tendrement le visage. Tu n'auras plus mal, ma tendre.

Il se tourna vers Zero et le toisa avec mépris.

- Je te l'ai ramenée, j'espère que tu sauras en prendre soin.

Le chasseur serrait les mâchoires, et son regard disait qu'il était prêt à bondir sur lui.

- Elle a dû subir des choses atroces, poursuivit Kaname en la regardant de nouveau. Peut-être devrais-je les effacer de sa mémoire... ajouta-t-il pour lui-même.

- Quoi?! intervint brusquement Ichiru. N'y pense même pas! Elle seule pourra nous aider à retrouver leurs traces! D'ailleurs, je pense que tu sais parfaitement où on peut les trouver!

Kaname le fixa avec un soudain intérêt puis lui décocha un sourire sarcastique.

- Navré, répondit-il en plissant les yeux, mais je l'ignore. Et quand bien même je le savais, je n'ai pas à te le dire, Ichiru Kyriu. C'est bien ton nom, n'est-ce pas?

Ce dernier serrait les poings et était dans le même état de fureur que son frère. Ignorant son regard assassin, le vampire passa près de Zero et se dirigea vers la fenêtre. La voix menaçante du propriétaire des lieux l'arrêta.

- Tu crois que tu vas pouvoir t'en tirer à si bon compte, Kuran? rugit-il. Je veux savoir qui sont ces monstres qui lui ont fait ça et pour quelles raisons.

- Au sujet de ta seconde question, répondit-il d'un ton implacable sans se retourner vers son interlocuteur, je te ferai la même réponse qu'à ton frère, je l'ignore. Concernant ta première question, oui, je sais qui ils sont, mais ce problème ne te regarde pas.

- Oh que si ça me regarde! pesta Zero.

- Je comprends ta colère, répondit calmement Kaname, mais ne t'avise pas de me menacer. Je règlerai ceci à ma manière et je protégerai Yui.

- Qui crois-tu être? Je suis aussi capable que toi de la protéger!

- Alors prouve-le, lui asséna le vampire, d'un ton aussi tranchant qu'un couperet.

Sur ces mots, il se volatilisa en soulevant une violente bourrasque.

- Ce type est détestable, siffla Mio après son départ.

Zero jeta un coup d'œil investigateur à son frère qui avait le visage fermé, les yeux dans le vague. Pourquoi Ichiru tenait-il tant à retrouver ces vampires alors que le sort de Yui lui importait si peu? S'arrachant à ces réflexions, il s'assit près de la jeune femme. Elle avait l'air si reposée... Cet immonde sang Pur avait bien fait son travail. Sa peau, si profondément entaillée, ne comportait plus que quelques bleus à peine visibles, son si beau visage avait désenflé, seule sa robe de mariée tâchée de sang et en lambeaux était là pour rappeler ce qu'elle avait enduré. Tout en l'observant avec une tendresse mêlée de tristesse, quelque chose intriguait le chasseur. Pourquoi Kaname Kuran avait-il pris soin de la lui ramener alors qu'il la voulait lui aussi et qu'elle-même partageait ses sentiments? A cette dernière pensée, Zero se remémora la déclaration de Yui dans l'église, le mal qu'il avait ressenti, la colère, l'incompréhension... Pourtant, la voyant ainsi, devant lui, il n'arrivait pas à lui en vouloir, peut-être était-il un faible, mais comme il l'avait signifié au Sang Pur, il voulait la protéger. Mio observait sans mot dire, elle avait du mal à comprendre sa dévotion envers cette femme qui l'avait si outrageusement trahi.

- Je vais la nettoyer, déclara-t-elle soudainement.

Zero se tourna vers elle, interdit.

- Je suis une femme après tout, reprit-elle d'un ton dénué de moquerie ou d'animosité. Je n'ai qu'une main valide mais ça fera l'affaire.

Il ne put s'empêcher de lui sourire, reconnaissant. Le claquement de la porte d'entrée les fit sursauter. Ichiru venait de s'en aller.


« Yui, je te protégerai toujours, je ne laisserai plus personne te faire du mal, je ne serai plus impuissant. Même si je ne peux être avec toi, et que tu ne veux plus de moi, je veillerai toujours sur toi. Et même si je ne pourrai jamais t'oublier, je ne viendrai plus troubler ta vie. Il y a des gens qui t'aiment, ta place est auprès d'eux, ce sont de vraies personnes, pas des êtres de la nuit comme moi, qui ont oublié le sens du mot compassion. Car, à n'en point douter, je ne suis pas si différent de celui qui a pris la vie de la personne qui t'était la plus chère, ma famille est mon fardeau... et tu ne peux pas le porter avec moi, ma tendre, ma Yui... » .

Ainsi pensait Kaname Kuran, le ténébreux Prince de sang pur, qui s'éloignait en direction de son manoir, les magnifiques cheveux bruns flirtant avec le vent glacé du soir.
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